J’annonce le menu : salade, riz, soupe de miso aux champignons, sukiyaki. Un mochi pour finir le saké. Maladroit, je renverse le pot de cure-dents en fermant mon bouquin où il fait bon vivre au pied du mont Daisen. Je suis loin de l’effervescence des grandes villes, je veux du calme, je veux du ciel bleu avec sa lune et des vagues qui lèchent lentement le bord de la plage. Zenitude, je me complais dans ce silence qui entoure ce triste moment où le verre se vide, où la dernière page se tourne, où je respire ce parfum de jasmin une dernière fois… Je reprends mes esprits, c’est du muguet, la fleur du mois de mai, joli mois de mai, le mois où les couples se font, se défont et se fondent sous le son de ces clochettes au parfum aussi entêtant que celui de l’amour.
« Il annonce fièrement :
- Le suzuran s'appelle « Lily of the valley » en anglais, et « muguet » en français.
- Comment connais-tu ces mots étrangers ?
- Par grand-mère.
- Vraiment ?
Il hoche la tête et ajoute :
- Ah, il y a un autre mot en français : « amourette ». »
- Le suzuran s'appelle « Lily of the valley » en anglais, et « muguet » en français.
- Comment connais-tu ces mots étrangers ?
- Par grand-mère.
- Vraiment ?
Il hoche la tête et ajoute :
- Ah, il y a un autre mot en français : « amourette ». »
Anzu est une jeune femme qui élève seul son fils et qui consacre sa vie à son art, celui de la poterie. Autour d’elle, ses parents, sa sœur, son ex… Je me déchausse respectueusement, m’allonge sur le futon de ce ryokan pour lire, découvrir, vivre l’intimité simple d’une vie à la campagne, les mains dans l’argile, autour d’une fraîche Hitachino, histoire de capter l’atmosphère du mont Daisen. Simple mais avec l’élégance des bons sentiments, avec la sensibilité du silence et de l’amour, je parcours ainsi la beauté de cette lande littéraire et solitaire.
« Un vent tiède souffle. Je me tourne vers la mer du Japon. Le soleil couchant commence à disparaître à l’horizon. Les nuages éparpillés sont teintés d’écarlate. Il fera beau demain aussi. Au loin à droite se dresse le mont Daisen au sommet enneigé. Le paysage est toujours paisible comme si le temps ne passait jamais ici, alors que ma vie a totalement changé depuis quatre ans. »
La plume d’Aki Shimazaki me captive toujours. Elle parfume ses romans de fleurs et de douceur. Des odeurs entêtantes, je respire ces petits moments d’une vie quotidienne presque banale. Presque, parce que faire naître de la terre un aussi beau vase qui porte le nom de Suzuran, comme la fleur à laquelle il est destiné, n’est pas si banal que ça. Dans l’art de l’Ikebana, le contenant étant aussi important que le contenu, une question d’harmonie et de confiance, l’un ne va pas sans l’autre, le vase et la fleur, une évidence, comme pour les couples et les amourettes. Je respire, je ferme les yeux, mois de mai, mois du muguet, et j’observe ce silence qui coule sombrement en moi, comme un roman d’Aki Shimazaki.
« Les yeux fermés, je revois son sourire et son regard doux. Sa voix, son odeur… »
« Suzuran », Aki Shimazaki.
Joli billet tout en émotions...
RépondreSupprimerC'est Gershwin qui me transmet ces émotions... ou alors la bière :-)
SupprimerAhhhh l'amour qui sent bon mais qui peut être toxique tel le muguet.
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir de lire Aki Shimazaki. une plume fine, acérée comme la pointe d'un sabre, un univers et une sensibilité japonaise.
Une pudeur délicate à mettre entre ses mains.
Acérée comme la pointe d'un sabre, plantée en plein cœur, l'amour qui fait mal.
SupprimerTu as autre chose de délicat à mettre entre tes mains, en plus de la pudeur :-)
Tout est harmonie et confiance... tout est là, je le crois aussi.
RépondreSupprimerC'est comme Shimazaki et Gershwin...
aaahhh, ce Rhapsody in blue me procure toujours des frissons, de plaisir, de souvenir, de tristesse. Il est harmonie et pourtant il me plonge dans les tréfonds de ma misérable âme, le bleu vire au noir, et je glisse, lisse, me fracasse, las, dans un puits sans fonds et sans corde.
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