mardi 6 octobre 2020

Le Nouveau Condo

« Fallait que j'oublie cette journée. Perdu dix dollars au champ de courses aujourd'hui. Quelle chose inutile. Ferais mieux de me fourrer la queue dans une crêpe au sirop d'érable. »

 

Charles BukowskiSur l'écriture.

 


On a toujours à apprendre des grands penseurs de notre temps. Je ne joue pas encore aux courses, mais j'ai du sirop d'érable. Putain, je n'y avais jamais pensé. Maintenant je sais quoi faire de mon sirop d'érable. 

Après cette dérive culinaire ô combien passionnante et érotisante - oui je dois être du genre à être excité par du sirop d'érable, je retrouve Paul Hansen dans son nouveau condo à Bordeaux. Il neige, il fait froid, l’atmosphère est humide, les os gèlent et les majeurs deviennent bleus, des cafards se faufilent sous les draps gris d'un matelas puant la sueur et la pisse, bienvenue à la "Prison de Bordeaux". Je te présente également son coturne Horton, ex-Hell Angels, passionné des gros cubes, et philosophe à ses heures, surtout à heures fixes, quand il dépose de magnifiques étrons parfumant cette piaule, hôtel de luxe de l’île de Montréal, là où les trottoirs craquent sous le froid hivernal et la neige recouvre les chars.    

« Tout avait débuté un an auparavant, je crois, au début de l’hiver 1981. Après les premières chutes de neige, le froid commença à faire craquer les routes et les jours raccourcirent brusquement, comme s’ils étaient pressés d’en finir. Durant ces changements de saison, quelque chose se modifiait en nous, une lassitude diffuse s’installait et, avec elle, une part de mélancolie. »


J'ai beau réfléchir à la question - non pas celle où je me demande si je suis beau, mais pourquoi un type comme Paulo, mon ami Paulo, se retrouve en tôle. Paulo qui a tant donné dans sa vie, le "superintendant en chef" de l'Excelsior, une résidence où quelques êtres partagent un semblant de vie. Paul lui est à l'écoute de ces gens. Il officie dans tous les domaines, à la fois concierge, gardien et factotum mais surtout réparateur d'âmes. Un joli métier, ne trouves-tu pas. Qu’est-ce que tu voudras faire quand tu seras grand, petit ? Je voudrais être réparateur d’âme. Calisse, ça en jette sur un CV ! 

Mais parce que tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, un événement viendra perturber la vie de Paulo. En profondeur. Parce que Paulo a son honneur, sa profondeur d'esprit et sa vision humaine de la vie à l'Excelsior. Alors que les rayons de la lune ont du mal à franchir les barreaux de sa cellule, il reviendra sur la vie de son père, pasteur nordique, et de sa mère toulousaine et cinéphile. Pendant que Horton chie une nouvelle fois sans condescendance aucune pour les lecteurs dont les effluves de sa merde remontent à la surface de ces pages, j'écoute en fond la playlist du pasteur, Stan Getz, Led Zeppelin ou Curtys Mayfield. Du bon cru, comme une bonne bière, Don De Dieu. Tout en priant qu'il n'y ait pas une épidémie de gastro au sein de l'enceinte pénitentiaire. 

« La détention allonge les jours, distend les nuits, étire les heures, donne au temps une consistance pâteuse, vaguement écœurante. Chacun éprouve le sentiment de se mouvoir dans une boue épaisse, d’où il faut s’extraire à chaque pas, bataillant pied à pied pour ne pas s’enliser dans le dégoût de soi-même. »

Jean-Paul Dubois fait une nouvelle fois dans la profondeur de l'âme – je l’avais si profondément aimé dans « La Succession », il me délivre une nouvelle histoire humaine, à la fois souriante et mélancolique. Le spleen du lecteur que je suis sourit à la dérive de ces vies, en gardant profondément ancré en mon for intérieur, la bonté d'âme et la générosité de certains êtres, vivants.  

Un grand merci enneigé. 

Qui veut une crêpe au sirop d'érable ?

« Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon », Jean-Paul Dubois.



« 
Certains soirs, en attendant ma mère, Johanes se servait un verre d’alcool et s’asseyait devant la grande fenêtre face au fleuve. En été, quand il pleuvait, il ouvrait en grand les vantaux pour écouter le bruit de l’averse et sentir l’odeur mouillée de la vie remonter des trottoirs. De la part d’un tel homme d’Eglise à la foi mélancolique et parfois désabusée, on aurait pensé qu’il eût choisi Bach ou Haendel pour poudrer ces soirées solitaires. En réalité, dans ces moments de désenchantement, mon père écoutait des enregistrements qui semblaient tombés de l’étagère, dans un ordre erratique : Lee Konitz, Emerson Lake and Palmer, Stan Gets, Curtis Mayfield ou Led Zeppelin, défilaient sur notre chaîne hi-fi Marantz accouplée avec des enceintes JBL choisies personnellement par ma mère. Le son, à l’époque de mes parents, revêtait une importance capitale qu’il n’a plus aujourd’hui. »

 




12 commentaires:

  1. Moi, je veux bien une crêpe au sirop d'érable !

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    1. Gourmande !
      Mais tu as raison... le véritable plaisir de la vie, c'est le sirop d'érable ! En tout cas, je n'en vois pas d'autre...

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  2. Envie de le lire depuis sa sortie celui-ci !
    Sinon, je confirme, rien de tel qu'une bonne ... au sirop d'érable... ;)

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    1. J'imagine bien...

      Ton appétit "..." fait ta renommée ! ;-)

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  3. Je n'ai jamais goûté le sirop d'érable mais j'adore les crêpes, le spleen et la bonté de certains êtres vivants.

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    1. Le sirop d'érable, c'est aussi bon que le spleen dégoulinant de tristesse... Une tuerie, qu'on agrémente d'un verre de rhum, crêpes comprises.

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  4. Et aujourd'hui c'est Drunk... au cinéma. Je penserai à toi. La bonne dose est 0,5 gr...

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    1. Un film qui me tenterait bien... pour le titre... et pour Mads...

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  5. Aucune classe, crisse, je pensais être venue poser qq mots ici... pas de classe pantoute...
    Pour me faire pardonner cet impair, je fournis les crêpes, le sirop et la DDD.
    Pfffff.....
    Condo lumineux à Bordeaux ^^ ^^
    La Succession a traversé l'Atlantique. Il m'attend...
    Je suis fan de Dubois!
    ... dire que je ne suis pas passée ici... double portion de sirop sur les crêpes?

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    1. Toute la classe est dans le sirop d'érable. Zut... J'ai plus de crêpe... Et pourtant il me reste du sirop d'érable ?...

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  6. Au moins du sirop d'érable pas perdu ^^
    Excellent moment pour moi aussi avec ce livre ! 🙂

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