« La Maison rouge de mes parents est construite à l'orée d'une pinède, beaucoup plus vieille qu'eux.
Je suis petite encore quand ils s'y installent.
Je ne sais pas que cette terre-là deviendra la mienne.
Mais mes doigts se l'approprient déjà, grattant la terre, lui confiant mes morts.
Une douzaine de cochons d'Inde, mes chats, puis mes grands-parents s'y déposent un à un, chargeant le champ de leurs mémoires, nourrissant les trèfles de leurs souvenirs. »
Je suis petite encore quand ils s'y installent.
Je ne sais pas que cette terre-là deviendra la mienne.
Mais mes doigts se l'approprient déjà, grattant la terre, lui confiant mes morts.
Une douzaine de cochons d'Inde, mes chats, puis mes grands-parents s'y déposent un à un, chargeant le champ de leurs mémoires, nourrissant les trèfles de leurs souvenirs. »
Cela ne t’a probablement pas échappé, mais il y a quelques mois, une nouvelle ère à démarrer, celle d’un virus et d’une pandémie. Oublions donc tout ça, pendant quelques minutes, pendant quelques pages. Pourtant, nous y sommes en pleine pandémie, confinés chez soi. Mais au lieu d’un appartement, de la rue Sherbrooke ou d’ailleurs de Montréal, je me retrouve en pleine forêt. Et là, j’oublie tout, même ce maudit virus et je plonge les yeux fermés, le cœur ouvert dans la poésie de la nature. Calisse que c’est beau…
« J'attrape une serviette dans un geste quotidien et je descends d'un pas encore endormi vers la rivière. C'est mon entrée dans la journée, mon plongeon matinal, qui équivaut à dix espressos. Je me déshabille, je glisse un pied dans la boue, puis mon corps en entier dans l'eau glacée. J'ouvre les yeux sous l'eau pour regarder le ciel. J'aime le voir de là.
Quelque chose frôle ma jambe. C'est gros. Je sors ma tête de l'eau. Un castor me fixe.
On ne bouge pas, ni lui ni moi. Il est dans ma bulle, clairement. Et je suis dans la sienne. Ni l'un ni l'autre n'abdique. Il ne semble pas avoir peur. Il plonge à nouveau près de moi et effleure ma cuisse nue. J'immerge ma tête sous l'eau et le cherche du regard. Je nage doucement, on est maintenant face à face. Je pourrais à cet instant prendre sa place. Habiter là en bordure du courant, m'y établir. Vivre entre des murs d'arbres tissés et le bassin clair du ruisseau.
Comme je l'imagine mal aller faire des tartines aux enfants, je me décide à sortir. Je frissonne. Enroulée dans ma serviette, je le vois s'enfouir à l'abri du rocher. Je crois qu'on peut dire qu’on s'est rencontrés.
Je remonte vers la Maison bleue plus chanceuse que quand je l'ai quittée. »
Quelque chose frôle ma jambe. C'est gros. Je sors ma tête de l'eau. Un castor me fixe.
On ne bouge pas, ni lui ni moi. Il est dans ma bulle, clairement. Et je suis dans la sienne. Ni l'un ni l'autre n'abdique. Il ne semble pas avoir peur. Il plonge à nouveau près de moi et effleure ma cuisse nue. J'immerge ma tête sous l'eau et le cherche du regard. Je nage doucement, on est maintenant face à face. Je pourrais à cet instant prendre sa place. Habiter là en bordure du courant, m'y établir. Vivre entre des murs d'arbres tissés et le bassin clair du ruisseau.
Comme je l'imagine mal aller faire des tartines aux enfants, je me décide à sortir. Je frissonne. Enroulée dans ma serviette, je le vois s'enfouir à l'abri du rocher. Je crois qu'on peut dire qu’on s'est rencontrés.
Je remonte vers la Maison bleue plus chanceuse que quand je l'ai quittée. »