« Je conçois toujours l’odeur des hommes comme un mélange de feu de bois, de tabac, de pin, de whiskey, de cuir et d’urine de cheval. »
Quand j’étais petit, je rêvais d’être cow-boy, pour les éperons et certainement pour les cow-girls. Mais l’enfance n’a
qu’un temps, et l’ouest fait grandir son homme. Maintenant, je rêve toujours
d’être cow-boy, toujours pour les éperons qui déchirent le drap du lit mais
aussi pour la fiole de whisky dans la poche de mon jean, le parfum des femmes à
l’odeur de cuir, celle des hommes à l’odeur de cheval, les serveuses dans les
bars avec des chemisiers une taille en dessous noués au-dessus du nombril, les
femmes qui regardent leur verre au comptoir en attendant qu’un beau type, à
défaut un pauvre bison, vienne s’asseoir à côté d’elle pour leur promettre une
nuit à la belle étoile, un feu qui crépite, du marshmallow fondant qui colle au
dent (putain, j’ai oublié de prendre un tube de dentifrice, se rincer alors la
bouche avec un putain de bon whisky sans glace), des étoiles qui lui font des clins d’œil, des ours
qui beuglent au loin, et le hennissement des chevaux dans le corral. Si
seulement, je savais murmurer à l’oreille des chevaux… et j’avais les yeux
bleus… Si seulement, je savais murmurer à l’oreille des femmes…
« Le matin, je balance mes pieds dans l’obscurité froide du chalet et je les pose sur le grain du plancher. Je m’assieds sur le bord du matelas et je tends la main vers la chaise à dossier droit à la tête de mon lit. Je prends le fond de whiskey bon marché qu’on a laissé pour moi sur le siège, j’avale sans réfléchir, j’avale parce que je fais ça depuis l’âge de quinze ans. C’est le premier pas de mon régime matinal. Le whiskey se précipite vers mon estomac comme une guêpe qui se noie. Chaque matin, le whiskey me fait grimacer, me fait venir les larmes aux yeux, me réveille en me brûlant. J’ai seize ans. Plusieurs années s’écouleront avant que j’apprenne que tous les garçons ne reçoivent pas, à la puberté, le même traitement revigorant à base de malt. »
Une fois que j’ai dit ça, je crois que
je t’ai raconté tout de mon enfance et de mes rêves de cow-boy. Alors pour ceux
qui n’ont pas vécu le plaisir de caresser la croupe d’une jument ou d’une
cow-girl, il reste les histoires de Mark
Spragg, cow-boy littéraire que j’apprécie tant depuis tant d’années, des
histoires où la cow-girl et le cheval se retrouvent « là où les rivières se séparent ». Et qui dit rivière, dit
bière fraîche. Parce que petit, je grandis,
au début, je m’intéresse à tout l’attirail, le lasso la selle et
l’éperon. Et puis après mon esprit aventurier s’aventure plus loin dans la
nature et la contrée sauvage, l’envie de chevaucher – les chevaux puis les
cow-girls, le désir de voir au-delà des collines, vision des seins des cow-girls
sur un cheval, vision des culs des serveuses entre deux tables, l’irrésistible
passion de caresser dans le sens du crin le cheval ou dans le sens du poil le
sexe de la cow-girl, humide et chaud, j’ai soif d’une bière d’un whisky d’une
serveuse. Je vais garer mon pick-up.
« Le parking est semé de gravier, creusé par une pluie récente, parsemé de mauvaises herbes sur les bords. Les pick-up sont maculés de boue, la plupart tirent des remorques, leurs pare-chocs et leurs pare-brise sont des champs irréguliers de cadavres d’insectes en bouillie. Il y a une rangée de bétaillères. Un semi-remorque est garé sur l’aire de chargement. Une demi-douzaine d’enfants blonds jouent à l’ombre d’un arbre, se relayant pour prendre au lasso un vieux chien jaune et rouan. La cataracte rend ses yeux vitreux. Sa langue pend de son museau gris. Il se laisse prendre, les enfants ne tirent pas la corde. Une jolie femme aux cheveux roux attachés en queue-de-cheval est assise à l’arrière d’un camion. Son chemisier à carreaux est ouvert, et elle allaite son bébé. Elle sourit. Le soleil caresse le globe de son sein. Des hommes montés sur les enclos observent les animaux qui tournent en rond ; aligné sur la barrière, ils les montrent du doigt, fument et rient. On entend les mugissements du bétail, le bêlement des moutons, le hennissement aigu d’un cheval. Le sol tremble comme une épaisse peau de tambour sous le martèlement des sabots. Le vrombissement des mouches remplit l’air comme l’écho d’une sirène au loin. »
L’Ouest, c’est un petit bout de
paradis. Le vent me courbe, les courbes des serveuses me la redresse. Je suis
obsédé par les serveuses, ou par les nanas en jeans moulants avec santiags
dansant entre les tables des plateaux de verres de bières qui débordent de
mousse. Putain, je rêve du Wyoming, des grands espaces, du silence de ces
étendues, de la solitude assumé de ce coin retiré du monde.
Avec l’âge, je traîne au bar ma
mélancolie, je me souviens, je ne fais plus attention aux seins de la serveuse,
je garde en mémoire ceux de mon amour et je bois seul ma bière, en silence.
« Les bars sont pleins dès le milieu de l’après-midi. Les hommes frappent du pied, comme ils le feraient pour faire tomber la boue ou la neige de leurs bottes et de leurs jambes de pantalon, mais ils ne font que reprendre pied, pour se rappeler comment on se tient sur un sol qui n’est pas ébranlé par le vent. Les femmes dansent en foule autour du juke-box, ensemble, elles boivent des whiskeys secs, elles montrent parfois leurs seins. Les pros boivent leur premier verre très vite, sans parler. Elles rient, haussent les sourcils, plissent le front, sifflent comme pour indiquer que c’est un hasard si elles ne se sont pas encore fait remarquer. Tout le monde boit assidûment ; tous les prétextes sont bons pour se rassembler sous un toit. Et puis les églises ne se prêtent pas à la conversation ou aux préliminaires. »
Si je suis parti seul dans les tréfonds
de cette nature et les bas-fonds de ce bar, c’était pour rejoindre la grenouille charentaise manU qui m’avait
devancé avec son tracteur, un Massey-Fergusson d’un rouge aussi vif et rutilant
que la paire de fesses de la serveuse, le cul à l’air au coucher de soleil et
quelques fessées pour la rebooster d’amour. Le bougre, il n’a pas mis longtemps
à me convaincre de le suivre dans cette aventure-là, troisième roman de Mark
Spragg que je dévorais à l’air libre et enfumé : « Je te revois avec ce cerf que tu apprends à
dépecer, à vider de ses entrailles. Le sang qui gicle. Les éclaboussures de
sang qui sèchent sur ton visage. Les boyaux qui fument dans la froideur
hivernale. »
Là où les rivières se séparent, Mark
Spragg.
J'ai petit-déjeuné en te lisant, emportée par ce vent de fraicheur! Délicieux billet...
RépondreSupprimerDe Mark Spragg, j'ai adoré "Une vie inachevée". De ce pas, je note celui-ci, qui m'avait échappée, fouille-moi pourquoi!
Moi avant, j'avais aussi adoré "De flammes et d'argile" et "Le fruit de la trahison". Tiens... Il me manque cette vie inachevée. Pourtant, une vie inachevée, ça ressemble à la mienne.
SupprimerAlors, mets tes santiags, prends ton lasso et lance-toi dans cette vie de cow-girl...
Je vais me lancer. Finalement, il m'en reste un tas à lire. Tant mieux!
Supprimerlance-toi, chevauche le Wyoming, sois une cow-girl (même frisée :D) !
SupprimerMoi aussi j'aimerais savoir murmurer à l’oreille des femmes...
RépondreSupprimerJ'ai essayé pourtant... mais mes murmures sont restés des silences...
SupprimerOui, cela m'aurait plu de savoir murmurer à l'oreilles des femmes (des chevaux aussi, pourquoi pas)...
quels beaux textes !
RépondreSupprimerOui, il écrit bisonnement bien ce Spragg !
Supprimerconcernant le bison, et comme ç'est la première fois que je pose mes pattes ici, j'ai pensé de suite au film "l'armée des ombres"
RépondreSupprimerJe n'ai pas la culture cinématographique pour comprendre, mais on s'en fout. Posez vos pattes, prenez un verre et bienvenue aux cafards !
SupprimerTabarnak j’vois que les cow-girl t’inspirent et te « redressent » la bizoune. Avec la sueur qui coule entre les joes d’la serveuse, le cul à l’air en prime, ça frette pas longtemps dans c’coin là :P
RépondreSupprimerptdrrrrrrrrrrrr la grenouille sur son tracteur entre deux bonnes grosses bouses de vaches! Meuhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh ^^
Je ne sais pas si se sont les cowgirls aux big joes ou une grenouille sur son tracteur qui m'inspirent le plus mais ces rêves de gosses sont toujours sympas à se souvenir et à se lire, surtout avec un verre de pineau...
SupprimerEt j'oubliais de dire que mes garçons m'ont offert justement ce livre pour mon anniversaire. Les rêves d'enfance sont éternels, il fait bon y revenir...
SupprimerJoyeux anniversaire dans le Wyoming, alors... !!!
SupprimerLes rêves sont des flammes éternelles qu'il faut savoir entretenir avant qu'elles ne s'éteignent définitivement...
Moi je ne rêvais pas d'être une cow-girl (malgré que je sache danser le country) mais je rêvais d'être une indienne avec de longues nattes noires. :D
RépondreSupprimer"Murmurer à l'oreille des femmes"
Tu sais maintenant les femmes elle boivent de la bière et elles rotent :) il faut y aller direct :)
mdr !
Elles boivent de la bière et elles rotent, l'attrait suprême...
SupprimerVroum...Vroum...
RépondreSupprimer♪♫♪♫ Je n'ai besoin de personne en Massey- Fergusson... ♪♫♪♫
Quand je sens en chemin Les trépidations de ma machine Il me monte des désirs Dans le creux de mes reins...
Supprimerah... l'attrait du tracteur... ses secousses sa puissance ses vrombissements...