mercredi 1 juillet 2020

Poussière Rouge

« Le soleil est haut maintenant. Aux abords des calanques la mer est d'un turquoise à vous rayer la rétine. Les roches ont quitté leurs teintes pastel pour revêtir un orange intense. Genre tenue de gala. Jour de fête. Grosse soirée en perspective... »

Le corps à terre, meurtri de coups et de douleur, la gueule dans la poussière. Le sang coule, sombre et visqueux. Il s'écoule tel un ruisseau assoiffé dans les sillons des roches rouges. Une poussière rouge.

Tu prends un whisky, tu as à peine l'âge et tu attends déjà la maturité de la vie. Pourtant tu vis encore chez tes parents, un poster de Kurt Cobain au-dessus du lit. Tu as laissé tomber les études, tu t'es fait virer de ton job de mécano, tu passes tes journées à fixer le plafond, allongé sur ton pieu. Tu passes tes nuits à imaginer ce plafond. La musique s'enchaîne, se déchaîne, la chaîne s'échauffe, chauffe la musique, en toi. Par moment ou par ennui, tu prends même les disques de ta mère, Cabrel et compagnie. Une fissure qui s’agrandit et se lézarde. Ton esprit ne voit pas au-delà de ce fossé creusé dans le plafond, par lequel tu voudrais t'échapper. Mais tu restes là, incapable d'aller plus loin dans cette vie poussiéreuse. Tu as merdé sur toute la ligne. Ton karma. Et tu penses à elle. Leila, ou tout autre prénom en a. Tu l'as rencontré un peu par hasard, un peu sans prévoir, des discussions anodines, belle comme une ondine. A parler musique avec elle, tu as trouvé le grand amour, celui qui restera unique.      

« La pluie a cessé. Le ciel se déchire en grands lambeaux d'un bleu lumineux strié de nuages noirs et épais. Un long rideau de lumière s'abat sur la mer. Au large elle s'illumine en turquoise. Plus près du sable elle est boueuse et trouble, presque orange. Nous buvons nos whiskies à petites gorgées pendant que sur la platine Otis Redding chante qu'il est assis sur les docks face à la baie. » 

Face au soleil, tu regardes en bas, sous ces falaises. La baie, crique de solitude baignée d'un soleil orangé. De cette hauteur, un saut dans le vide et ta vie prend son envol. Poussez-moi, sembles-tu dire, aux dieux du vent et des rivages. Tu regardes l'écume blanchir le rivage lorsque les vagues se fracassent contre les roches. Ma passion pour ces hautes falaises. Je m'assois, les yeux plongés dans le vide, vers l'horizon, verre vide. Le silence et la nuit, des vies, émotion et mauvais karma. De la terre et du sang. De la poussière et du sang. Une poussière rouge. Tu te crois seul dans ce monde, sous le silence pale d'une lune masquée par l'amas de nuages orageux, aussi noirs et sombres que le pas du chat noir. Pourtant un témoin anonyme te guette, jusqu'à ce faux pas fatal. Mauvais karma, je l'ai déjà dit. Parfois, il y a des vies qui merdent sans trop savoir pourquoi ou comment. Même dans un lieu aussi magnifique que les roches rouges.  


« Des fois je m'en veux tellement d'être en vie. D'avoir autant merdé. »

« Les Roches Rouges », Olivier Adam.


Sur une masse critique, 
la poussière rouge, mauvais karma ;
Merci donc à Babelio et les éditions Robert Laffont.






9 commentaires:

  1. O.A. m'avait un peu soulé avec Les lisières. Mais bon, il y a des falaises, la baie, Kurt et Otis, pas des faiseurs de vieux os. Illustrée musicalement avec ton excellence habituelle et en édition tourbée, comment veux-tu que je résiste?

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    1. Kurt sort de mon imagination, Otis de celle d'Olivier. Je n'ai pas encore été jusqu'à ses lisières, là on s'aventure dans la littérature dite de "jeune-adulte" contrairement à l'édition tourbée qui ravivera les papilles des anciens, Slowhand à la guitare.

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  2. Les envolées lyriques d'Oliver Adam me plaisent souvent.

    ça me donne envie d'écouter le type assis sur les docks face à la baie. Eric fait trop de bruit en ce samedi matin.

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    1. 12h23 ne me semble pas un horaire matinale... Pour moi... Mais sûr que si tu passes tes nuits dans les salles obscures, son 7DTS et compagnie, un besoin de calme pour accompagner le pastis du samedi s'impose...

      Souvent moi aussi... J'aime ses envolées et ses whiskies versés...

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  3. Disons très fin de matinée.
    Ce que tu es pointilleux.

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    1. Il faut savoir être pointilleux dans la vie... c'est comme l'exigence du malt dans un whisky...

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  4. Olivier Adam avec ses maux à l'état brut, ses histoires qui nous ressemblent et nous bouleversent.
    Tu me l'as fait découvrir. Et j'y retournerai vite...

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    1. Ah bon... Moi j'ai fait ça... Je devrais pas... Trop triste, trop sombre... Je devrais arrêter... Mais j'y reviens toujours. Ça fait partie de ma vie...

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    2. Oui tu devrais...
      Cette sève coule en nous comme au printemps de la vie... la vie, la vraie

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