lundi 13 novembre 2017

L'histoire d'une Fille qui boit du Gin dans le Train

Prendre le même train. Tous les jours, à la même heure. Aujourd’hui, il pleut. Les gouttes ruissellent le long des vitres. Demain, le soleil traversera ces mêmes vitres sales pour y distiller quelques rayons de chaleur. Je passe devant des maisons, des rues, des chemins de traverse. Toujours le même décor, à la même vitesse. Un casque sur les oreilles. Rock N Roll. Toujours le même train, chaque matin. La musique pour ne pas entendre le flot des portables déversant leurs crachotements et chuchotements intimes dont je me fous totalement. Toujours les mêmes têtes, dans le train. Mais pas la même musique. Je ferme les yeux, respire le parfum de la femme d’en face, celle qui se met toujours à la même place, et qui sent le matin la vinasse. Toujours les mêmes maisons embrumées le matin. De quoi même s’inventer des histoires. De toute façon, les histoires des autres…     
« Mon gin tonic en canette frémit quand je le porte à mes lèvres pour en prendre une gorgée, fraîche et acidulée : le goût de mes toutes premières vacances avec Tom, dans un village de pêcheurs sur la côte basque, en 2005. Le matin, on nageait les sept cent mètres qui nous séparaient d’une petite île pour aller faire l’amour sur des plages secrètes ; l’après-midi, on s’asseyait au bar et on buvait des gin tonics amers, très alcoolisés, en regardant des nuées de footballeurs du dimanche faire des parties à vingt-cinq contre vingt-cinq sur le sable mouillé.
Je prends une autre gorgée, puis une troisième ; la canette est déjà à moitié vide mais ce n’est pas grave, j’en ai trois autres dans le sac en plastique à mes pieds. C’est vendredi, alors je n’ai pas à culpabiliser de boire dans le train. »
Le train ralentit, le feu passe au rouge, il stoppe sa démarche. J’aimais dans le temps le bruit que pouvait faire la locomotive en déversant sa fumée, mon côté vieux westerns. Un son que je ne retrouve plus maintenant, pendant que je regarde à travers la vitre. Un couple, dans le jardin. Un couple qui s’aime, un couple qui se déchaine. Et dans celle d’à côté, un autre couple. Des couples avec enfants. D’habitude, je ne regarde pas à travers la vitre, je garde mes yeux sur mon bouquin ou sur la fille d’en face qui discrètement sort une petite bouteille de vin. Commencer à boire dans le train du matin et me dire qu’elle se sent aussi mal dans sa vie que dans la mienne. Boire pour échapper aux regards des autres. Devenir transparent dans cette société-là, c’est à ça que sert le gin tonic le matin.

Pendant la pause déjeuner, je me suis assis sur un banc, quelques feuilles mortes à mes pieds, tapis oranger qui vole dès qu’une bourrasque enflamme cet amoncellement de la nature. Toujours un livre avec moi, une bouteille enveloppée dans un sac Kraft dans ma besace. Les pages tournent et se retournent, une femme a disparu. Pas de quoi en faire la une des journaux. Les voix s’écrivent et s’épanchent. Le cadavre d’une femme morte aussi. Peut-être que le petit torchon du coin, épris par les scandales abreuvant la vie des ménagères, la mettra à l’honneur. Histoire de sang ou d’infidélité, les gens veulent savoir, pour avoir un truc à dire au pub ce soir autour d’une pinte, de deux, de trois…     

Il est temps de reprendre le train. L’odeur est plus suffocante, le parfum printanier a été remplacé par la sueur d’automne. Le train roule avec son train-train habituel, coutumier, routinier. Sans surprise, toujours les mêmes maisons ensoleillées le soir. Je m’assois toujours à la même place. A la prochaine gare, la fille du train se mettra en face de moi, l’odeur plus marquée de vin sur son visage. Elle est perturbée. Par sa vie, et par cette disparition. Moi, je n’ai rien vu, j’avais mon nez dans un bouquin, ou sur ses jambes, mais elle… Un bouquin - pas si mal que ça dans son genre thriller prévisible - sur l'histoire d'une fille qui boit du gin dans le train. Et une nana qui boit plus que moi est émouvante...
« Je tourne le dos au reste de la voiture et me tourne légèrement vers la vitre pour ouvrir une des petites bouteilles de chenin blanc que j’ai achetées à la petite épicerie de la gare d’Euston. Il n’est pas frais, mais ça fera l’affaire. J’en verse dans un gobelet en plastique avant de revisser le bouchon et de ranger la bouteille dans mon sac à main. C’est mal vu de boire dans le train le lundi, à moins d’être accompagnée, ce qui n’est pas mon cas. »


« La Fille du Train », Paula Hawkins.


19 commentaires:

  1. Tchin . Connais pas ce livre . Je note dans la liste a lire . Ac/Dc j ecoute avec plaisir merci aussi le Bison.

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    1. Prendre le train, avec ou sans bouquin, un verre une bouteille, se mettre sur courant alternatif, et continuer son chemin. Vers le pub et le rock n roll.

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  2. Pour ce qui me concerne, la gazelle n'a pas eu le loisir de l'ouvrir sa bouteille, les portières pas encore fermées j'avais déjà sauté du train ( je cause du film là ) .... :-)

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    1. Pas vu, la fille du train. Juste lu. Pourtant Emily Blunt...

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  3. Oui c'était pas mal du tout. Pour une fois que j'ai lu un livre que tu as lu. Et que je l'ai lu AVANT TOI !!! Un vrai page turner même si ça finit par devenir répétitif.
    Le film par contre est NUL.

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    1. Et moi, ce sont tes films que je vois bien APRES TOI, tellement tard que je ne peux même plus y mettre de commentaires ! :-)

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    2. Oui c'est nul cette histoire de commentaires fermés.
      Tu peux commenter sur un autre film en disant duquel tu parles... sinon ça va être ésotérique...

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    3. j'aime bien l'ésotérisme :-)

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  4. je n'ai vu que le film tiré de ce roman qui j'imagine doit être plus complexe et détaillé. Ca doit bien tenir en haleine.

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    1. Dans le genre, genre qui ne fait pas partie de mes prédilections, le bouquin est pas mal.

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  5. J'ai vu et chroniqué le film. Du coup, par sûr que j'ouvre un jour le livre qui m'attend pourtant...

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    1. En quelle année ? Je ne m’en souviens plus... mais maintenant que tu le dis, peut-être que dans un coin de ma mémoire, je vois en flouté ton billet (à moins que ça soit le vin qui floute ma vue).

      Bon je crois que je vais faire l'impasse sur le film. Encore que s'il passe à la télé...

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    2. Cette année !
      https://bouquins-de-poches-en-poches.blogspot.fr/2017/06/dvd-la-fille-du-train-tate-taylor-2016.html

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  6. Je n'ai pas vraiment aimé le film et je suis même presque sortie de la salle, ça devenait à mon sens trop ridicule vers le trois quart, mais ça c'est un avis très personnel.
    Par contre le livre c'est certain que je me le lirai un jour! Dans un train peut-être, qui sait... avec un gin tonic peut-être aussi mais pas le matin... en puis à bien y penser j'serais plus du genre bon verre de vin :D)
    Ce que j'aime des trains ce sont les voyages en troisième classe, pas first class non non, avec le vrai monde et même le vin bon marché qui ne se rend pas jusqu'à l'arrière des wagons. C'est ça qui est first class, pas la moquette de cuir.
    Tabarnak, j'aime les voyages en train, ça excite mes majeurs ^^

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    1. Comment tu fais pour être à moitié sortie de la salle ? Tu sépares ton corps de l'esprit ?

      Mais il n'y a pas d'heure pour commencer la journée à un gin tonic. Avec le décalage c'est toujours l'heure quelque part pour le verre de gin ou de vin... C'est ma philosophie.

      Troisième classe ?! La grande classe... nous on s'arrête à la seconde classe... Après, c'est pour les bestiaux... c'est à dire le métro...

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    2. J'ai le don d'ubiquité :P
      La ligne jaune me va, paraît même qu'y a du Ricard sur c'te ligne, de quoi faire tenir 4 majeurs en émoi... oh ouiiiiiiiiiiiii! 4 majeurs pour la p'tite dame svp ^^

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    3. 4 majeurs !!! Mince, je ne m'en sers que d'un... Je suis franchement NUL !!

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    4. Les fesses d'un côté de la porte et le reste de l'autre...........
      OK je sors !! ^^

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    5. Tabarnak, dire que ces deux-là sont mes amis, méchante gang de timbrés........ Mouaha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ^^
      Et tes cuisses tu vas les mettre de quel côté qu'on s'en craquouille sous la dent? :P

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