jeudi 27 juin 2019

Ce parfum de Smoked Meat

J’ai envie de dire « Sacré Panofsky ». Un bon vivant, traversant des décennies de sa misérable vie, un verre de Macallan à la main et un Montecristo dans l’autre. Les volutes de ces plaisirs divins parfument ses amours entre Paris et Québec. Et il m’est arrivé de sourire à cette putain de vie, à ses trois femmes et aux élucubrations de ce vieux débris juif. Ecrivain ou presque, producteur de daube télévisuelle également, le voilà accusé d’avoir tué un homme, son ami il y a bien des années, le voilà à se défendre contre la vindicte populaire, à l’aube de son trépas, fin de carrière, fin de vie. Les idées en place se mélangent dans sa tête, avec les trous de mémoires qui s’engouffrent dans sa tête, il est temps de les accoucher sur le parchemin de sa vie, au coin d’une cheminée, cabane en bois et senteur de sirop d’érable. 

Trois femmes qu’il a profondément aimées, à part peut-être la deuxième madame Panofsky, un amour éphémère qui a duré jusqu’à ce qu’il croise le regard de la future madame numéro 3 le jour de ses noces. Barney Panofsky, avec tout son humour et sa sénilité, se livre et me livre ses fantasmes, remontant jusqu’à la belle paire de joes de son institutrice qui a longtemps parfumé ses érections nocturnes de sa fragrance animale et tâché les draps de son innocence éjaculatoire. Et comme toute littérature pure laine, il est question, une évidence, de hockey sur glace, même et surtout lors de ce mariage avec l’acariâtre numéro 2, je ne comprends pas pourquoi elle l’a mal pris…


« Allongé dans l'obscurité, fou de rage, j'ai récité à haute voix le numéro à composer en cas de crise cardiaque.
"Vous avez joint l'Hôpital général de Montréal. Si vous avez un téléphone à clavier et que vous connaissez le numéro de poste que vous voulez joindre, composez-le maintenant. Sinon, faites le 17 pour être servi dans la langue des maudits Anglais ou le 12 pour le service en français, langue glorieuse de notre collectivité opprimée."
Pour le service des ambulances, c'est le 21.
"Vous avez joint le service des ambulances. Veuillez patienter, une standardiste vous répondra tout de suite après notre partie de strip-poker. Bonne journée."
On me ferai attendre avec le Requiem de Mozart en fond sonore.
 »

De la rue Saint-Urbain à la célèbre rue Sherbrooke, éclusant tous les bars de Montréal, de la tombée de la nuit aux premières neiges matinales, avec les filles les plus hots de McGill, ou les plus délurées, j’ai pris part à ce triste constat d’une vie de petit enfant juif anglophone devenu grand seigneur de la provocation, toujours prêt à lever son doigt, le majeur, à cette société trop bien-pensante, à asseoir son cul sur les rumeurs – sauf celle qui fit de lui un assassin – et sur ce tabouret au bout du comptoir où un prénommé Rufus me sert quelques verres de Macallan, laisse-donc la bouteille sur le comptoir ça t’évitera des allers-et-retours inutiles. C’est drôle souvent cynique, parfois un peu compliqué pour l’étranger que je suis – mais j’essaie de m’intégrer à la communauté des buveurs de broue. Le monde est divisé en deux, les maudits anglais et les opprimés français, comme ceux qui traînent à l’intérieur du bar et ceux qui s’effondrent dans le caniveau.   

Un certain côté jouissif, même de découvrir cet humour et ces mœurs pour le moins étonnants comme de laper le cognac sur les seins de sa blonde. Tout connement que je suis, je me contentais jusqu’à présent de le boire dans un verre. Ou de se parfumer l’entrecuisse des épices de chez Schwartz, pour avoir ce goût de Smoked Meat. Tout innocemment, je mettais ces épices uniquement sur les côtes d’élan au BBQ. Malgré mon grand âge, j’ai encore donc à apprendre de la vie, certaines putains de vie semblant plus agréables et drôles que d’autres. Tout comme ces concepts de gamahuchage ou saxonus qui m’intriguent terriblement, émoustillent devrais-je dire devant ce catalogue de positions, le tantrisme des bucherons canadiens, probablement une autre façon d’occuper le temps que le soixante-neuf quand t’es coincé dans une cabane au fond des bois, le blizzard s’engouffrant entre les rondins. Fuck le blizzard.

« Ma dame aux listes avait fait des recherches, épluché des manuels d'éducation sexuelle qu'on ne trouvait pas à la bibliothèque publique juive, pris des notes et tracé des diagrammes sur des fiches cartonnées. A ma grande stupeur, elle n'ignorait rien de la 'feuille de rose', du 'gamahuchage', du 'pompoir', du 'postillonage', du 'soixante-neuf', du 'saxonus' ni même de la position de l'huître viennoise, et chaque soir je devais trouver le moyen d'échapper à une nouvelle expérimentation. »

« Le Monde Selon Barney », Mordecai Richler.
Traduction : Lori Saint-Martin & Paul Gagné.



7 commentaires:

  1. Pas à dire, ça donne envie !
    Et j'adore ce message vocal !! ^^

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    1. à la fois, ça donne envie, mais à la fois c'est compliqué... Des références qui m'échappent... mais y'avait des passages vraiment fun. Une histoire pas plate...

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  2. Crisse, Richard Desjardins, mon poète chanteur... <3
    Que j'écoutais justement aujourd'hui avec mon grand Vincent...
    Et Mordecai Richler, pure laine... sans doute né près de la taverne à Rufus. La classe.
    Fuck le blizzard, le gamahuchage et le saxonus s’émoustillent au coin de la rue Sherbrooke. On les aura les hosties d’anglais! Les Joes à l’air, le gars regarde son match de hockey pendant que sa blonde pellète sa neige dans l’entrée, en mini en poils de castor, un smoke meat de chez Schwartz à la main (la livraison s’en vient…). Elle s’est assise trop longtemps sur les bancs de McGill. Tabarnak, il te faut maintenant voir le film...
    Je sirote... on a juste une câlisse de vie!
    Je t'offre un verre? Ben oui, en 2019 les femmes aussi invitent :D

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    1. J'aime ce genre de femmes des années 2019 :-)
      Et en plus tu connais Mordecai... Crisse, tu en connais du beau monde. Faut dire qu'à fréquenter la taverne de Rufus, tu dois en voir passer des gars bien...

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    2. PS : Est-ce qu'on peut gamahucher avec les épices de chez Schwartz ?

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    3. C'est même possible de saxoner. Ce sont mes années à McGill qui me l'ont appris. Et-ou la sensualité d'un majeur né à l'aube d'un année érotique...
      Crisse...

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    4. Calisse, je vais postilloner :-)

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