vendredi 16 août 2024

Une Bière en Terrasse


Vendredi 13 novembre 2015, il est 18h00… Je rentre du boulot, l’esprit un peu fatigué. Sur la ligne 13 du métro, je vois qu’il y a pas mal de monde. Enfin, il y a toujours beaucoup, beaucoup trop de monde sur la ligne 13. Mais ça me revient, il y a foot ce soir au Stade de France, un France – Allemagne, je crois. Toujours intéressant cette confrontation de deux équipes de foot qui se sont pas mal détestées il y a quelques années… Ca me tente bien, mais bon, je suis sur la ligne jaune, pas la bleu, le sort en à décider ainsi, je vais probablement rentrer chez moi, me prendre une bière devant la télé…

« Le Hasard continue à jouer avec nous. Il invente des retardements cruels, de faux espoirs, des trajectoires de tirs improbables, des chances inespérées, des armes qui s’enrayent. Nous retenons notre souffle. Attendons, prions, supplions, essayons d’espérer. »


Je m’installe difficilement sur un strapontin, brouhaha, chaleur humaine, odeur de soufre. Casque Marshall sur la tête, je rentre dans ma bulle, sur les ondes la guitare de Josh Homme et son premier groupe, Kyuss. Quel album, ce Welcome to Sky Valley, une odyssée dans les riffs et la poussière d’astéroïdes. Le stoner est ici. Ça me détend. Ça me redonne de l’énergie. Je feuillette l’Officiel des Spectacles, voir s’il n’y aura pas un petit concert à voir ce soir… Je note le passage au Bataclan de Eagles of Death Metal, l’un des nombreux groupes de Josh Homme… Ça me tente bien, forcément. Encore du riff. Encore de la poussière. Ces riffs se transformeront en bang dans la nuit. Mais pour le moment, j’ai soif. Comme une envie de sortir de la chaleur étouffante du métro, retrouver l’air libre, sentir ce vent de liberté qui soulève les jupes des filles, et élève mon âme. 

« « Toi, oui. L’autre, pas. » A une seconde près, un centimètre près. Avoir de la chance ou pas. »

Alors, je m’installe à une table dans l’une de ses nombreuses terrasses où à l’époque les Spritz étaient encore à la mode. Le serveur met un peu de temps à se faufiler jusqu’à mon bout de table, un peu à l’écart du brouhaha festif ambiant de ces quelques heures où le soleil commence à abdiquer. Peu importe, je ne suis pas pressé, j’ai un bon bouquin avec moi où je peux tourner tranquillement les pages. Peut-être même que c’est un Laurent Gaudé. Ça me tente bien, un Gaudé, belle écriture, belles émotions. En attendant, je rentre dans le bar, me servir au comptoir, une Chimay à la pression. Pas la peine de déranger le serveur pour si peu, pour ma petite personne. Dehors, ça pétarade dans tous les sens. Ce n’est plus de la joie que l’on perçoit, mais plus de la peur, de l’horreur, de l’impensable. Je me suis éclipsé de la terrasse quelques secondes… des secondes salutaires, comme si par exemple je m’étais penché au bon moment pour ramasser mon marque-page tombé à mes pieds, aux pieds de quelques corps ensanglantés. 

« Je suis au milieu d’un tas de morts dont les téléphones sonnent. »

Mais au final, je suis crevé pour ce soir, je poursuis mon chemin sur la 13, ligne jaune, tout en continuant d’écouter la guitare de Josh Homme. Je finirai probablement sur mon canapé, avec une Chimay en bouteille, et pas en Terrasses, oubliant le concert du Bataclan, me réconfortant devant un bon match de foot à la télévision, avant de lire les nouvelles, ces visions d’horreur sur des chaînes qui tournent en boucle et qui éclipsent la joie d’une soirée pépère dans mon univers. Quelques années après, je revivrais ces instants dans ce roman, et je me dis qu’un verre en terrasses devrait toujours se prendre avec le sourire pour ne pas oublier la vie.

« Chaque sourire que tu feras sera une victoire. Chaque verre que tu boiras à la terrasse d’un café, une revanche. »

« Terrasses », Laurent Gaudé.

 
« Nous avons appris qu’on pouvait mourir de marcher dans la rue, de s’attarder autour d’un verre avec des amis. Et pourtant, il faut continuer. Vivre. Comme on aime. Au nom de ceux qui sont tombés. Nous serons tristes, longtemps, mais pas terrifiés. Pas terrassés. »

2 commentaires:

  1. Penses-tu que la ligne 13 est aussi hot que la ligne orange du métro direction McGill? C'est mon grand questionnement du jour...

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    1. Non rien ne semble plus hot que la direction prise par les filles de McGill...

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