« VOUS QUI ETES EN TRAIN DE MOURIR DANS UN MONDE DE BETON,
L’ILE DE VOS REVES EST LA, A PORTEE DE MAIN »
Derrière ce slogan
publicitaire se cache la puissance du rêve, l’éclat d’un roman onirique. Il
suffit parfois d’un regard pour tomber sous le charme. Une longue crinière
noire sur un quai de train ou sur une moto en combinaison de cuir moulant ses
si belles formes. Il déambule dans les rues de Tokyo, âme solitaire et errante,
le regard rivé sur les gratte-ciel jusqu’à cette rencontre fortuite qui ouvrira
son cœur. Amoureux de l’architecture de sa ville, il découvre une autre
parcelle de vie dans cette île des rêves. En compagnie de cette brune, il va
ouvrir son cœur émerveillé par cette troublante rencontre et par le nouveau
monde qu’elle lui propose.
Mais cette île n’est pas
peuplée de naïades totalement dénudées comme mon esprit s’égare souvent dans un
univers orgiesque. L’île est juste un bout de terrain vague presque
inaccessible, construite sur une décharge municipale de la mégapole…
« La montagne de détritus recrachés par Tôkyô était ainsi en train de créer les terrains de la nouvelle ville ! Shôzö imaginait un gigantesque courant circulaire, invisible à l’œil. Il s’agissait certes d’un mouvement conçu, planifié et mis en œuvre par l’homme, mais il avait cependant l’impression qu’un autre courant, d’une force incomparablement supérieure, agissait sur ces opérations humaines. Une odeur de pourriture mêlée d’effluves marins pesait lourdement sur toute la zone. Des bulles de méthane éclataient à la surface du monticule. En cet instant même, la terre sous ses pieds s’enfonçait. La ville de Tôkyô était en train de combler le vide de sa baie, il en percevait l’agitation, la respiration, la température aussi… »
Ce roman de Keizo Hino offre
ainsi une réflexion écologique sur notre mode de vie. Mais derrière ce discours
militant, le cri des oisillons me fait attraper des suées sauvages. A sa manière
ce roman fait peur, car il ne semble pas si loin de la vérité de notre ère
contemporaine, bafouant la nature au profit des détritus de plus en plus
nombreux. Les déchets des hommes toujours plus conséquents, toujours plus
éloquents. Ils parlent d’eux-mêmes et détruisent le silence de ma vie par
d’étranges bruits de détresse. Ils ne nous restent plus qu’à mourir, plus qu’à
pourrir.
« C’est alors qu’une voix démesurément étrange s’éleva des profondeurs d’un fourré de fines branches entremêlées. Un kekekeke qui faisait davantage penser à un râle sortant d’une gorge étranglée qu’à une simple voix. Une sonorité qui faisait froid dans le dos, une sorte de rire perçant ou de violent sanglot, une voix d’être humain, une voix d’oiseau. »
Goran qui apprécie déambuler
dans les rues bouillonnantes de Tokyo fait son parallèle avec la trilogie
new-yorkaise de Paul Auster. Moi également, j’ai apprécié me promener dans ce
Tokyo hors des sentiers battus, entre les hauts buildings et cette forêt
presque imaginaire où seul le silence d’un homme et d’une femme, longue crinière
noire, y règnent. Le silence, ça me parle comme la contemplation d’un paysage
même urbain ou d’un corps de femme que j'imagine en rêve.
« Ils n’avaient pas échangé un seul mot. Parler n’était pas nécessaire. La sève qui circulait lentement dans les troncs d’arbres et les nervures des feuilles au-dessus de leurs têtes coulait au travers de leurs corps. »
L’île des Rêves, Keizo Hino.
“Les déchets des hommes... détruisent le silence de ma vie par d’étranges bruits de détresse”, maudit que c’est beau ça. C’est beau et en même temps ça nous parle d’une réalité qui fait peur et qu’on a trop tendance à oublier. La main de l’homme est mortelle, quand on voit où la planète s’en va avec tous ses déchets, la coupe des arbres, la pollution, etc on se dit qu’on est frappé par une inconscience collective qui nous fera tout perdre, jusqu’à nos plus grandes richesses. Quand un roman peut nous faire réfléchir sur notre mode de vie, c’est déjà un pas de gagné sur cette inconscience.
RépondreSupprimer“le silence de la vie détruit”... j’adore vraiment cette image, elle veut tout dire!
Si tu trouves que c'est beau, c'est que je devais être encore torché lorsque j'ai écris ces mots.
SupprimerMais voilà, c'est un très beau roman, surprenant, onirique, qui pousse à la réflexion. Contrairement à l'Asahi qui ne pousse qu'une envie de pisser fade, loin de l'onirisme de Chambly...
Aha en anonyme, j'y arrive... Super article ! Goran (https://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerYep, le coup du commentateur anonyme, ça marche toujours :)
SupprimerMais c'est étonnant que tu n'arrives pas à commenter sur blogspot sous ta vraie identité...
J'ai trouvé ça, mais je pige pas tout : https://en.forums.wordpress.com/topic/openid-failure?replies=75 Pas grave, en anonyme, c'est bien aussi... Et merci de m'avoir cité !
SupprimerC'est que c'est suite à ton excellent billet que j'ai décidé de sortir ce bouquin de sa PAL et de prendre mon billet pour cette île de rêve... alors, normal... que tu sois cité
SupprimerLe titre, la couverture, ton billet, tout donne envie !
RépondreSupprimerSurtout la couverture. C'est ce qui m'avait donné envie (je n'avais pas encore lu mon billet !)
Supprimermême combat que ManU !!!! merci.
SupprimermanU en chef de gang, prêt à combattre pour un Picquier, forever...
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