"Si mon père lisait ces pages, il me dirait que les choses ne se sont pas passées comme ça. Tu aurais dû me demander avant, me reprocherait-il, et pendant un bon moment il ne me parlerait plus. Peut-être pour toujours. Si ma mère lisait ces pages, elle aurait quelques doutes, elle se sentirait triste, mais ensuite elle comprendrait - ou inventerait - les raisons qui m'ont poussé à parler d'eux.
Quelles sont ces raisons ? J'y ai pensé souvent et il n'y en a peut-être qu'une seule : je crois que je veux les trahir. Je veux trahir la mémoire de mes parents, je le dis à voix haute, je veux les trahir avec la seule chose que je puisse faire : un roman dont je ne sais pas si je pourrai le terminer."
Le bateau fit escale à Valparaiso. Descendu sur la jetée, je me retrouve à errer dans ses rues poussiéreuses à la recherche d'un bar capable d'étancher ma soif. Le soleil brûle le sel qui ronge ma barbe et ma peau. Je cherche l'ombre sous les arbres, allant dans les ruelles les plus étroites afin de m'abriter et de la chaleur et du vent. C'est ainsi au détour d'un labyrinthe de rues sans vie que je trouve un magasin d'antiquité à la devanture intrigante. "Collection Privée" est peint sur la vitrine, je pousse la porte m'attendant à voir un vieux loup de mer échoué du Cap Horn.
Mais non, c'est le fils qui m'accueille, c'était bien la boutique du vieux par contre.