« Tout au fond de ton cœur
Que ce soit dans la joie
Ou bien dans la douleur
Sonne le chant de l’Islande. »
Je me retrouve ainsi devant ma machine à écrire, le syndrome de la page blanche, des cendres éteintes, mes poussières de cheminée, de vie. Seul dans la pénombre du matin, un bol de skyr entre les mains. Je cherche les mots, ils ne me trouvent pas. Ils se sont perdus dans ma pensée, dans la fraîcheur de la tourbe, devant l’immensité de la nuit. Les mots se sont enfouis, ou se sont perdus comme un phoque esseulé sur un rivage, comme une lune bleue derrière l’amoncellement de nuages noirs.
Fuck le blizzard, le vent souffle et tourne les pages de cette vie, une vie incomprise, dans un temps pas si reculé. Les années soixante et Hekla, aussi volcanique que le volcan qui lui doit son nom, est une poétesse, une écrivaine. Avec Jon John, son plus fidèle ami qui lui cout des robes, elle tente de trouver sa place, en terre viking, là où les femmes sont le plus souvent cantonner au foyer familial, à entretenir le feu dans la cheminée, ou sous la marmite. Hekla, c’est une écrivaine de talent. Elle le sait, et chaque nuit, elle tape des pages et des pages de son premier roman, au moins 200 pages, moins que James Joyce tout de même.
« Je suis parfois tellement fatigué, Hekla. Tellement las d’exister qu’il m’arrive d’avoir simplement envie de
somnoler
sommeiller
de passer un mois entier
dans les bras de Morphée.
J’essaie de me rappeler s’il nous reste du hareng et de la betterave.
- Tu veux que je te prépare un smorrebrod ? »
C’est avec des odeurs de hareng fumé que je me décapsule une Skøll, pour l’ambiance islandaise, Sigur Rós m’accompagne musicalement, pour l’atmosphère islandaise, comme souvent quand mon esprit s'aventure dans cette lumière boréale. Il faut savoir se mettre en condition, j’ouvre les fenêtres de ma prairie, pour laisser pénétrer la froidure dans mes vieux os, les étoiles m’envahissent de cette soudaine luminosité, les embruns me submergent d’un voyage iodé. Un autre temps, une époque différente et mon regard plonge dans l’océan qui nous sépare. Une miss Islande en toile de fond, belle – peut-elle être trop belle d’ailleurs, moi j’imagine son sourire dont la pétillance de celui-ci ne saurait éclipser son esprit, - elle quitte la campagne pour Reykjavik pour vivre son rêve, aller au bout de sa passion. Écrire coûte que coûte. Miss Islande est une ode à la poésie et surtout à la liberté. Mais l’époque est en retard sur la société, le brouillard l’enveloppe, le blizzard se fracasse contre la petite lucarne de sa chambre, une minuscule fenêtre ouverte sur le lendemain, là où en hiver les nuits sans fin distilleraient la musique de sa machine à écrire, là où en été les jours sans fin tourneront les pages de son prochain roman. C’est aussi une œuvre de tolérance pour l’homosexualité de Jon John.
« Tu n’es pas un écrivain d’aujourd’hui, Hekla, tu es un écrivain de demain. »
Miss Islande est aussi une réflexion sur ceux qui ne trouvent pas leur place dans ce triste monde, ceux qui naviguent en dehors des voies fluviales. Le destin de Hekla, celui de Jon John ne laissent donc pas indifférents, et passer la dernière page, j’avais envie de prolonger ses vies-là, le besoin de sentir comment ils s’en sortent, de finir mon bol de skyr et de décapsuler une nouvelle Skøll.
þakka þér kærlega.
« Je ne rentre dans aucune catégorie, Hekla. Je suis un accident qui n’aurait jamais dû voir le jour. Je n’arrive pas à trouver ma place. Je ne sais pas d’où je viens. Cette terre n’est pas la mienne. Je ne la connais pas sauf quand on m’y enfonce le visage. J’ai le goût de la poussière. »
« Sois belle et tais-toi ! » disait en gros une grenouille gelée...
« Miss Islande », Audur Ava Olafsdottir.
Traduction : Eric Boury.
« Entre ma conscience et tes lèvres s’étend un océan sans routes. »
J'adore cette auteure ! Sa plume, son univers, son regard, son humour, son accent et son français parfait...
RépondreSupprimerJ'ai son Rosa Candida qui m'attend également... ça donne quoi un accent islandais ?
SupprimerBon anniversaire à retardement ! 🎊😅
RépondreSupprimerþakka þér kærlega.
SupprimerUne auteure que je n'ai pas lu mais dont je vois trainer les livres régulièrement...
RépondreSupprimerEn revanche, ton billet est tout simplement... "beau". Quel poète ce bison ! ^^
poët-poët
Supprimerla poésie se retrouve surtout dans ces histoires islandaises...
Sinon je connais un très bon blog qui a parlé de ce roman, celui-là même qui m'a donné envie de le lire... Je sais, ce blog n'est pas très bien fréquenté... il cause surtout cuisses de grenouilles et persillades, mais d temps en temps, j'y déniche un bon bouquin :-)
SupprimerUne ode à la poésie, à la liberté, entourée de glace et de blizzard, de lave, de lagon et de l'air iodé des icebergs qui dérivent et suivent leur course folle dans le réchauffement climatique.
RépondreSupprimerUne ode au destin, à cette femme et à tous ceux incompris...
Et dire que je n'ai jamais lu ce livre et que pourtant je l'aime déjà <3
Crisse qu'il me faut me le procurer et le lire... pas d'classe pantoute sinon :)
ça doit être classe tout de même l'Islande, la glace, la lave, le lagon, l'iode...
Supprimer6 mois après pour écrire la chronique, c'est une bonne moyenne ! 😁
RépondreSupprimerMais sans doute que je ne ferai pas mieux, avec tes cadeaux 😅
je fais dans la réflexion. Faut savoir prendre son temps pour découvrir... et savourer... chaque page, comme chaque gorgée.
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