dimanche 4 décembre 2016

Le Colporteur


Sers-toi un verre, tu en auras besoin pour ce voyage dans le grand sud de l’Amérique profonde. Un frère, une sœur. De cette relation incestueuse, né un enfant abandonné dans un fourré par ce frère-père. Tiens, prends-la,  vaut mieux que tu gardes la bouteille. Il faut au moins ça pour grouiller dans cette misère profonde.

« J’serais riche à l’heure qu’il est si j’avais pas tout gaspillé avec les putes et le whisky. » 

La sœur, sortie de sa couche, s’enfuit et prend la route. A la recherche du colporteur qui a pris son enfant.
La frère, pose sa hache, et prend la route à son tour. A la recherche de sa sœur.
On the road again.
Sur la route, tiens ça me rappelle un roman plus récent d’un certain Cormac…

« Holme sentait la peur lui transir l’estomac. »

Accroche-toi à la bouteille ? Parce que cette route parsemée de poussière et de gens, des bons et des mauvais, même si les mauvais semblent plus nombreux que les bons, même si les bons ne sont pas aussi bons et que les mauvais vraiment mauvais, n’est pas de tout repos. Pas de répit, même lorsque les flammes du feu crépitent sous la bannière étoilée de la constellation du Sud.


« Les gens durs font les temps durs. J’en ai tant vu de la méchanceté des hommes que j’me demande pourquoi le bon Dieu a pas éteint le soleil et a pas fichu le camp. »

Une nouvelle étape, une rivière à traverser, un champ à longer, le frère se fera tabassé.
Une maison abandonnée, un potager à côté d’un verger, la sœur se fera exploitée.
Ils ne cherchent qu’un boulot pour manger ce soir, ou changer des bottes trouées. Ils ne font pas la mendicité, ils veulent juste aider, mais le Seigneur détourne les yeux ou s’est assoupi, las de cette misère. Et le Mal devient monnaie courante, mais même pas de quoi se payer un rye. Ou un mauvais whisky. Et ce colporteur dont personne ne sait l’identité, ni son chemin certainement pas droit. Jusqu’à quand, jusqu’à où. Au bout de la misère probablement, au bout du Sud, au bout de la nuit. Au bout de mes rêves. Quoique dans le Sud, sont légions cauchemars et légionelloses.  Dans les flammes de l’enfer ou d’un feu de camp, la chemise sèche de ce mélange aigre et salé de sueur et de peur. La bouteille est vide, le gosier râpé par toute cette poussière, s’éteindre avant que le soleil ne le fasse. De cette misère rien de bon ne pourra sortir de terre, n’est-ce pas les vers qui grouillent dans les entrailles des enterrés et autres malheureux.      


« Un homme peut jamais savoir quel jour sera son dernier jour dans cette vallée de larmes. »

« Cormac McCarthy a le don de nous bousculer intérieurement... », dédicace d'une blonde au sirop d'érable et au-delà des océans, amarrée à son igloo du cœur des Appalaches. Merci.

L’obscurité du dehors, Cormac McCarthy.

10 commentaires:

  1. Mes hommages. Ces mots sont sublimes.
    Ne me reste plus qu'à le sortir de ma PAL. Ça viendra...
    Signée la brune frisée qui hait le sirop de poteau, toujours à la recherche d'un petit lagopède à mettre dans sa mire

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    1. Alors, arrête de chercher le lagopède et sors Cormac de ta PAL...

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  2. Il a rejoint ma PAL il y a peu, trouvé lors d'un vide-grenier...

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    1. Un livre comme ça n'est pas fait pour passer d'un vide-grenier à une PAL ! Il mérite d'être lu de suite, petite grenouille sautillante - ou frétillante suivant la température de l'huile. Mais il faut aimer plonger en apnée dans la misère de l'humanité, loin de la mare enchantée des grenouilles ;-)

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  3. Tabarnak! Un Yellow Spot de 12 ans d’âge, rien de moins pour accompagner ton voyage dans la poussière du Sud. Cormac McCarthy il arrive à nous plonger dans le fin fond de la misère humaine, c’est une question de temps avant que j'me lance dans cette histoire d’une enfance qui vieillit trop vite...
    Amène ton char pis ton Crown Royal, j’t’emmène dans mon igloo des Appalaches manger des crêpes au sirop d’érable pis r’garder le vol de lagopèdes à queue blanche. Crisse! ^^

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    1. Y'a plus de gaz dans mon char, et j'ai fini presque mon Yellow Spot. Avec quoi, je vais finir mon Crown Royal ? Et arrêtes de m'exciter avec ton sirop d'érable ! :D

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  4. Rhô, tu me rappelles que je n'ai pas encore lu ce grand auteur et que ce n'est pas bien ! Je mérite bien une fessée, je pense... ;-)

    Et j'en ai quelques uns de lui à lire, je te jure...

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    1. Je me demande encore comment est-ce possible... Impensable de continuer à lire si tu ne t'es pas attaquée à Cormac McCarthy !

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  5. Bonjour le Bison, l'histoire me paraît noire, très noire. La route du même m'avait perturbée. Mais je note celui-ci. Bonne journée.

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    1. Aussi sombre que la Route. Faut avoir le cœur accroché ou la bouteille de whisky à portée de main avant de se mettre à lire un Cormac...

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