Le soleil n’est pas encore levé lorsque le réveil de Simon affiche ses chiffres vert luminescents 5:50. Il a tout juste 19 ans et ne vit que pour sa passion, le surf. Un van avec des autocollants de filles en bikini, deux potes même passion, un disque de Nirvana dans l’autoradio, oublier les fumées du pétard de la veille, prendre la vague même avec une eau ne dépassant pas les 10°. Le froid, l’engourdissement des doigts, il est temps de rentrer se coucher de nouveau. Remonter dans le van, les yeux encore dans le rêve, le sommeil dans la tête, et Simon à l’avant entre ses deux potes. La place sans ceinture. Simon passe par le pare-brise, urgences et coma irréversible.
Simon est vivant, son cœur bat encore. Comment le déclarer mort ? Comment admettre l’impensable, l’imaginable pour un parent, voir son fils mort… Mais puisque son cœur bat encore !! Je vois bien les impulsions sinusoïdales sur l’écran de contrôle… Admettre la situation et penser à la suite.
La suite c’est faire le deuil d’un fils disparu. Mais avant…
« Enterrer les morts et réparer les vivants. »
Convaincre la famille que Simon est mort pour mieux réfléchir à l’après. Savoir ce que Simon aurait aimé faire, donner. Donner ses organes, son foie, ses reins, son cœur aussi. Non pas ses yeux, on ne touche pas à ses yeux. Il y a l’âme dans les yeux. Malgré le sujet, tristesse et désespoir, j’ai adoré cette première partie du roman. L’accident, les conséquences et surtout le questionnement de ces parents. La froideur aussi du médecin qui est là justement pour apporter cette nuance d’émotions dans la vie de ces deux parents qui s’étaient éloignés l’un de l’autre. Le chirurgien doit maîtriser ses sentiments, faire abstraction de la vie et mort du patient pour justement faire que les deux parents se détachent petit à petit non pas de Simon mais de son enveloppe. Leur proposer un don d’organe, leur expliquer le processus, leur donner le choix. Il s’effacera devant leur choix. Car il est bien question de choix. Et non pas celui que eux, les parents de Simon feraient, mais bien celui que Simon aurait aimé faire.
« j’ai conscience de la douleur qui est la vôtre, mais je dois aborder avec vous un sujet délicat – son visage est nimbé d’une lumière transparente et sa voix monte imperceptiblement d’un cran, absolument limpide quand il déclare :
- Nous sommes dans un contexte où il serait possible d’envisager que Simon fasse don de ses organes. Bam. D’emblée. Thomas a posé sa voix sur la bonne fréquence et la pièce semble résonner comme un micro géant, un toucher de haute précision – roues du Rafale sur le pont d’envol du porte-avions, pinceau du calligraphe japonais, amortie du tennisman. Sean relève la tête, Marianne sursaute, tous deux chavirent leur regard dans celui de Thomas – ils commencent à entrevoir avec terreur ce qu’ils fabriquent ici, face à ce beau jeune homme au profil de médaille, ce beau jeune homme qui enchaîne avec calme. Je voudrais savoir si votre fils avait eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet, s’il lui est arrivé d’en parler avec vous.Les murs valsent, le sol roule, Marianne et Sean sont assommés. Bouches bées, regards flottant au ras de la table basse, mains qui se tordent, et ce silence qui s’écoule, épais, noir, vertigineux, mélange l’affolement à la confusion. Un vide s’est ouvert là, devant eux… »
Le dernier tiers du roman où la greffe de cœur est actée m’a moins emballé, comme si la greffe du cœur avec une nouvelle vie avait du mal à prendre. Mon seul bémol à ce beau roman qui me faisait un peu peur au début (beurk une histoire de cœur). Mais je l’ai avant tout lu pour la prose de Maylis de Kerangal. Mon second roman de l’auteure que je lis et sa plume me subjugue. J’adore la façon dont elle insuffle du rythme et de l’énergie même face à la mort avec ses phrases, longues, interminables, des virgules et des virgules, des phrases qui s’étirent sur des pages, laissant à peine le temps de reprendre sa respiration entre deux virgules, à peine un point-virgule, comme si je restais en apnée sous la vague, attendant son déferlement qui ma ramènera complètement éreinté sur le bord de la plage.
Fait du hasard, des Dieux de la binouze et de la poutine ou juste clin d’œil des ours, Nadine à l’autre bout de la banquise québécoise distille sa conclusion – elle est du genre à décapsuler sa chronique plus vite que ma bière se déversant dans mon verre, expérience douloureuse amarrée à la fibre maternelle : « Le cœur est bien plus qu’un organe vital, c’est aussi un symbole ? Car c’est à travers lui que passe les sentiments humains. »
« C'est sombre à l'intérieur, empreintes de dérives nocturnes, émanations de cendre refroidie. Bashung. Voleur d'amphores au fond des criques. »
« Réparer les Vivants », Maylis de Kerangal.
Tabarnak, mon com ne s'est pas affiché? Est-ce que j'ai appuyé sur le bon bouton? Pas drôle d'être une vieille croute.... ^^
RépondreSupprimerCrisse de Câlisse, arrête de sucer des bonbons à l'érable, ça te fait tourner la tête, vieille croute :D
Supprimerptdrrrrrrrrrrrrr pouahhhhhh ça me pend de partout, si tu voyais ça! Quel désespoir... ^^ ^^
SupprimerOn peut avoir des photos, on ne se rend pas bien compte là !
Supprimerj'ai prévu de lire le livre très prochainement. J'ai vu le film et se fut un magnifique coup de cœur ( sans jeu de mot) de magnifique images, une belle photographie... du coup il me tarde de découvrir le livre.
RépondreSupprimerMaintenant, je vais pouvoir voir le film. Du coup, il me fait envie maintenant que j'ai découvert le livre !
SupprimerPfffffffff j’allais faire un clin d’œil à Bashung et son Voleur d’amphores et j’ai oublié! Tabarnak
RépondreSupprimerJ’ai aussi préféré la première partie, les questionnements des parents et ce qu’on peut entrevoir de l’insensibilité obligée de certains médecins face à la mort. Mon plus grand coup de cœur dans ce livre va à l’écriture de l’auteure. Quant aux « histoires de cœur », je ne comprends même pas que tu en sois arrivé là....... ptdrrrrrrr
^^
Dès que j'ai lu cette phrase, voleur d'amphores au fond des criques, je me suis dit il fallait que je m'en souvienne pour mettre du Bashung dedans... Et puis, j'ai presque failli oublier, ce n'est qu'au dernier moment que j'ai retrouvé cette citation... Alors quand j'ai vu que tu ne l'avais pas mis, j'avoue, sans honte, j'ai jubilé intérieurement. Yes, Tabarnak, je mis du Bashung et pas Elle. Crisse de Câlisse, que c'est bon !!! :D
SupprimerJe crois que je vais devenir fan de l'écriture de Maylis de Kerangal. J'avais déjà beaucoup aimé sa "Tangente vers l'Est", une autre histoire de cœur...
Pfff, d'ailleurs les histoires de cœur mèneront à ma perte. Après, je suis obligé de boire et de boire pour m'en remettre :D
Han!!!! Tsé bien que c'est par courtoisie que je t'ai laissé mettre Bashung avant moi. On ne peut pas en dire autant de d'autres... (j'vais m'en souvenir de celle-là, pas d'classe pantoute!) ^^
SupprimerTangente vers l'Est est probablement celui qui m'intéresse le plus.
Si tu veux mon avis, les histoires de cœur ont déjà eu raison de toi. T'es fini mon homme... allonges-toi sur mon divan et racontes-moi ce "love addict". Je t'écoute..... :D))
La Maëlys quand je l'entends causer, elle me file de l'urticaire. C'est l'effet que me font les gnangnans qui bégayent. Alors la lire, niet. Par contre j'ai vu le film. Très bien. ça compte ?
RépondreSupprimerJamais vu, jamais entendu, mais j'adore la lire... Je ne sais même pas quelle tête elle a... Le film, je le verrai certainement...
SupprimerIl est dans ma PAL et je compte bien le lire, un jour...
RépondreSupprimerToi aussi, tu t'intéresses aux histoires de cœurs...
SupprimerLa mort d'un de ses enfants,
RépondreSupprimerLe don d'organe quand il s'agit d'un être de notre chair ! Je ne me sens pas capable encore de prendre une telle décision et pourtant je sais que ce n'est qu'une enveloppe.
C'est un sujet très délicat qui me met très très mal à l'aise c'est pourquoi je ne regarderai pas ce
film encore.
D'ou l'importance de prendre des décisions de son vivant sur nos dernières volontés.
C'est petit je reconnais surtout quand il s'agit de sauver la vie de quelqu'un ...
Non vraiment je ne pourrai pas ...
Et pourtant c'est tellement un geste d'amour ... de vie ...
Difficile d'imaginer la situation, de penser à un choix, tant que l'on n'y est pas confronté. Un geste d'amour, et de vie... Assurément mais sur l'instant, sur les quelques heures des organes "viables", le choix s'impose ou pas. Je ne peux pas savoir, je n'imagine même pas, je n'y arrive pas à y réfléchir. La situation s'occulte et la force manque.
SupprimerPourtant lire ce livre fut un régal...
C'est ce livre que j'avais pris dans la boîte à livre à Strasbourg mais que j'ai finalement laissé à ma copine car au final j'ai pensé ce n'était pas ma tasse de thé...
RépondreSupprimerJ'ai détesté le livre de Mathias Malzieu, La mécanique du cœur, alors depuis je me méfie des histoires de greffe. D'un autre côté, j'avais bien aimé Corniche Kennedy de miss Maylis mais ça n'a pas suffit, le sujet ici m'enquiquinait trop...
J'ai presque envie de dire peu importe l'histoire, le roman se lit pour miss Maylis. Après on adhère ou pas à sa plume... Mais le roman n'a rien d'enquiquinant :)
SupprimerJe le reprendrai à mon prochain passage à Strasbourg alors
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