dimanche 31 octobre 2021

le Lion de Belfast

- Tu connais la meilleure façon de boire le whisky ?
- Dis-moi.
- Tu le mets dans un verre. Et tu bois !
Ils éclatèrent tous les deux de rire.
 
Belfast. Son whisky, son passé, sa violence. Il est dix-sept heures, soir d'Halloween. Trois hommes déguisés en loups rentrent dans la banque. Braquage à l'ancienne, braquage à vide surtout, le coffre ayant été vidé une heure plus tôt, nouvelles consignes de sécurité. Les trois malfrats ressortent bredouilles ou presque. Un cou de crosse au passage, la ramène pas mec ou je te fais un second trou du cul après t'avoir planté une balle dans les deux genoux, et ils s'emparent de l'attaché-case d'un client, géant patibulaire au regard pas clair. Des millions à l'intérieur, le jack-pot.

Le cimetière de Milltown, à l'ouest de la ville, était pratiquement désert quand Harry gara sa voiture juste après le portail le lendemain après-midi. Un brouillard froid et gris tissait une vignette gothique dans le motif dessiné par les pierres tombales.
Ouvert au XIXe siècle, le cimetière héberge principalement des catholiques - il n'y a qu'un seul protestant dans cette argile, contre toute attente. Une section est entièrement consacrée aux socialistes et aux républicains tués pendant le conflit contemporain avec les Anglais. Pas très loin, se trouve le cimetière municipal et sa prédominance d'hôtes protestants. Même dans la mort, il semble que le caractère sectaire de Belfast continue à se perpétuer.
 
Belfast. Sa nuit, sa brume, ses pluies. Je sors du pub, le regard perdu, la vague dans l'âme. M'engouffrant dans de mornes ruelles aux réverbères éteints, je file à la rencontre de ces petits malfrats, des ex-taulards, des tueurs à gage, des flics corrompus et d'autres flics aux morts douloureux. Beaucoup de monde à croiser dans la brume irlandaise. Beaucoup de violence froide qui s'y trame sous la pluie irlandaise. De la torture aux aveux, les morts s'empilent et s'enterrent dans les sombres landes du passé. Et derrière les pubs allumés de leur chaleur enivrante, tapie dans la pénombre à peine masquée, la Fraternité pour la liberté irlandaise.
 
Murmure. Un chant qui s'élève et retombe. Hypnotique. Pas grégorien. Belfastois. De vieux hommes. De vieilles femmes. De vieilles âmes. Des têtes humblement courbées. En quête de rédemption, de pardon, de réponses. Un chèque en blanc en retour de leur inébranlable foi en l'inconnu.  

Belfast. Ses âmes, ses pleurs, ses silences. Et son lion. Je crois que je ne lis de la littérature irlandaise que pour écouter Van Morrison, le lion de Belfast, en buvant un verre de whisky.
 
"Un Tueur sur Mesure", Sam Millar.
Traduction : Patrick Raynal



 

Sur une masse critique
un whisky dans l'irish polar, 
Merci donc à Babelio et aux éditions Métailié.

4 commentaires:

  1. Mais non l'ami. Tu lis de la littérature irlandaise parce qu'elle est très bonne. Tu écoutes le Van parce que c'est fabuleux, et depuis longtemps, depuis le Maritime Hotel de Belfast, avec Them. Je crois qu'il avait 18 ans et Gloria est née là-bas. Tu ne voudrais pas accompagner ça d'un vermouth ou d'une anisette? Slainte once more, je ne connais pas le gaélique.

    https://youtu.be/5qtSfpkvdpU Story of Them

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    1. Et si je lisais de la littérature irlandaise juste pour que tu m'accompagnes dans un pub de l'autre côté de la Manche, là où tu as tes quartiers et ainsi me faire découvrir Them, inculte idiot que je suis ne connaissant que la story de Van Morrison...

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  2. Irish polar with a whisky or two, calisse.
    L'Irlande me coule dans les veines... pourquoi on y est pas nés d'ailleurs?
    Ah oui, parce que Cancun... ^^

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    1. Né en Irlande... Mouais... je préfère peut-être Cancun... Encore que... Mais il y a eu une époque, où il ne faisait pas bon vivre en Irlande, entre bombes et décombres. Une vie à rester barricader dans un pub... Quoique...

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