mardi 15 février 2022

Il était une fois... Un Loup et Paloma


 « Il était une fois, donc, dans ce pays, un garçon que sa mère a appelé Loup. Elle pensait que ce prénom lui donnerait des forces, de la chance, une autorité naturelle, mais comment pouvait-elle savoir que ce garçon allait être le plus doux et le plus étrange des fils, que telle une bête sauvage il finirait par être attrapé et c’est dans le fourgon de police qu’il est, là, maintenant, une fois cette page tournée. »


Il était une fois un conte sans princesse mais avec un Loup. Mais je te raconte l’histoire d’une colombe, Paloma, qui vola seule de ses propres ailes – note personnelle, de mon esprit lubrique, je regarde encore la beauté de ses plumes pubiens, Paloma l’effet que me fait ce prénom à la moiteur bandante. Aussi, plus qu’un conte, c’est une légende, celle d’un Phénix qui renait des flammes de la tristesse et de la solitude.
Phénix, la mère, Paloma, la fille, Loup, le fils. Et pour commencer un poème de Verlaine :

Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

Mais oublions ce poème, pour l’instant, car le ciel ici vire plus au bleu noir qu’au bleu azur. Par-dessus le toit, Loup ne voit plus grand-chose, peut-être quelques étoiles, certainement pas le bleuté de la lune, à travers les barreaux de sa cellule. Oui, Loup vient d’être coffré, chemin direct vers la case prison, délinquant juvénile. Il voulait, il veut juste revoir sa sœur. Qu’est-ce qu’on ne fera pas pour revoir le sourire de Paloma... Et pas sa mère ! Qu’as-tu donc fait Phénix pour que tes enfants te fuient.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

L’oiseau, cette palombe, se pose donc sur l’arbre que tu ne vois plus, tu ne vois que le ciel de là où tu es. Paloma qui culpabilise, peut-être, probablement, de t’avoir laissé seul avec cette mère. Si elle pouvait, elle serait restée à tes côtés, comme pour te protéger. De quoi ? de la tristesse de ce foyer, de cette famille décomposée. Oh Phénix… Oh Paloma pourquoi t’es-tu enfuie si rapidement de moi ?

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Parce que là, sous ce toit, cette ville, cette vie, il n’y avait plus de vie. Phénix a brulé son passé, mais ses sentiments sont restés dans les cendres de sa jeunesse oubliée. Et si cette incarcération permettait au trio de renouer des liens et de rompre le silence de tant d’années de non-dits, de rêves oubliés et de peurs ancrées.

Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?


« Sur la table, il y a un bouquet d’anémones qu’elle avait acheté l’avant-veille au vendeur sur le quai du tram. Paloma avait placé les anémones dans un verre à bière parce qu’elle n’a pas de vase chez elle bien qu’elle aime beaucoup les fleurs – elle préfère les bocaux vides, les cruches aux bords ébréchés, les verres à moutarde. Elle remarque alors en s’approchant que le cœur de chaque anémone a foncé et qu’autour de chaque cœur il y a de la poussière bleue. Elle se penche sur elles, émerveillée de ce qu’elle découvre, c’est bien la première fois qu’elle remarque ce changement de couleur bien que ce ne soit pas la première fois qu’elle achète des anémones sur le quai du tram et elle chuchote C’est beau bleu. »

De ta jeunesse, tu n’as donc gardé que les traumatismes du passé. Oh Phénix, du temps où tu t’appelais encore Eliette.
A mon tour, je regarde le ciel, par-dessus le toit. Si bleu si calme ! J’y vois la lune qui de sa lumière coule le spleen bleu de ma vie.

Il était une fois... Un Loup et Paloma.

« Le Ciel par-dessus le Toit », Natacha Appanah.





9 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce poème de Verlaine.
    Il était en prison quand il l'a écrit et raconte ce qu'il voit de sa fenêtre à barreau.

    Le ciel par-dessus le toit ... souvenir d'enfance, je le connais encore par cœur...

    Unsi joli titre.

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    1. Je ne connais que Baudelaire, son spleen, son Albatros et mon ideal...
      Je n'ai jamais eu l'occasion d'étudier Verlaine, encore moins de la poésie (remarque, à l'époque, peut-être que cela ne m'aurait pas intéressé et...)

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  2. Dans ce monde de noirceur, passe-t-il la lumière à travers les barreaux d'une détention?

    Et Charlélie, c'est cousu de fil d'or!

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    1. Hasard ou Coïncidence, ça me fait penser à un autre poème découvert en même temps, d'un grand poët...

      Les Maux des Mots Emprisonnés

      https://op-poemes.blogspot.com/2021/11/les-mots-des-maux-emprisonnes.html

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  3. Si il y a une tâche, en bas à droite, de la couverture, je comprendrais pourquoi ^^ (dans ta hâte à boire cette bière ;P)
    Tu as l'âme poétique... J'ai donc bien fait...

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    1. C'est le risque de ces livres. Chacun d'eux, en ma présence, se voit à tout moment la possibilité d'être inondé, par inadvertance ou maladresse, d'une effluve de bière ou de rhum...

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  4. Un livre inspiré d'un conte de Verlaine écrit par une Mauricienne.
    Dans toute sa noirceur, ce conte a forcément quelque chose de beau...

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    1. Poésie est noirceur,
      c'est ainsi que je la conçois.
      Poésie est beauté,
      c'est ainsi que je la bois.

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