lundi 28 novembre 2022

Marx vend de la Beuh dans les Favelas


"Un territoire vaste, localisé à l'extrême est de Porto Alegre : un territoire qui, tout en se traînant dans un processus d'urbanisation interminable, présentait encore de nombreux vestiges de son lointain passé rural ; un territoire où il était encore possible de voir, à l’œil nu, la forêt atlantique partir en fumée petit à petit, où il était encore possible de suivre, en temps réel, l'action corrosive des métastases civilisatrices apportées par les caravelles plus d'un demi-millénaire auparavant; un territoire couvert de collines, parmi lesquelles montait, descendait et zigzaguait, montait, descendait et zigzaguait, comme sur des montagnes russes géantes, la route Joao de Oliveira Remião. Voilà comment on pouvait décrire l'un des plus grands quartiers de la capitale gaúcha : Lomba do Pinheiro."
 
Imagine un supermarché, aux abords des favelas. Dedans, deux rayonnistes qui triment toute la journée. Pourquoi ? Pour un salaire de misérables. A la fin du mois comme à la fin de la journée, ils n'ont même pas assez pour vivre normalement. Je ne te parle pas encore de richesse, juste de décence. Simplement vivre en fonction du travail fourni. Pedro, alias le Marx de Porto Alegre, a une idée bien précise de ce que dois être le travail, surtout son égalité autant des tâches que des gains. Il y a les bourgeois d'un côté, les pauvres de l'autre. Mais si tu réfléchis bien, le bourgeois ne veut devenir qu'encore plus bourgeois, et le pauvre ne rêve que de devenir un jour bourgeois et écraser ainsi à son tour les pauvres de son argent et de son pouvoir. Mais pas Pedro. L'égalité, avant tout. Y compris dans le partage des profits. Salauds de bourgeois. Salauds de pauvres ! 
 
A partir d'un discours à la Karl Marx, Pedro et Marques vont se mettre à la vente de la Weeds. Un peu à l'image d'un Walter White et d'un Jesse Pinkman dans Breaking Bad. Vendre juste ce qu'il faut, pour gagner un peu plus, en travaillant un peu plus. Le travail à son juste salaire. Et parce que le marché est là, j'ai étudié le marketing de l'herbe et la vente de cette dernière est quasi absente des favelas. Les acheteurs traînent dans les favelas, le regard vide ou le sourire hilare mais les vendeurs eux préfèrent fourguer de la cocaïne, rapport prix/stock. 
 
Beaucoup d'humour et de dérision dans ce duo qui se mêlent au cynisme de la vie et du marché. Comme le suggèrent la maison d'édition et Bernardo Carvalho, ça pourrait faire un bon film de Tarantino. Et maintenant, je sais où acheter mon thé. Dans un supermarché !
 
"Mercredi 6 juillet 2011. Froid intense. Nuages durs dans l'obscurité du ciel. Vents forts hurlant sinistrement dans les entrailles de la nuit. Feuilles de papier et sacs en plastique tourbillonnant dans l'air. Quelque chose de maléfique rodait dans les rues de Porto Alegre, flottait sur les eaux du lac Guaíba, était tapi derrière les arbres du parc Farrou-pilha. On le sentait. Les démons de l'enfer s'étaient donné rendez-vous dans la capitale gaúcha pour voir de près et applaudir debout ce qui était sur le point de se passer." 
 
"Supermarché", José Falero.
Traduction : Hubert Tézenas
 

 

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