mardi 7 avril 2020

la Lune et le Froid


La Lune

La lune est de sortie.
J’ai vu la grande chose toute simple
Quand je suis allé pisser un coup.
J’aurais dû la regarder plus longtemps.
Je suis un piètre amoureux de la lune.
Je la vois d’un seul coup et c’est fini
Entre moi et la lune.

Il y a des silences qui font partie de ma vie. Ceux de Leonard en sont de ceux-là. Passionnément. Entre deux notes de musique, un peu blues, blue note, un peu rock & folk, beaucoup d’âme, je l’écoute religieusement. Entre deux disques et un recueil de poèmes, il est d’ailleurs souvent question de religion, de son expérience de moine zen Rinzaï, méditant à l’ombre d’un pin de Californie. Il parle de son maître zen, de son Di-u, de ses femmes. Ses textes contiennent les épices de sa vie et de chez Schwartz's, l’amour comme la tristesse et des tas d’autres trucs que j’ai pas franchement compris en tant que misérable bison.

Et puis les pages défilant jusqu’au deux tiers de ce livre, Leo amène une note au lecteur chinois. Bon, je suis pas chinois, heureusement parce que côté bière, côté rhum, c’est un tantinet pauvre, et puis y’a surtout trop de monde là-bas - je pourrais même pas bouffer mes nouilles sautées dans le silence qui se doit -, mais j’ai lu attentivement cette sorte de recommandation qu’il aurait dû placer plus tôt dans son bouquin, le gars avec son chapeau…


Note au lecteur chinois

Le livre que voici est difficile, même en anglais, si on le prend trop au sérieux. Puis-je suggérer que tu sautes les parties que tu n’aimes pas ? Plonge-toi dedans çà et là. Peut-être y aura-t-il un passage, ou même une page, qui éveillera ta curiosité. Après un moment, si tu t’ennuies suffisamment ou n’as rien d’autre à faire, peut-être voudras-tu le lire de la première à la dernière page. Quoi qu’il en soit, je te remercie de ton intérêt pour cet étrange recueil de riffs de jazz, de blagues pop-art, de kitsch religieux et de prière feutrée, intérêt qui indique à mon sens, une générosité inconsidérée, quoique très touchante de ta part.

Et c’est exactement de cette façon que j’ai abordé ce recueil, lisant un ou deux trucs par jour, passant à un ou deux autres trucs différents, puis le laissant sur ma table de chevet pendant des semaines, le reprenant autour d'une bière, autour d'un silence sur un banc. C’est comme pour les bières, à déguster tranquillement, quand on en ressent le besoin. Et même si il y a beaucoup de trucs, appelons-les textes, dont j’ai pas trop saisi le sens, j’aime encore l’idée d’y venir piocher encore des petits bouts de relectures dedans. C’est comme les bonbons au sirop d’érable, une fois goûtés, on ne peut s’empêcher d’y replonger la main, les yeux, la langue… C’est ça le désir, le livre du désir, selon Leonard Cohen et moi-même. Même qu’en même temps que je prends un verre de rhum, que je suce mon bonbon au sirop d’érable, j’écoute un disque du grand Leo, du vieux Leo, même du jeune Leo, j’ai toutes les époques, du premier au dernier, ou presque.  


Le Froid

Le froid me saisit
Et je grelotte
Le vin
A raison de mes larmes
La nuit me met au lit
Et les chagrins me rendent plus résolu
Ton nom se consume
Sous une statue
Même quand j’étais avec toi
Je voulais être là
La pluie dégrafe ma ceinture
Le vent donne forme
A ton absence
J’entre et sors
Du Cœur Unique
Sans plus lutter
Pour être libre

Merci encore,
une nouvelle fois,
dans un profond silence et
la main sur le cœur.
 
« Le Livre du Désir », Leonard Cohen.
Traduction : Jean-Dominique Brierre et Jacques Vassal.


9 commentaires:

  1. Salut, le Bison
    Belle idée que de présenter l oeuvre murale de Montréal pour illustrer la chronique.
    Toutefois, il n est pas certain que les chagrins rendent plus resolu...enfin, pas toujours.!

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    1. Oui j'adore cette fresque. Pour moi, elle est Montréal...

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  2. Oh la la quelle MAGNIFIQUE version de Marianne. Merci.
    Le doux sourire de Leo est un cadeau et le mur une merveille.
    Pas sûre de lire le livre du désir... absolument sûre de ne pas le lire d'ailleurs :-)
    J'ai l'album en bas à gauche.
    Le dernier je le trouve inécoutable. Cette voix qui sort à peine... trop douloureux.

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    1. Si tu aimes cette version, va chercher la Live in London. Elles ont toutes cette magie.

      J'adore le dernier, également. Parce que justement je ressens ce dernier souffle, cette douleur ancrée dans la vieillesse d'un homme.

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    2. Je vais aller le chercher. Merci.

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  3. Dans un profond silence et le regard de mon âme ouvert sur ces mots, je suis émue. C'est aussi ce que me fait l'évocation de ce grand homme. Sur ma route, chaque matin, je m'arrête devant cette murale et je ferme les yeux. Je ne suis pas la seule, nous sommes tous un peu là, mais chacun dans ses pensées. Et puis, chemin faisant, je repars en me disant So long, Marianne...
    Nous sommes tous l'écho de quelqu'un.
    C'est merveilleusement beau et nostalgique à la fois <3

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    1. Regarder cette "murale" doit apporter quelques secondes de sérénité pour la journée. Je crois que je m'y verrais bien assis par terre, sur le trottoir, à la regarder pendant des heures avec un livre ouvert sur mes genoux, une bouteille de Royal Crown emballée dans un papier kraft... Un passant... chut... j'écoute l'âme de Leo... il passe...

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  4. Chelsea Hotel
    Hommage bucollique à Janis Joplin.
    J'aime beaucoup cette chanson.

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    1. j'aime tout ou presque, du bucolisme... à bukowski...
      D'ailleurs, bucolisme ne serait-il pas une contraction de bucolique et alcoolisme... na pas faire attention : c'est juste une idée qui m'est passé par la tête...

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