C’est
le jour de la Saint Patrick – jour qui se prolonge nuit après nuit dans mon
univers parallèle. Et quand on s’appelle McCarthy, un nom qui donne l’origine
de son sang et de sa soif au peuple irlandais, on s’engouffre forcément dans un
pub McCarthy pour y venir la célébrer dans la bienveillance d’une
lumière tamisée de quelques néons, un toucan se reflétant dans le miroir en
face du comptoir. Tu commandes une pinte de Guinness. Le barman prend son temps
pour venir prendre ta commande. Il commence à la tirer, puis une pause
s’impose, faire reposer les bulles, essuyer quelques verres, regarder autour de
soi, te regarder, même te causer. Il se trouve que je ne suis pas du genre à
causer. Alors j’attends, j’en commande même une seconde tout de suite, histoire
d’éviter la panne sèche du gosier entre deux pintes. Le barman continue sa
tâche, il tire la suite de ma pinte, écrête le surplus de mousse, mousse
onctueuse et soyeuse, un nuage immaculé dans un verre qui donne envie de s’y
plonger.
« Une fois tirée
la moitié de ma pinte de Guinness, le patron la laisse reposer trois minutes,
comme le veut la tradition séculaire. Ça permet à la bière de se clarifier. Et
au barman de demander qui on est, d’où on vient, et pourquoi on se trouve là.
Les autres clients écoutent en hochant la tête. Ensuite il finit de tirer la
pinte, lisse la mousse avec la lame d’un couteau tout jauni, et attend qu’on
trempe les lèvres dans le breuvage. »
Dans
la pénombre, quelques irlandais attablés boivent en connivence, des irlandaises
en mini et chevelure rousse boivent en rigolant, un bison boit en silence. Van
Morrison chante, des chœurs en chaleur, je regarde le cœur de ces irlandaises,
le mien bat-il encore. J’imagine qu’après Van, la radio diffusera probablement un
titre de U2, entre un Sinead O’Connor, avant qu’elle se mystifie, et les belles
brunes des Coors. Il faut une musique de là-bas pour savourer pleinement la
mélodie de la Guinness. Mais revenons à Morrison, l’emblème même de l’Irlande.
Un pub sans lui n’est pas un pub irlandais, c’est dans la charte des pubs
irlandais.
Dans
mon baluchon, j’y ai mis mon guide touristique, façon vieux routard, mais à la
plume de Pete McCarthy, toujours prêt à m’embarquer dans tous les pubs
« authentiques » d’Irlande et de ses landes. D’ailleurs, entre deux
gorgées, je te pose cette petite question : à quoi reconnait-on un « petit »
village d’Irlande ? Au fait qu’il y ait moins de 5 pubs dans la rue
principale. Moi, il ne m’en faut qu’un, pour me sentir dans mon univers, un
authentique, avec ces vieilles odeurs de fumées qui traînent depuis des années,
ces parfums de vieux cuir encore présents, ces effluves de gerbes qui habillent
les quatre coins du local, une lumière tamisée pour que j’imagine encore mieux
les jambes de ces irlandaises et que je caresse du regard leur chandail. Pete m’emmène
donc dans ces petits villages, à bord de son vieux tacot, d’une solidité
allemande.
« La pinte
de stout dense, à la crête échevelée, met cinq minutes à être tirée, juste le
temps nécessaire pour que le buveur avoue tout son passé au serveur irlandais
expérimenté. »
Du
coup, je navigue de pub en pub, une vraie pérégrination entre deux grains
mouillés, histoire de se sécher un peu le gosier. Parce qu’il est question
essentiellement de bières, et d’un autre temps, celui de la pinte de Guinness.
Mais en plus, je visite des coins encore sauvages, je croise les regards de
vieux types qui sont là uniquement pour partager une bière et quelques longues
minutes de leur temps perdu avec un étranger comme moi. Et j’ai là, à l'autre bout du zinc, mon ami du
folk, ce gars avec sa guitare qui n’a pas tout à fait la crinière de Van ni sa
voix, mais on s’en fout, parce qu’avec une bière, on a encore envie qu’il joue,
- « En tout cas, c’est ce que je me
dis au bout de trois pintes de stout. » - qui m’a convié à partager ce
chemin qui pourrait être celui de Compostelle, parce qu’enclin également à la
spiritualité des celtes. Tournée générale. Into the Mystic...
« L’Irlande dans un Verre », Pete McCarthy.
Traduction :
Catherine Richard.
« Combien de fois entend-on Van Morrison, à
l’entrée des pubs irlandais ? Dans les brasseries, sa musique doit être
ventilée dès l’entrée, comme l’odeur de pain chaud dans les supermarchés. Ou
alors, le gouvernement impose un certain quota de Van Morrison à respecter
rigoureusement. Je commande une pinte de Guinness et un sachet de chips nature
– autrement dit, en Irlande, goût « fromage et oignons ». »
74 ans et toujours vert Morrison, Belfast est sa maison alors les Pubs je ne t'en cause pas ♥
RépondreSupprimerJ'aimerai bien le trouver dans un pub, et boire une bière en silence, juste sa voix et le son de la mousse...
SupprimerDu bout du zinc, my friend, y a du mystique, y a l'Irlande dans un verre, enfin plusieurs verres, y a le Van, rageur comme quand, à 18 ans, il épelait G-L-O-R-I-A avec Them au Maritime Hotel de Belfast, pour quelques matelots givrés. J'en avais 14, des ans, et ce gars -là,tu le sais bien, a changé ma vie. Avec quelques autres, ils l'ont même sauvée, ma vie d'ado mal dans sa peau. Merci cher Bison. T'as compris, toi. Slainte!
RépondreSupprimerMerci, l'ami... pour ce si beau voyage... j'y ai pris tant de plaisirs que j'ai fait patienter ma bière... Immense merci que mon silence ne serait rendre hommage...
SupprimerOn plonge dans l'Irlande comme dans une atmosphère hors du monde...
RépondreSupprimerTournée générale avec Van Morrison! Hey Rufus!
Et puis... je lève mon verre à la Guinness et ma BDC. Surtout, à mes racines irlandaises !
Brune, blonde, rousse... ça dépend des saisons et de la lumière du jour :D
Née sous le soleil de Cancun, vivant dans la neige de Québec, une mousse irlandaise dans ses racines... ça c'est un sacré mélange !
SupprimerCheers !
RépondreSupprimerSlainte !
SupprimerAaaahhhhla voix de Morisson ! Je tombe d'amour pour lui...
RépondreSupprimerSinon ton livre il parle de quoi ?
Mdr ...
Ok je sors !
Mais avant essuie ta bouche tu as plein de mousse !
;-)
Merci pour Van ...
Le livre ne parle que de Van Morrison, d'un voyage à travers sa voix et son verre...
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