samedi 13 mai 2023

Le Vent de Tchoukotka

"L'existence a plusieurs faces. Peut-être vivons-nous bien aujourd'hui, mais qui peut savoir comment vivrons nos descendants !"
 
Là-bas, très loin, au delà des étendues de glace et des envolées de blizzard, aux confins du monde blanc, au plus éloignée de la Sibérie, la Tchoukotka, sujet fédéral de la grande Russie, au bord de la mer de Béring. Autant dire que si loin de tout, il n'y a même plus de vodka dans les tentes. 
 
Il va s'en dire aussi qu'il ne vaut mieux pas être frileux pour s'aventurer là-bas. -30°. Sauf si tu y est né. Et là, né pauvre, tu vis dans une tente jour et nuit, pratiquement nu, avec seulement quelques "peaux de phoque" comme habit primaire. Même les tenues vestimentaires tu les partages entre frères, chacun sort à son tour, si ce n'est que tu connais mal la fratrie, parce que de ton œil observateur de l'autre côté de la banquise, tu ne les vois jamais ensemble. La pauvreté à l'extrême. 


Ainsi, dans le vent et le blizzard du Grand Nord, tu te gèles le bout, qui devient tout bleu et riquiqui, alors n'y pense même pas. Du coup, tu pars à la chasse, aux phoques l'hiver, aux canards l'été. Tu rencontres d'autres tribus, des éleveurs-nomades de rennes où tu peux échanger quelques peaux de rennes contre de la graisse de veau marin, tu mâchouilles du cuir de phoque pour faire passer la faim et tu tentes de survivre, là-bas dans le blizzard de Tchoukotka.
 
Et si tes doigts ne sont pas encore gelés, tu travailles de tes mains, les peaux, le cuir, il y a tant à faire, les vêtements, les bottes, les tentes... Et nourrir les chiens alors que tu n'as même pas de quoi donner décemment à manger à tes trois fils. La routine, quoi. Et donc à la pâle lueur d'une lampe à la graisse de phoque, tu ouvres ton premier bouquin de littérature tchouktche, fort intéressant sur le plan ethnographique et culturel, et découvre ainsi que quelque soit la latitude ou la température, le comportement humain est le même : pauvre tu deviens rejeté, et si riche tu deviens, méprisé tu es par les autres.  
 
"Le temps était calme, quand le vent se mit brusquement à souffler du large. Le gel ressoudait les brisures de la banquise émaillée de nappes d’eau. Par endroits, le flot était dissimulé par une fine couche de neige."
 
"Peaux de Phoque", Valentina Veqet
Traduction : Charles Weinstein.

à 8 minutes 25 secondes, 
tu entends ce vent qui berce les étendues enneigées de Tchoukotka, 
et cette musique intérieure qui t'apporte tant de bonheur, 
de souvenirs, de plaisir, de désir, 
un instant de vie ou de survie.

4 commentaires:

  1. Pas facile à prononcer le tchouktchouk.
    Je termine le dernier Ellory (je lis TOUT de cet auteur) Une saison pour les ombres qui se passe aussi dans un froid polaire. Ça fait faire des choses pas cathos.
    Quand j'étais jeune j'avais cherché dans le dico (pas d'internet dans ces années) ce que voulait dire super tramp. Bon, super, sans surprise c'est super. Et tramp : marcher d'un pas lourd et puissant.
    Du coup, je les ai toujours appelés : Supermarcherdunpaslourdetpuissant.
    J'adore ce groupe, enfin Breakfast in America. C'est resté complètement inédit leur style.
    Quant au vent, il ne me berce pas du tout, il me terrifie. Quand il s'engouffre dans la ventilation en hiver j'ai l'impression que c'est la fin du monde.
    Commentaire passionnant et fort à propos.

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    1. tchouktchouk, ça fait un peu l'avancée du transsibérien dans les plaines enneigées de la Sibérie... Ellory, va falloir que je m'y mettes un jour...
      Supertramp, un super groupe d'un autre temps... Nostalgie, nostalgie. Et ce Breakfast in America... Mais pas que, j'ai une tendresse particulière pour leurs deux premiers albums, méconnus (et ce Indelibly Stamped à la pochette maintenant honteusement censurée, j'ai la rage de cette régression morale).
      Et oui, tes commentaires sont toujours fort à propos et passionnant, faut dire que le vent d'Est c'est pas du blizzard mais quand même ça souffle froid, comme un esprit d'hiver)

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  2. Merci cher Bison.
    Je vais m'intéresser aux moins connus des Super. Je me suis trompée mais ma mémoire est revenue, c'est : supermarcherdunpaslourdetPESANT. C'est d'ailleurs mieux je trouve.
    Quelle misère ces censures ! C'est vrai qu'une paire de seins c'est effrayant et subversif. Et ce monde de bisounours dans lequel nous vivons, il faut l'épargner.
    Je crois que tu as une vision très climatique du grand est. Mais tu amalgames plaine d'Alsace (glaciale en hiver, caniculaire en été) et plateau lorrain nettement plus continental. (C'est encore une fois passionnant). Tu devrais venir y faire un tour.
    OMG tu dois encore découvrir Ellory. LA CHANCE !
    Mais attention le garçon m'a fait vivre des ascenseurs émotionnels. Certains livres sont décevants. Un des auteurs qui parvient à me mettre en colère quand il n'est pas au top.
    Donc il faut commencer par Papillon de nuit et Seul le silence. C'est du niveau émotionnel d'une certaine puissance des vaincus... (même si les titres sont moins costauds)

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    1. Oui c'est vrai que je peux confondre, j'ai pas vraiment de souvenir, je suis né sur le plateau lorrain, mes premières quatre années (de mémoire) furent alsaciens avant de prendre racine réellement dans la cuvette alpine...
      Honte sur moi, je viens de voir que j'ai quand même lu un Ellory, "Les Assassins" qui pour le coup d'après ma "note" m'avait plutôt plu...
      J'ai "Seul le silence" qui traîne dans ma pal, un roman sur lequel, je m'en souviens, les pages sont bien gondolées, d'où le peu d'entrain à m'y atteler, pour avoir renversé un mug de café dessus. Oui je sais ma vie est passionnante.
      Il doit traîné aussi quelque part, parmi les centaines de livres que je n'ai pas encore lu et qui prennent poussière, poussière je deviendrai, "Les anonymes"....

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