vendredi 6 octobre 2017

Poésie de la Mozzarella di Buffalo

Déambuler dans les rues de Naples. Des odeurs de pizza s’envolent des ruelles, les parfums des prostituées s’échappent des impasses. Je réclame le silence, mais à Naples, le silence n’existe pas. Alors comment lire de la poésie. La poésie existe pourtant : surtout à Naples, où l’atmosphère se charge d’érotisme à chaque coin de rue. C’est comme lorsque je vois une belle mozarella di buffalo, j’ai l’envie subite de la mordre à pleine dent, comme dans une belle paire de fesses bien ronde. Ah Naples, la belle, la pornographique même. Et Wahida que je croise, son regard dans le mien, mon regard plongé dans son corps. Wahida, superbe putain de Naples, prise entre l’amour et la mafia albanaise. Belle rencontre entre un homme et une femme, entre deux rives de la Méditerranée, entre l’amour et ses seins.  

« Mais que pouvais-je lui offrir ? Ma vie ? Pas drôle. Je suis un homme trop sensible pour m’impliquer dans la vie des autres. Je suis victime de mes émotions. »

Wahida que j’ai cherché toute ma vie, que j’ai trouvé et qui s’est envolé, perdue dans ce labyrinthe d’émotions qu’est la vie. Les sentiments d’une vie se parfument à l’odeur alléchante d’une calzone, avec sa mozzarella qui coule et file lorsqu’on la découpe, la calzone, la pizza la plus érotique que je connaisse, ne me demande pas pourquoi, cela ne s’explique pas, mais cela se sent et se ressent. Si je dois visiter Naples, aussi mystérieuse qu’une putain peut être bandante, aussi poétique qu’une mini-jupe sur un scooter, il me faudrait relire ce « Labyrinthe des sentiments » et puis aussi son « Auberge des pauvres ». Tahar Ben Jelloun aime cette ville, ses ruelles et ses femmes. Peut-être même plus que Casablanca ou Tanger. Je ressens dans son écriture une telle passion, un tel pouvoir érotique que j’avais moi aussi cette envie de caresser le corps de Wahida. Mais qui suis-je pour me permettre une telle folie… Simplement un pauvre type qui déambule dans le labyrinthe de la vie…

« Lire de la poésie à Naples. Quelle idée ! La poésie a besoin de silence et de concentration. Naples hurle de partout comme une grande brûlée. Des sirènes d’ambulances, des voitures de police roulant à toute allure avec des gyrophares sur le toit, des vendeurs de n’importe quoi crient, des éboueurs alertent la population, des femmes se disputent de chaque côté de la rue, chacune à sa fenêtre, des enfants jouant au ballon font tomber un unijambiste, une mère appelle Sandro pour venir manger avant que les pâtes ne refroidissent, la télévision retransmet un match de foot où Naples n’est pas concernée mais les télés sont toutes allumées. Le vent s’y met aussi, apportant avec lui les rumeurs et les bruits de la mer, les murs résonnent, les pierres renvoient l’écho, Naples vit bruyamment, elle ne s’est pas ce qu’est le silence, le silence doit lui faire peur, alors tout le monde crie et hurle, c’est ça la vie, la vie à Naples, et moi je suis dans ce centre culturel rendu fameux par Jean Digne, un créateur généreux, je m’apprête à lire un long poème… »

Merci à Cristina pour le partage des odeurs napolitaines de pizza et de mozarella, addict à la Calzone et aux sentiments humains, l’amour toujours, la passion, à gauche ou à droite… Ha, la poésie de la mozzarella di buffalo.

« Labyrinthe des Sentiments », Tahar Ben Jelloun.


« Tiens, verse-moi du vin, cela va m’aider pour parler avec toi de choses pénibles.
- Je préfère te parler de pizza et de Naples. Que serait cette ville sans ses pizzerias ? Une cité pleine de trous, une maison sans eau, un cirque sans animaux, un bateau sans marins, un labyrinthe sans mystère. Tu sais, j’établis souvent des correspondances culinaires : je mange de la pizza en pensant aux beignets du matin, ceux de notre enfance ; je mange du rizotto en pensant au couscous de blé concassé ; je mange de la mozzarella di buffalo en pensant au fromage frais qu’on prenait, l’été, comme dessert ?
- La mozzarella, c’est quoi ?
- Ah, Wahida ! La mozzarella, c'est le fromage des enfants, c'est comme lorsqu'on mord dans le sein maternel, il y a des gouttes de lait qui en coulent; c'est lié à ce souvenir d'enfance. J'aime ce fromage que les grands amateurs trouvent désuet et sans goût particulier, je l'aime parce qu'il me ramène au sein de ma mère... »

10 commentaires:

  1. Tahar Ben Jelloun, un auteur que je ne lâche plus depuis L'auberge des pauvres.
    Et Chet Baker pour l'accompagner, la grande classe!
    Vendredi c'est aussi Chablis...

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    1. Vous m'avez fait découvert Ben Jelloun avec "l'auberge des pauvres". Magnifique. Exceptionnel. Sensuel. Celui-là est dans la même veine (un poil - de bison - moins percutant, mais tout de même).

      Quand à Chet Baker, je trouve que sa trompette se marie bien avec l'ambiance romantique et sensuelle que donne Ben Jelloun à Naples.

      Attention quand même au Chablis, on en devient accroc, comme à sa rime.

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  2. Je suis heureuse que ce voyage dans ce labyrinthe des sentiments t'ais touché mais je n'en doutais pas trop ^^ !
    Il décrit à la perfection l'effervescence de l'Italie et l'amour des corps et des hommes.

    Merci Bibison d'avoir mit à l'honneur ce très beau souvenir de lecture et merci pour la Paulaner ;-)

    Salud

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    1. Voyager à travers les sens de Tahar Ben Jelloun a toujours un sens, même dans un labyrinthe.

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  3. Chet Baker Chet Baker... grazie mille. Ses photos tapissent un de mes murs et sa trompette UNIQUE envahit ma maison.
    C'est du baume...
    Naples je connais. Beaucoup trop bruyante et agitée pour moi.

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    1. Pas de photos au mur, juste des disques bien rangées où la poussière n'a pas le temps de s'accumuler. Mais je comprends, sa trompette est unique.

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    1. Magnifiquement émouvante, surtout vers la fin... J'ai envie de pleurer quand je l'entends, tant de souvenirs...

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  5. Il pourrait bien me plaire celui-ci, j'ai tellement aimé L'Auberge des pauvres...

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    1. Je croyais que tu l'avais déjà lu, si je m'en réfère à la citation posté le 29 novembre 2012, et les jours d'avant et les jours d'après...

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