Gare d’Austerlitz, le billet en poche. Salle de départ aux alentours de 20h et des poussières, direction Briançon, arrivée prévue 7h53 au petit matin. J’imagine déjà la neige voletant sur le quai de gare, comme un salut à mon arrivée. Une nuit, tranquille, au rythme du tchou-tchou nocturne et répétitif, sans trop faire de bruit, du silence pour tourner les pages de mon roman, une petite fiole de whisky embarquée dans la double poche de mon blouson. Philippe Besson sera de ce voyage, Valence le premier arrêt du train, une ville endormie au cœur de la Drôme, un joli coin de silence et de rêves oubliés. Valence, personne sur le quai, je ne descends pas et continue mon périple jusqu’au bout de la nuit. Blue Train.
« Il est 23 heures largement dépassées. La nuit est très profonde et aucune lueur ne vient la contrarier. L’Intercités traverse une France inhabitée, des champs à perte de vue ou des forêts dangereuses. »
Prendre le train de nuit est une expérience, l’occasion de faire des rencontres, de lever les yeux de mon livre, de parler peut-être aux « visiteurs » de mon compartiment. Je prends la couchette du bas, je laisse celle du haut à cette jeune femme brune, au sourire éclatant (un parfum de jasmin ?). Elle me branche Coltrane et Weather Report, elle en connait un rayon, la nana, jazzophile. D’ailleurs, c’est la conversation la plus intéressante que j’ai eu depuis des années, des années cantonnées à commenter le bulletin météorologique de la région. Elle enchaîne sur Bashung, lorsque le halo d’un réverbère fatigué illumine les premiers reliefs du Vercors, là où il est question de sauter à l’élastique et de voler des amphores au fond des criques. La nuit, je mens.
« À Die, Alexis se souvient qu’il se trouve au pied du Vercors. Dans sa tête résonne aussitôt, et machinalement, la chanson de Bashung, qui parlait d’y sauter à l’élastique. Et c’est idiot, car enfin il y aurait d’autres évocations plus évidentes, mais chaque fois qu’il a fait le trajet c’est pourtant celle-ci qui lui est venue et c’est encore elle qui surgit. Ça disait « La nuit, je mens ». Il a appris que la nuit, on peut également dire la vérité. Il contemple Victor, sortant des limbes. Un personnage de David Hockney dans un décor d’Edward Hopper. Alexis, en peinture aussi, connaît ses classiques. »
On pourrait croire qu’il ne se passe plus rien dans un train de nuit. Et pourtant, il y a l’âme humaine qui s’y retrouve, des souvenirs et des amours, l’amour de monter seul dans un train et d’en descendre accueilli par un sourire. Des jeunes et des moins jeunes, des couples et des célibataires, des expressifs et des intimistes, ils se croisent dans les couloirs, l’un fumant une dernière cigarette à la fenêtre, l’autre allant aux toilettes, ou revenant du wagon restaurant, encore ouvert pour un dernier café à absorber sous le bleuté de la lune. Blue Moon.
« Le silence s’est installé, sans qu’on soit capable de déterminer si sa texture est celle de l’embarras ou de la complicité. Chacun, machinalement, regarde dans une direction opposée, Alexis vers la vitre et la nuit enveloppante, Victor vers la porte fermée et sa promesse de discrétion. »
Mais voilà, je suis dans cet intercités n° 5789 et là, alors que la nuit achemine sa destination, des vies vont l’accompagner. Tel est le destin de ces voyageurs de la nuit, où des larmes couleront sous le regard bienveillant de quelques étoiles froides illuminant les chemins de traverse de cette campagne française et silencieuse, comme esseulée de la vitesse du monde tournant autour de la lune. Love Train.
On pourrait croire qu’il ne se passe plus rien dans un train de nuit. Et pourtant, il y a l’âme humaine qui s’y retrouve, des souvenirs et des amours, l’amour de monter seul dans un train et d’en descendre accueilli par un sourire. Des jeunes et des moins jeunes, des couples et des célibataires, des expressifs et des intimistes, ils se croisent dans les couloirs, l’un fumant une dernière cigarette à la fenêtre, l’autre allant aux toilettes, ou revenant du wagon restaurant, encore ouvert pour un dernier café à absorber sous le bleuté de la lune. Blue Moon.
« Le silence s’est installé, sans qu’on soit capable de déterminer si sa texture est celle de l’embarras ou de la complicité. Chacun, machinalement, regarde dans une direction opposée, Alexis vers la vitre et la nuit enveloppante, Victor vers la porte fermée et sa promesse de discrétion. »
Mais voilà, je suis dans cet intercités n° 5789 et là, alors que la nuit achemine sa destination, des vies vont l’accompagner. Tel est le destin de ces voyageurs de la nuit, où des larmes couleront sous le regard bienveillant de quelques étoiles froides illuminant les chemins de traverse de cette campagne française et silencieuse, comme esseulée de la vitesse du monde tournant autour de la lune. Love Train.
« Paris – Briançon », Philippe Besson.
« Quelquefois la tristesse ça nous rattrape, d’ailleurs souvent ça nous rattrape quand juste avant on a été joyeux, comme s’il y avait un prix à payer. »
Envie de le lire celui-ci à l'ombre du Vercors ou ailleurs...
RépondreSupprimerDu beau Besson, comme souvent, à l'ombre du Vercors et d'ailleurs...
SupprimerCe Paris-Briançon je le prendrais bien. L'ombre de Baschung, moi aussi la nuit je me mens, je me mens, je vois des trains travers la plaine. Coltrane et le Bulletin Météo de Zawinul, Shorter and Co. Tout me plait, la fiole aussi et une femme qui branche jazz fusion; je n'ai jamais vu. Envie de s'y perdre, corps et âme, Vercors et Dame. 🎹
RépondreSupprimerCe sont les plus belles, les femmes qui discutent météo à la sauce Zawinul. Du grand art, d'une beauté fusionnelle... Corps et âme, j'aime tant cette expression.
SupprimerTrès joli billet qui me fait me souvenir de ce La Roche Sur Foron - Grenoble d'il y a quelques décennies ... Mais sans magnifique brune amatrice de jazz, juste des cours de bioch et du linge propre magnifiquement repassé
RépondreSupprimerj'imagine que des amatrices de jazz ne se trouvent pas dans chaque train...
SupprimerTu vois, celui-ci je reviendrai t'en parler, après l'avoir lu, après me l'être procuré. J'ai une amie qui a fait Paris Briancon en train dernièrement accompagnée de ce livre.
RépondreSupprimerC'est Philippe Besson, je ne peux que l'aimer...
Dis-moi, si tu le trouves, si tu l'as, il pourrait effectivement bien te plaire, ces histoires - de vie et de train. Je le cherchai justement... au cas où... il peut plaire...
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