Je me suis perdu dans cet état sauvage, où le souffle de l'élan pourchassé fume sur la froidure de la forêt, où des os de bisons sont enterrés quelque part en hommage aux dieux protecteurs d'une ethnie indienne, où des saumons remontent des rivières et des bûcherons bûcheronnent... Les yeux qui brillent comme le souvenir d'une lune aux reflets bleus, ou des étoiles éphémères s'aventurent dans ton cœur, ton être, ton âme, j'écoute le silence d'un troupeau venu s'abreuver d'une soif désespérée, la musique mélodieuse des tronçonneuses au cœur de la forêt, les grognements et tintamarres des crapauds-buffles dans le réservoir du champ situé en contrebas... Je remonte « la rivière en hiver », un jour, une nuit, une vie, dans le Montana.
« Wilson avait seulement envie de boire un verre. Une bonne bière froide dans une chope embuée, avec une tranche de citron sur la mousse. Une lager pâle et dorée, traversée par un rayon de soleil sud-américain, un cyclone de bulles montant dans cette lumière, un vortex de promesses. »
Je traverse des plaines qu’un vent balaye de sa fougue ou de sa folie, à la recherche d’un arbre, l’arbre parfait, ou d’un bar, le bar parfait, celui qui me servira dans le silence d’une nuit une bonne bière, un vieux juke-box crachotant des chansons du loner Neil Young ou de la belle Emmylou Harris, des vieux accoudés au comptoir, le silence devant leurs bières. L’esprit americana de ce partage. Les tronçonneuses résonnent encore dans ma tête lorsque la lune m’apparait toujours de ses atours si bleutés si souriants, le souvenir d’une vie. Le Montana, je m’y sens bien. Je m’y recueille, jusqu’à plus soif, dans le silence d’une putain de vie, dans le silence des hommes et le chant des grenouilles.
« Il en avait toujours été ainsi. Les bars : Trixi’s à Ovando. Le Murray à Livingston, et Gil’s. Le Home Bar de Troy, site d’un nombre inquiétant de fusillades. Charlie B’s à Missoula. Partout où il y avait de gros arbres et des tronçonneuses pour les couper, il y avait aussi de bons bars, où l’on venait surtout pour pochetronner, anesthésier les muscles douloureux, réduire à néant les vibrations des grosses tronçonneuses. Tous les propriétaires de tronçonneuses savaient où les trouver. »
Et si c’est un hiver dans le Montana, cela devient un été en Amérique du sud. Entre deux expéditions dans le blizzard du presque Grand-Nord, je me retrouve donc assoiffé, là-également – comme quoi la soif n’est pas une question de latitudes, dans une terre de poussière – asséchée la rivière - et de silence, un guide du Pérou et du Chili à l’usage d’un alcoolique. C’est bien me connaître que de m’imaginer me (com)plaire ainsi dans cette ambiance. Là où il y a des bisons, il y a forcément des bars. Au bord d‘une rivière, au cœur d’un hiver.
« La Rivière en Hiver », Rick Bass.
Traduction : Brice Matthieussent.
Et puis ce soir, c’est la fête à la grenoUille,
Cela vaut bien deux bouteilles de vin et une bière…
Croa-Croa
« Une bière, pensa-t-il, j’ai besoin d’une bière. »
Un livre avec un bison en couverture, ça laisse forcément augurer du meilleur !
RépondreSupprimerJoli sous bock... ;)
Je sors ce sous-bock chaque 13 octobre... Va savoir pourquoi...
SupprimerTrès amateur de Rick Bass (six au compteur, Le guet, Platte River, Winter, La décimation, Le ciel, les étoiles, le monde sauvage, Dans les Monts Loyauté). Les vieux au comptoir, le silence devant leurs bières, j'en étais, je crois bien. Et chapeau à Brice Matthieussent à qui nous devons de biens beaux moments. Et le Loner + Emmylou = two more biers with You l'ami.
RépondreSupprimer6 aux compteurs ! C'est 3 de plus que je n'en ai lu mais comme j'en ai 3 autres dans ma pal dont la décimation et Platte River (déjà lu winter et le guet), nous sommes à égalité ;-)
SupprimerUne bière pour mon ami du Montana ! deux vieux au comptoir, ça le fait, ça crée des "liens", même silencieux, merci de ton passage...
Loner, Emmylou du classique...
Comme Brice Matthieussent que j'aime suivre dans ses traductions (Comme Christophe Claro)
Rick Bass, quand même, c'est un Grand pour souligner un jour festif!
RépondreSupprimerJ'ai tant aimé Winter, je me verrais bien dans cette réclusion.
Tu crois que des cuisses de grenoUille ça peut rester coincées dans le frette et la glace quand l'hiver se pointe le bout du nez?
Bonne fête mon sweet kinG d'avoir banquise
C'est qUe Rick Bass en plUs de coUper dU bois s'y connait en têtards et crapaUds-bUffles. Un vrai hUmaniste dU règne batracien.
Supprimer