jeudi 22 août 2019

Parce qu'il y a 176 définitions du mot Loser sur urbandictionary.com

Kate, brillante avocate, mère célibataire, jongle tant bien que mal avec les responsabilités professionnelles et maternelles. Le proviseur du lycée l'appelle en pleine réunion, une urgence, il faut venir. Amelia, cette brillante élève qui n'a reçu jusqu'ici que des louanges, est accusée de plagiat dans son devoir. Faute grave et exclusion temporaire. Elle court, toute la vie elle court prise par le temps, les tâches et les devoirs qui lui incombent, la chercher. Métro bondé, portes bloquées, usagers résignés. C'est avec plus d'une heure et demi de retard que Kate arrive au lycée, la police est même déjà sur place : « Mme Baron, quelque chose est survenue à votre fille... »

Ainsi commence ce premier roman de Kimberly McCreight. Guère besoin d'en dire plus, la trame est classique. Le suicide d'une adolescente reste toujours une chose impensable, surtout pour un parent. Le scénario n'a rien de révolutionnaire, et les cinq cents pages qui suivent seront sur la recherche de la vérité, suicide ou... Par contre, j'ai pris énormément de plaisir à lire les à-côtés justement, les évènements qui ont abouti au drame.


« - Amelia et toi étiez meilleures amies ?
- Ouais, soi-disant depuis la maternelle, genre.
- Amelia était-elle déprimée ou contrariée par quelque chose ?
- On est des ados. On est tous déprimés. »


Parce qu'en fait, il est surtout question d’adolescence, et comme je suis loin d'être un ado, je l'ai trouvé enrichissant, même si la prise de contact avec Amelia se joue en plein drame. Je ne parle pas de crises d’adolescence, je ne supporte pas ce genre de généralités. Mais à travers Amelia, se tisse la pression portée sur ses jeunes épaules pour survivre tant bien que mal en milieu hostile – ou scolaire. Il est question de tous les tabous de notre société, la solitude, l'image de soi, ces clubs typiquement américains, l'homosexualité, la question d'identité, et la recherche de ses racines. ET le HARCÈLEMENT.

Oui, j'ai aimé, pas le drame qui est horrible, mais l'identification qu'il peut en être faite en tant que parent. Les relations avec ses enfants, la communication qu'on espère se maintiendra toujours même – et surtout – dans les périodes obscures. Un ado est par définition dépressif et ainsi se pose la question de comment communiquer avec lui. Je sais que malheureusement côté communication, j'ai échoué en tant que parent, en tant qu'homme ou en tant simplement qu'être humain.

« Elle n'aurait certainement pas pu échanger des politesses avec qui que ce soit. Qu'est-ce qu'on aurait bien pu lui dire de toute façon ? Désolé ? Désolé que ta fille soit morte. Désolé que ta fille ait sauté du toit de son lycée alors que tu étais en route pour aller la chercher. Désolé que tu aies été en retard. Quel dommage qu'il faille que tu revives cet échec pendant le reste pitoyable de ta vie. »

Plus qu'une entrée coup de poing dans le thriller, comme l'annonce la couverture, une plongée dans les newsletters, les Facebook, les SMS, premières bringues, premières bières, voilà l'adolescence et ses humiliations... et le drame irréversible. 

« Amelia », Kimberly McCreight.
Traduction : Elodie Leplat.


9 commentaires:

  1. Tu as l'air d'avoir été pas mal touché. Il y a de quoi probablement. Moi la plongée Face Livre, SMS, putains de réseaux (a)sociaux me terrorise. Et la grande Joni me bouleverse. C'est difficile parfois. Salut l'ami.

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    1. Je n'en attendais pas grand chose, genre un petit thriller de l'été. Pourtant, effectivement, il a été bien plus. Il m'a poussé à la réflexion, il m'a mis à la place d'un(e) ado.
      Joni te bouleverse, je t'aurais bien vu l'accompagner, à l'instar de Pat Métheny. D'ailleurs je crois que tu as un point commun avec lui : sa note capillaire (bon ok, je sors, et je te sers un verre, m'en veux pas :-)

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  2. Les ados... cette énigme. Et même en se souvenant qu'on en a été un.e, tout semble à la fois normal et incompréhensible.

    Jolies Joni et Amelia.

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    1. Mais j'ai le sentiment que plus on avance dans les siècles, plus il me parait difficile de survivre à l'adolescence...

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  3. "en milieu hostile – ou scolaire"
    Milieu scolaire = milieu hostile... Les élèves, les profs...
    Quant à la communication, elle est parfis non verbale mais tout aussi importante..
    Encore un beau billet ! T'es trop fort ! ^^

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    1. C'est exactement ce qu'il fallait comprendre milieu scolaire = milieu hostile.

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  4. Le suicide à l’adolescence, ses causes, la culpabilité des parents, la hargne des pairs par vengeance d’identité, les pressions, la solitude, le milieu scolaire. Une période lourde à porter, à traverser, à comprendre...
    Une épreuve dont aucun parent ne peut se remettre... (le suicide)
    On a des ados et on cherche tant à entrer dans leur univers. Sans trop questionner, ou sans trop savoir comment faire... personne n’échoue, tout le monde cherche à faire de son mieux...
    On est là, même silencieux. Et c’est déjà beaucoup...

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    1. Aucun parent ne peut se remettre du suicide d'un enfant. Aucun enfant ne peut se remettre du suicide d'un parent.
      Chaque jour, depuis quarante ans, je pense à ces deux phrases...

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  5. Rester vigilants, rester en veille......

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