lundi 26 août 2024

Le Cas K


Avec le temps, il était temps, tant d'envie, tant d'attente, que je plonge dans les eaux troubles de Dino Buzzati, que je réfléchisse à la profondeur philosophique du cas K. Tant apprécié, certains lecteurs-folkeurs firent de ce K leur livre de chevet (ne vous retournez pas, ils se reconnaîtront aisément, généralement ils portent un verre à la main et la mélancolie d'une guitare dans l'autre). D'autres lecteurs-écrivaquiers (et souvent ce sont les mêmes que les précédents) ont le désert qui leur colle à la peau, et font de ce K, un K intéressant, voir passionnant, mais triste. Oui quand on parle de Buzzati, on se sent obligé d'évoquer, ne serait-ce que l'instant d'une micro-seconde son autre monument.

J'ai donc eu enfin - et c'est peu dire - le courage moi-aussi de prendre en pleine main ce K et de m'abreuver de ces quarante-quatre petites histoires comme autant de petits shots de whiskys à peine fumé. Ne sachant pas ce que j'allais y trouver avant, mis à part quelques effleurements fantastiques, ce sont donc les yeux fermés que je pénétra l'antre de la pensée de l'auteur. Et qui ai-je donc rencontré au fond de cet abîme littéraire, en plus de ce monstre marin qui donna les lettres de noblesse à ce recueil ?...
 
Un auteur qui se met en scène, ou en abîme, réfléchissant au sens de l'écrivain, un général déchu et inconnu ou du moins ses ossements enfouis dans la poussière du temps, une femme - beauté italienne - à la jupe noire et serrée, un peu de magie, un peu de mélancolie, des "héros" fatigués de l'amer, l'âme vieillissant, un peu de moi donc. Et maintenant, il serait temps, t'en penses quoi, que je m'arrache de mon canapé tant poussiéreux et ainsi tracer un autre chemin qui me conduira sur l'autre poussière qu'est le désert des Tartares, car là non plus je n'ai pas encore osé m'y aventurer, roman qui a pris autant la poussière sur mes étagères que pour le K, acheté en même temps, je m'en souviens encore comme si c'était avant-hier, tout deux dans une librairie d'occasion proche de la rue Sainte-Anne.  Peut-être le temps de trouver une nouvelle bouteille de whisky enfouie dans la poussière d'une cave et d'une vie.
 
P.S. anecdotique : à l'intérieur de ce K, coincé entre deux pages la 310 et la 311, je trouve un tout petit bout de papier sur lequel est écrit le 06 d'une Valérie avec la référence d'un autre roman, La Calamiteuse Progéniture du Cardinal Guzman... Tu connais ? cette Valérie ou ce Cardinal de Louis de Bernières... En tout cas, si j'étais écrivaquier, cela ferait certainement le début d'une de mes nouvelles. J'imaginerai Valérie, déambulant dans les rues sales de ma vie, et peut-être que je m'engouffrerais dans une cabine téléphonique pour appeler ce numéro de téléphone... et qui sait ce que l'avenir de cette histoire m'apportera dans l'écriture d'un tel billet.    
 
"Déchu et heureux.
Je n'ai pourtant pas encore touché le fond du puits, il me reste une petite marge à perdre, et j'espère bien pouvoir la savourer. Du reste, j'ai atteint un âge si avancé qu'il est probable que je n'ai plus longtemps à vivre.
Depuis de nombreuses années j'ai la réputation - une réputation qui s'est affirmée au fur et à mesure - d'être un écrivain fini ; dont le déclin est complet et irrévocable. A chaque œuvre que je publiais, on disait, ou du moins on pensait, que j'avais encore descendu une marche. Et il en fut ainsi de chute en chute, jusqu'à l'abîme actuel." 


"Le K", Dino Buzzati.
Traduction : François Livi.



"Elle portait un simple pull-over de couleur grise et une jupe noire très serrée à la taille. Le poids de son corps reposait sur la balustrade et ses hanches s'épanouissaient librement de biais, nonchalantes et animales. C'était peut-être une de ces filles qui avec leur négligence et leur impertinence parviennent à une élégance presque agressive. Elle portait de larges lunettes bleues."

8 commentaires:

  1. J'ai lu Le désert à l'époque où les 06 n'existaient pas encore. Valérie doit être du XXIeme siècle.
    Tu m'intrigues bien avec ce cas K...

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    1. Je peux te l'envoyer, à l'occasion, si tu veux, si tu le permets... le K, pas le 06 (ou les deux :-) !

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  2. Cette chanson m'a toujours fait penser au désert des Tartares
    https://youtu.be/b5cPA5vuCLo?feature=shared

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    1. Merci de ce très beau partage... Je ne connaissais pas cette chanson de Brel qui sans équivoque fait référence au Désert des Tartares

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    2. Elle est exceptionnelle cette chanson n'est-ce pas ?
      Je veux bien le Buzzati, à l'occase. Ya pas urgence, la PAL est encore haute. :-)

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  3. Lettre au Bison
    Un cas pas banal ce billet. Tu as su en quelques lignes cerner Dino, son univers et le mien. Merci pour cet hommage l'ami, toi qui as si bien perçu mon attachement aux obsessions buzzatiennes qui m'ont modelé, voire parfois déformé, mais que je revendique haut et fort. Quant à The Animals et House of the Ring Sun tu as une fois de plus tapé dans le mille dans ce tir au Bison, tant cet hymne blues rock des sixties m'a lui aussi initié à cette musique qui coule toujours dans mes veines et artères quelque peu vieillissantes. J'avais 16 ans , Eric Burdon et sa bande m'attendaient à l'Olympia, j'ai failli rater le dernier train. Tu connais la suite.
    Verre et arpège cher Bison! Verre et arpège!🍻🎸
    A Pascale. Je crois que Brel ne s'est jamais vraiment expliqué sur Zangra mais à l'évidence il est le fils caché du Lieutenant Drogo.

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    1. J'espère que juste que cet hommage, tu ne l'as pas pris comme un hommage posthume à la Delon... Mais depuis le temps que tu faisais référence à ce cas Buzzati, je m'étais dit qu'il serait temps d'y prendre quelques verres d'un whisky vieillissant...

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    2. Non, rassure-toi. Pour l'hommage posthume, le césar d'honneur, le Rock'n'roll Hall of Fame et le Panthéon, j'aimerais si possible un sursis. A bientôt. 🎶

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