lundi 22 avril 2024

La Perception des Choses


Je suis dans le jury. J'entends le public chuchoter. Je perçois les silences de l'accusé, les pleurs de la plaignante. Le regard du juge me domine par son respect. J'écoute, les deux avocats, celui de la victime d'abord, celui de l'accusé ensuite. Et c'est à la fin des plaidoiries que le devoir me prend à la gorge, qu'il va falloir que je face le juste choix en fonction uniquement de ce que j'ai pu percevoir de la situation que l'on vient de me conter. Difficile de se retrouver assis là, à les écouter, parler, pleurer, et à moi reviens le fait de déclarer ainsi une sentence.

- Mademoiselle, je vous remercie de vous êtes exprimée parce que c'était nécessaire. Nous ne remettons pas en question votre souffrance mais notre client n'a pas la même perception des choses. 

Le marteau à la main, j'obtiens le silence dans la salle. Dans ma longue robe noire, je deviendrais presque le maître des lieux, le tout-puissant l'espace de quelques instants, si ce n'est que mon jugement pourra condamner ou pas une vie. Je sens qu'une vie est déjà condamnée, que faire de l'autre. J'ai écouté tous ces gens s'agiter devant ma scène, à plaider le bien ou le mal. Même si ici, il est souvent question de mal. Toujours même, je devrais dire. Au tribunal, les âmes s'y retrouvent perdues. Elles sont anéanties, ou tentent parfois de se reconstruire. Et la peine y a souvent sa place. Pourtant il faut parfois prendre des décisions en fonction de la perception des choses humaines, des actes aux lourdes conséquences. 

lundi 15 avril 2024

Kurt Cobain n'est pas mort


Catherine pour son quatorzième anniversaire reçoit en cadeau de la part de ses parents un roman, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée... Le programme est presque annoncée ainsi dans ce roman initiatique de l'adolescence, apprendre la vie de ses propres moyens, toutes expériences autorisées dans le Chicoutimi-Nord, là où il fait ben frette une grande partie de l'hiver. La meilleure période, celle des campes au fin fond des bois, autour de la chaleur d'un feu et d'une bouteille de vodka qui circule de mains en bouches, premières baises, premières drogues.
 
"Le matin de ma fête, mes parents s'étaient chicanés. Mon père était rentré à quatre heures du matin. Il était aux danseuses avec des clients. Ma mère était en beau maudit. Elle haissait ça, les danseuses. C'était juste des crosseuses qui prenaient tout l'argent des gars dans le bar. Mon père a dit à ma mère que c'était à cause de ses clients qu'il s'était ramassé là. C'était tout le temps la même affaire. Les gars de Montréal voulaient y aller quand ils venaient au Saguenay sans leur femme." 

Pis, Catherine pour son quatorzième anniversaire se rend chez le coiffeur. Elle veut les cheveux de Mia Wallace dans Fiction Pulpeuse. Des cheveux noirs comme la nuit sans lune, elle est belle, elle fait dix-huit ans au moins, Pascal va la regarder et pis Keven aussi qui va la regretter. Tout le monde autour va halluciner, même Marie-Êve. Les gars sont beaux, et elle aussi maintenant. Comme dans les films en noir et blanc. Comme les lagopèdes à queue blanche.
 

lundi 8 avril 2024

Les tourments du río Negro

 

A Resistencia coule un long fleuve tranquille. Un père et un fils s'y retrouve pour un week-end, la mère s'est éclipsée de la demeure familiale pour un congrès. C'est l'occasion parfaite donc pour le père d'essayer de retisser des liens avec ce bêta d'ado, gras et timide qui passe sa vie sur le canapé à regarder les Simpson ou je ne sais quelle autre télénovela. Peut-être même, l'idée lui passe par la tête, de lui parfaire son éducation sexuelle. Allez petit, invite ta copine pour la soirée, même si c'est pas encore ta copine, avec les jeunes de maintenant, on ne sait plus qui et qui et qui fait quoi... La belle Mariel, au nom du père et du fils.
 
Et la soirée commence plutôt bien, le sourire de Mariel, ses longues jambes, sa poitrine qui se dresse fièrement sous son chemisier. Elle furète dans la collection de 33 tours vintage, s'entiche de Caetano Velaso, ce chanteur brésilien à la voix de velours qui faisait chalouper les culs de ces femmes du río Negro. Quelle femme, quelle jeune fille même, pourrait y résister. Surtout à cette heure de la soirée, quelques bières, à part le gamin fermé sur lui-même qui ne veut qu'un coca, pauvre jeunesse, s'en suivent un, plutôt trois, verres de whisky. Heureusement, Mariel, plus libérée que son rejeton, le suit dans la chaleur de cette nuit. Il sort son joint, de la bonne herbe à partager, réserve spéciale sortie du frigo, quelle sourire elle a Mariel, un sourire à faire bander n'importe quel homme, n'importe quelle âme du bord du río Negro. Un ou deux tranquilisants, pourquoi pas, et puis là, survient l'impensable. L'inimaginable même. L'effroi. Ou la petite boulette de la soirée...
 

dimanche 31 mars 2024

?


Dans un endroit dont je tairai le nom, sous le regard amoureux de la lune, je regarde le silence et au milieu coule une rivière. Elle fait des s, comme un serpent serpente ; elle fait des l, comme si l’eau volait de ses propres ailes ; elle fait même des c, comme les courbes de cette femme qui se baigne nue dans l’eau froide de celle-ci faisant frétiller la queue des carpes et des truites. Et si je prends du recul, que je grimpe sur le rocher là-haut en guise de promontoire, je vois que la rivière dessine un ? dans le paysage ce qui me fait dire qu’elle m’interroge. Sur ma condition, sur l’art de la pêche, sur ma vie. Sur moi, tout simplement. La rivière philosophe pendant que les poissons filent entre les remous et que le pêcheur fait voler ses mouches au-dessus de l’eau. « La rivière pourquoi ».
 
« Il faisait frais pour un mois de juillet, mais à l'est, le ciel clair aux reflets rosés annonçait le retour prochain de la chaleur. Des lambeaux de brume s'accrochaient aux arbres de la Tamanawis Mountain, pareils à des troupeaux de moutons informes paissant dans les feuillages. Un escadron de canards surgit en grondant, prêt à bombarder les poissons ennemis. Un grand héron bleu tournoya au-dessus de moi, cornant comme une vieille limousine volante à la transmission asthmatique. Pourtant, le ciel et ses habitants n'étaient rien pour moi : mon regard ne s'intéressait qu'à l'eau. A bord d'un canoë, on ne se contente pas de descendre une rivière : on en fait partie, on devient une créature aquatique silencieuse qui réagit à chaque accélération, à chaque modification du courant, et qui glisse comme un doigt sur un corps nu et vert. Et comme on ne fait pas de bruit, on voit le cerf s'abreuver, les castors travailler, les petits rats musqués et les canards bavards, tout ce qu'on ne voit presque jamais en se baladant le long des berges. Mais lorsqu'au détour de la rivière, je suis tombé sur une biche et ses deux faons en train de boire, quelle a été ma réaction ? Eh bien, je me suis tourné vers la rive opposée, vers un remous prometteur. Mon obstination a été récompensée d'une truite indigène de près de trente centimètres à qui j'ai tordu le cou aussi facilement qu'on dévisse une capsule de bière, pendant que les faons, ces animaux qu'on ne pêche pas, dansaient et chancelaient sur leurs pattes grêles, tendaient et remuaient les oreilles, tordaient leurs truffes noires et humides et agitaient leurs petits bouts de queue au seul bénéfice des cheveux qui couvraient ma nuque. »

lundi 18 mars 2024

Paix Dieu et Amour


« Pour expliquer la vie au monastère, il faut avant tout mentionner le silence. Pendant mes années passées ici, j'ai appris que le silence n'était pas seulement le calme ou l'absence de bruit. Au contraire, il s'agit plutôt d'une écoute très attentive. Le silence est nécessaire pour percevoir le bruit au-delà du bruit, la sensation au-delà de la sensation. »
 
Sous le regard de la lune, pleine et bleue, contemplant le silence, je me remémore la vie de Frère Jean. Il y a des vies que l'on n'oublie pas, comme des instants de bonheur venus éclaircir votre horizon. Frère Jean est là devant moi, dans sa robe monacale. Il est vieux maintenant, plus le genre à monter sur une échelle. Pourtant, il a encore la mémoire vive et les souvenirs douloureux. Oui l'amour fait mal. Il cogne, il frappe quand on ne l'attend pas. Il fait se poser des questions, puis il disparaît le jour, un jour, pour revenir chaque nuit, une vie. 
 
« Le silence ressemble à un miroir sombre qui parvient à révéler les os et la chair même à travers plusieurs couches de vêtements. D'une certaine manière, c'est quelque chose de redoutable. Lorsque je décidai de prendre l'habit de moine, j'étais plein d'admiration pour ce calme, mais je n'avais pas imaginé qu'il possède un tel pouvoir. Je ne me souviens pas précisément, mais il me semble que je me retournai alors timidement vers la gare. Le sifflet de mon train qui repartait me parut irréel. J'eus le sentiment d'avoir laissé ma courte jeunesse dans ce train, avec le bruit, mes peurs, joies, dégoûts, angoisses, pleurs, envies, jalousies... Comme je posais un pied dans le long couloir plongé dans la pénombre, j'aperçus furtivement mon âme toute nue par l'entrebâillement des rideaux du vacarme. »
 

mercredi 13 mars 2024

Cette indécence à ne pas mourir

 Dans le Japon d'après-guerre, vieillir n'est pas vraiment bien vu. Surtout qu'à quatre-vingt six ans, que faire de la grand-mère encombrante ? Surtout quand celle-ci semble avoir atteint l'âge des méchancetés. Oublier la bonne éducation d’antan, oublier la philosophie de Confucius, la vieille fouille dans les tiroirs et chaparde tout et n'importe quoi. Elle semble dormir la journée, et avoir le regard vide la nuit, effrayant, surtout quand on se lève pour aller pisser et qu'elle fait un boucan pas possible pour retrouver la porte de son petit coin... En plus elle pue la vieille, quand elle s'oublie et se pisse dessus - vous, marchant en plein dedans -, elle sent la merde, elle sent l'urine. Non, il est vraiment temps de se débarrasser de la grand-mère.  
 
"Vraiment, grand-mère, vous êtes un cancer. A cause de vous seule nous ne pouvons pas vivre en bonnes relations entre sœurs. Vous-même, d'ailleurs, vous n'auriez pas pensé que vous serviriez seulement à empoisonner nos relations en vous laissant aller à vivre trop longtemps, non ?"
 
 En plus, alors que tout le pays est rationné, la vieille veut toujours plus de boulettes de riz. Elle croit qu'on la rationne, alors que tant de gens seraient encore contents de récupérer les quignons de pain qu'on lui donne. A quatre-vingt six ans, avec juste la peau et les os, pourquoi a-t-elle encore besoin de faire trois repas par jour. Et encore, quand elle les fait, elle ne se souvient même plus d'avoir déjeuner ce midi. Non, grand-mère t'es une vraie plaie, je te refourgue chez la cadette, là-bas dans les montagnes, sans électricité, tu verras si tu seras mieux traitée... 
 

jeudi 7 mars 2024

Une Molaire Cassée

Ivar Schute est archéologue. Là où certains rêvent de pyramides égyptiennes, de cités englouties ou de pierres incas, Ivar garde malheureusement bien les pieds sur terre. Sous terre, devrais-je même dire, le propre de son métier, de sa passion. C'est bien dans son propre pays qu'il commencera ses recherches et se spécialisera dans son domaine de prédilection : les camps ou les anticamps. Camps de travail dans son pays, les Pays-Bas, Westerbork pour commencer, avant d'être appelé sur des camps de concentration en Allemagne, Bergen-Belsen, poursuivant toujours plus vers l'Est et les camps d'extermination de la Pologne, Treblinka, Sobibór... 

La question qui me vient à l'esprit immédiatement, c'est pourquoi et comment. A la pourquoi, ce sont en priorité des fondations ou des gouvernements qui veulent créer un mémorial, sur les fondations même de ces camps et qui souhaitent ainsi déterrer un peu de cette sombre histoire pour ne pas l'oublier. A la comment, l'auteur laisse quelques bribes par ci par là. Il évite de trop s'impliquer, et pour cela se concentre sur la terre et ses artefacts, tous ces bouts d'objets humains enfouis sous des décombres de terre et de poussière. Alors le soir, ils boivent tous des bières ensemble, rigolent et écoutent Can ou Kraftwerk. D'ailleurs, je fais pareil, bien que je sois loin d'Auschwitz.. En binant mon jardin, pinte de bibine à la main, je découvre une molaire cassée. Point final de mon histoire. Une autre molaire cassée, découverte par Ivar, raconte une toute autre histoire, surtout si elle a été déterrée à proximité d'une chambre à gaz.
 
« Treblinka est qualifié de camp d'extermination, mais s'agit-il bien d'un camp à proprement parler ? A Treblinka, on n'emprisonnait pas les gens, on les assassinait. En ce sens, il conviendrait plutôt de parler d'anticamp. L'image classique d'interminables rangées de baraques, de plaines infinies et de vastes groupes de prisonniers ne tient pas : Treblinka était petit et compact. Il n'y avait que quelques baraques, car seul un nombre très restreint de travailleurs forcés y vivaient, chargés de confisquer les possessions des victimes. Le reste du camp : une chaîne de destruction qui menait à une mort anonyme. »

samedi 2 mars 2024

Blue Budd


« Ce que personne n’a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, autour d’une bière fraîche, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, ce poids, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les écoliers, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n’a pu savoir, c’est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise.»

Que s’est-il passé ce jour-là pour Thomas Hogan, dans ce coin reculé d’une Amérique profonde au temps trépassé ? Personne ne le sait. Personne n’a jamais su… Spoiler Alerte : j’ai croisé Thomas au Blue Budd, des tables de poker, des courtisanes à la poitrine dressée fièrement, des crachats et des tabourets cassés, des bouteilles de bières et quelques verres d’alcool de poire… Fin du spoiler alerte. Tu peux retourner au frigo te chercher une nouvelle bière sans attendre, sans perdre le fil.

Ce fil que tu tiens et déroule sur le comptoir collant du Blue Budd se coule sur plusieurs années. Tu suis Thomas depuis sa plus tendre enfance qui ne fut guère tendre, avec un père William entre violence et absence et qui mordra rapidement la poussière, le cœur éteint au milieu de la sciure de bois de la scierie locale, le lieu où tous les gros bras du coin travaillent avant de finir dans la pénombre du bar. Tu croises quelques personnes gravitant autour de cette maison délabrée, qu’un vent de mystère souffle, sa mère Mary, le vieux doc O’Brien, la belle Donna… Un fil qui te fait dire que de toute façon l’histoire va mal finir pour Thomas le maudit, et qu’avant de poursuivre le fil de mes idées, tu retournes vers la porte du frigo pour te décapsuler une autre bière…

mardi 27 février 2024

Le Viking du Salvador


Si tu vas à San Salvador, Va voir la servante Qui sait lire dans les yeux du sort Aussi dans les flammes. Elle te dira des mots très forts Comme les tambours Qui dansent sur la terre des morts Juste avant le jour.

Si tu restes à San Salvador, Va voir le Viking. Il vit dans son passé d’ex-catcheur et n’hésite pas à se remémorer ses faits de gloire à l’époque où ses combats n’étaient pas encore télévisés. Recyclé dans la police politique, il erre dans les rues, l’air d’un chien errant, bouffé par ses intestins, une haleine qui put déjà la mort, le visage dégoulinant de sueur mortifère.

« Il a peur d'être mis en congé d'office, renvoyé chez lui.
- T'es vraiment trop con, Viking, lui dit le Chicharron en redémarrant. Tout le monde sait que tu es en train de crever.
Il voudrait chercher un chiffon sous le siège pour essuyer le pistolet, mais il reste là, affaibli, incapable du moindre geste ; rien que la nausée, la fièvre, la brûlure au fer rouge dans le ventre, et à nouveau cette bave pourrie dans la bouche. »

Si tu visites San Salvador, n’oublie pas de descendre dans les cachots du Palais Noir, la répression signe sa torture, les subversifs lancent des bombes contre ses façades. Maria Elena qui devait faire le ménage chez le petit-fils de son ancien patron note la disparition de sa famille et va s’entêter à trouver ce qui a pu lui arriver… La servante va donc se rapprocher du catcheur, qui lui aussi a disparu lors d’une échauffourée… 

samedi 24 février 2024

Bela Legusi est mort


Aux détours d’une rue de Buenos Aires, je découvre La Forteresse, une librairie d’occasion où je m’y plais à fureter dans un joyeux bordel semi-organisé afin d’y dénicher la perle rare, un roman d’un auteur argentin que je ne connais pas encore, par exemple ce jeune Pablo de Santis. Là-bas, le gars, Santiago Lébron, qui achète, vend et surtout répare des machines à écrire me conseille, et m’offre un verre… Pas une Quilmes, dont j’aurais pourtant bien eu besoin pour étancher la soif après quelques déambulations littéraires en Amérique du Sud. Ni même un Bumbu ou un maté. Non, il me propose un élixir couleur sang, qui parait-il selon les mythes propose l’éternité. 

« J'ai appris qu'une librairie doit se protéger autant de l'ordre que du désordre. Si elle est trop chaotique et que le client ne peut s'y orienter seul, il s'en va. Si l'ordre est excessif, le client a l'impression de connaître la librairie de fond en comble et que rien ne le surprendra. Et il s'en va également. Il faut songer que les librairies de livres d'occasion n'existent que pour les lecteurs qui détestent poser des questions : ils veulent trouver par eux-mêmes. De plus, ils ne savent jamais ce qu'ils cherchent ; ils ne le savent que lorsqu'ils l'ont trouvé. Dans La Forteresse, je laisse coexister des principes de classification contradictoires : ainsi, un mur est réservé à l'ordre alphabétique, un autre aux livres rares, un troisième aux récits de voyage ou aux classiques. Mon rayon favori est celui des œuvres dépareillées : un tome II des ‘Démons’, de Dostoievski, ‘Albertine disparue’, de Proust, l'appendice du dictionnaire étymologique grec de Lidell-Scott, le tome Ill de ‘Cœur de jade’, de Salvador de Madariaga... Ces livres, qui sont des rossignols, provoquent pourtant de temps en temps un petit miracle quand se présente un client à qui il manquait précisément ce tome-là. C'est agréable de voir que parfois, dans le puzzle du monde, une pièce finit par trouver sa place. » 

mercredi 21 février 2024

L'Eternel et Johnny Cash à l'arrière d'une Trabant


Il est là, assis sur une couverture, à l'ombre d'un vieil arbre dans ce parc de Londres. Paul McCartney a sorti un roman de son sac et tourne ainsi quelques pages en tendant l'oreille par moment sur la musique des oiseaux. Quel roman cela pourrait être, se demande l'auteur. Un roman islandais, peut-être. Un roman de lui-même ? La claque... Paul, le héros de sa jeunesse, il l'a accompagné tout au long de sa vie, qui lit un de ses livres. Mais comment oser l’aborder après ça ? Il a croisé souvent le regard de Paul, dans les étapes clés de sa construction d’écrivain, comme dans ce bus qui l’a emmené dans le Nord de l’île pour des vacances d’été, la bande des quatre assis au fond en train de composer de nouvelles musiques, une foire pas possible.

« Nous finissons par atteindre le bout du chemin, quoi que nous puissions faire, parce que tout a une fin. Les voyages, les baisers, les tasses de café, les désaccords, les randonnées, les bières, les étés, les angoisses, les journées de travail, 
la vie, 
et aussi le crayon à papier qui écrit ces lignes - il se consume peu à peu, c'est inexorable. Tout comme moi qui suis assis à la fois à Londres, dans l'herbe inondée de soleil, tout près de McCartney, avec la Trabant, l'Éternel et mon père entre nous, et ici, penché sur le vieux bureau de mon grand-oncle maternel, le poète capable de changer les mots en systèmes solaires, les phrases en voies lactées. Nous nous consumons tandis que le souffle du monde entre par la fenêtre : le ronronnement de la circulation, le chant douloureux des cygnes qui voguent à la surface de l’étang de Tjörnin tels des îlots couverts de neige, les cris des sternes arctiques, les trilles des oiseaux, la voiture qui passe devant la maison, la jeune fille qui tousse à l'étage d'en dessous, les résultats des élections dans deux pays, d'antiques tablettes d'argile exhumées des sables d'Irak, la Terre saccagée qui tourne sur elle-même et poursuit sa révolution autour du Soleil, emportant à son bord l'être humain, l'hymne à la vie, le plus destructeur des nuisibles, le plus cruel des prédateurs. »

lundi 19 février 2024

Une mort à l'argentine


"J'avais promis de t’écrire pour tout te raconter mais depuis des jours je tourne en rond, j’écris et je jette. Une lettre comme celles d'autrefois : j’aime écrire à la main. Il y a si longtemps que je voulais t’écrire, mais impossible de laisser quelque chose qui pourrait tomber entre leurs mains. Les lettres se nouent et forment des mots dans ma tête. Bruissent. J'aime ce chuchotement de la plume sur le papier. Elle le caresse, l’égratigne, fait surgir des mots cachés, prisonniers. Comme ces noms que je comptais sur les doigts de la main gauche : ceux des nôtres, et sur la main droite ceux de nos ennemis. Des noms que je répétais sans cesse, comme une lente litanie, une prière païenne. Je m’en souviens encore et il y aura bientôt vingt-sept ans, depuis ce 16 septembre 1976 où j'ai commencé à les mémoriser. "
 
Une femme noyée est retrouvée sur la plage près de Saint-Nazaire, Médecin sans histoire, et sans passé, la piste la plus évidente est le suicide ? Muriel, une jeune journaliste qui veut faire sa place dans sa nouvelle rédaction régionale, aidée d'un ami et de la vieille voisine de la victime va tenter de percer le mystère de cette mort. Une mort qui n'est pas vraiment un suicide, mais une mort qui ne semble pas trop intéressée les autorités locales, une mort à l'argentine...
En effet, elle semble avoir été jeté d'un avion à la mer, vivante et anesthésiée, ce qui ressemble fort à ces vols de la mort de la dictature argentine...
 

mercredi 14 février 2024

Nuancier

Pourquoi se contenter de nuances de gris, alors qu’on peut caresser du regard le velours coloré de la passion. Du fauve, du Béluga, du bleu d’orage, c’est un nuancier de couleurs primitives qui se déshabillent sous tes yeux, qui déshabillent mon âme. 

Du rouge couleur Saint-Amour au carmin grand cru, je bois cette poésie de ma gorge asséchée par tant de passions oubliées. Un nu clair, sous le clair de lune, le verre se déverse entre les seins de l'Amour.  

mercredi 31 janvier 2024

Lycée Noir, Lycée Blanc

 

« NOTE HISTORIQUE 

Le 21 juin 1974, statuant dans l'affaire Morgan contre Hennigan, le juge fédéral W. Arthur Garrity Jr décida que le Comité de l'Enseignement Public de Boston avait "systématiquement désavantagé les élèves noirs" dans les établissements scolaires. La seule façon de remédier à cette situation, concluait le juge, était de transférer quotidiennement en bus des enfants des quartiers majoritairement blancs vers des écoles des quartiers majoritairement noirs, et inversement, afin de mettre un terme à la ségrégation dans les lycées publics de la ville. »

C’est donc dans cette ambiance d’un été 1974, juste avant la rentrée scolaire, que débute cette histoire, au cœur du « busing ». La tension raciale est palpable dans la chaleur suffocante de Boston. Mary Pat attend sa fille de dix-sept ans, Jules, qui n’est pas réapparue depuis 48 heures. Tiens, sa disparition remonte à la découverte du corps d’un jeune noir dans le métro, station blanche. Les quartiers de Boston sont bien quadrillés entre les noirs et les blancs, et comme pour les écoles, le mélange est mal vu, mal venu. Il n’engendre qu’inquiétudes et problèmes. Lycée noir, lycée blanc, ça sonne comme Ville noire, ville blanche...

« Elle a trouvé une station sur sa radio - WJIB - qui ne passe que de la musique classique et elle l'écoute en permanence. Elle ne la ferme même pas quand elle va se coucher (non qu'il y ait beaucoup de sommeil dans sa vie ces jours-ci). Depuis son enfance, elle a toujours été fan du hit-parade, jamais d'un groupe en particulier, juste de la musique du jour. Cet été, elle a adoré Rock the Boat, Billy Don't Be a Hero et sa préférée, Don't Let the Sun Go Down on Me. Mais à présent, toutes ces chansons lui paraissent stupides parce qu'elles n'ont pas été écrites en ayant à l'esprit quelqu'un comme elle. Même ces paroles "Tout perdre, c'est comme si le soleil se couchait sur ma vie" lui semblent insuffisantes, parce que tout perdre, ce n'est pas comme si le soleil se couchait sur sa vie, c'est comme si une bombe atomique avait explosé à l'intérieur d'elle-même, et maintenant elle fait partie du nuage en forme de champignon, mille petits fragments d'elle se désintégrant et voltigeant dans l'espace, dans mille directions différentes. »

dimanche 28 janvier 2024

Mes Nuits avec Anna Karénine


Voilà dix-sept nuits que je ne dors plus. L'oreiller est crevé, j'ai du rêver trop fort.
Dix-sept nuits, dix-sept ans, peu importe, au bout d’un moment je m’y suis habitué. Après tout, ce n’est pas la fin des temps.
Alors les yeux rivés sur la lézarde du plafond, je me lève, vais au salon, me sert un verre de cognac.
Y’a une lune dans ma rue, et je n’ai pas sommeil. Alors je prends un livre, un peu au hasard, sur une étagère de ma bibliothèque. J’en prend un gros, celui qui en temps normal me tomberait des mains, mais là j’ai toute la nuit. Tolstoï, Anna Karénine.   

« Je n'avais absolument pas sommeil. 
Allons bon ! Vraiment pas, mais vraiment pas sommeil. 
Et si je lisais un livre pour m’endormir ? Je suis allée dans la chambre, ai choisi un livre sur une étagère. J'avais allumé la lumière pour chercher, mon mari n'a même pas tressailli. Je me suis décidée pour Anna Karénine. J'avais envie de lire un long roman russe. J'avais déjà lu Anna Karénine une fois, voilà bien longtemps, lorsque j'étais au lycée si je me souviens bien. Mais je ne me rappelais pratiquement pas l'intrigue. Je me souvenais de la première phrase, et de la fin, quand l'héroïne se jette sous un train. « Il n'y a qu'une sorte de famille heureuse, mais aucune famille malheureuse ne ressemble à une autre. » »

samedi 20 janvier 2024

Le Bus pour Montgomery


 Prenez une profonde inspiration, soufflez, et suivez ma voix… Désormais vous êtes noir, un noir de l’Alabama dans les années 1950. Vous pourriez jouer de la trompette ou du saxophone, dans un club de jazz. Non à la place, vous êtes dans un bus à Montgomery, dans ce qu’on appelle encore la Cotton Belt, et vous n’êtes pas à votre place. Parce que cette place elle est pour ce blanc qui veut s’asseoir et qui attend debout que vous leviez votre cul sale de ce siège, sale nègre, parce qu’il est hors de question qu’un blanc reste debout dans ce bus, sale pute noire. D’ailleurs le chauffeur vous regarde du mauvais regard à travers le rétroviseur, lui aussi attend prêt à soulever son bras du levier de vitesse pour attraper sa winchester, comme dans un bon vieux western. Tout le monde attend. Jusqu’à ce qu’on fasse intervenir la police pour vous embarquer. Voilà ce qu’est prendre le bus à Montgomery, Alabama, dans les années 1950, lorsque vous êtes noir.  

« Écoutez ma voix et avancez encore. A présent, c’est comme si vous alliez dans le recoin le plus obscur, comme si vous marchiez dans l'endroit le plus reculé que vous puissez imaginer, plus loin que loin, car, désormais, vous êtes noire. Ça n'est pas seulement le féminin de noir, c'est le bout de la travée, c'est l'oppression ultime. Vous êtes une femme, donc moins qu'un homme, et vous êtes noire, donc moins que rien. Qu'y a-t-il après la femme noire ? Personne n'est revenu pour le dire. Dans cette voiture qui roule vers on ne sait où, les policiers insultent Claudette Colvin. Ils la tutoient, bien sûr. Ils disent « sale nègre », bien sûr. Ils disent aussi « sale pute noire », parce que c'est une femme et que c'est ce qu'on dit quand on veut souhaiter le pire à une femme, c'est toujours par là que ça passe, par le sexuel jeté au visage, par le déshonneur. Plus de vertu, plus de morale, plus rien à respecter. « Sale pute noire !» Qu'y a-t-il après la pute noire ? Claudette Colvin n'en sait rien, elle prie en silence pour qu'on ne lui fasse pas toutes ces choses dont elle a entendu parler. Elle est dans la situation la pire qui puisse arriver à une femme noire de l’Alabama, être seule dans une voiture de police. »

mercredi 17 janvier 2024

Crimminser un été 65


Au petit déjeuner, pancakes imbibés de sirop d’érable. A la radio, de bon matin, les Rolling Stones, Satisfaction, un été 1965. Ça te réveille et te met même dans les meilleures conditions pour attaquer cette longue journée. Flash info, après la météo caniculaire, en ce 14 juillet, deux enfants ont disparu. Quelques jours plus tard, on retrouve leurs corps dans deux terrains vagues différents. Sous les flashs crépitant des journalistes, menottée comme une criminelle, Alice Crimmins est amenée au poste de police du Queens, New-York. Alice, la mère. 

Je ne sais pas pourquoi mais les premiers soupçons sont uniquement dirigés vers la mère, et ce, dès les premiers pas de l’enquête. L’enquête, le mot est peut-être un peu trop fort pour définir ces premiers jours après la découverte des corps.

C’est le second True Crime de ces éditions 10/18 – Society que je lis. Le précédent L’Affaire du Golden State Killer ne m’avait pas vraiment bousculé, une succession de meurtres en Californie, mais au final, je m’étais perdu dans tous ces faits et lieux. Par contre, délaissant la Rancho Cordova pour le Queens, j’ai pris énormément de plaisir à découvrir l’Affaire Alice Crimmins. En plus de l’aspect purement criminel, enquête policière ou journalistique, je me retrouve plongé dans l’ambiance de cet été 65, au cœur de la pensée de l’époque, celle d’une police patriarcale pour qui une mère, qui est belle, qui boit plusieurs verres le soir, qui a plusieurs amants, divorcée, deux enfants, et qui ne semble pas pleurer leurs morts est forcément coupable. L’atmosphère d’un été 1965.  

« "Une serveuse de cocktails rousse et attirante", "une femme bien proportionnée" lit-on ici et là. Au fil du temps, Alice Crimmins devient, dans les journaux, une "femme au foyer du Queens à la moralité de hamster", puis "une Circé, une femme amorale". Elle s'évanouit ? On se moque : elle l'a forcément fait exprès, pour éviter de devoir s'expliquer. Elle ne pleure pas assez ? On s'offusque : une mère qui ne pleure pas ne peut pas être tout à fait innocente. »
 

dimanche 14 janvier 2024

Les Misérables

Cela fait quelques années que je ne m'étais pas promené en terre catalane, pour boire une bière fraîche sur une terrasse ombragée à regarder le cul des catalanes ou le sourires des andalouses. En attendant Penelope Cruz, qui sait, venue s'aventurer dans mes fantasmes ou mes souvenirs, je m'installe pour déguster un bon polar, premier d'une trilogie, signé d'un maître de la littérature espagnole, découvert avec Les soldats de Salamine et surtout établi au zénith de mes écrivains avec A la vitesse de la lumière, un chef d’œuvre. 
 
A toi, venu t'asseoir à la table d'à-côté, bienvenue donc en Terra Alta... 
 
"Suite à l'assassinat de sa mère, Melchor abandonna les ateliers qu'il fréquentait et arrêta toute activité sportive sur les terrains de la prison. II se replia sur lui-même. Il prit du poids. Il ne parvenait plus à dominer ses pensées, aussi ses pensées le dominèrent-elles, des pensées morbides et immuables, obsédé qu'il était par ce qui était arrivé à sa mère ou par ce qu'il imaginait lui être arrivé. Les deux seules activités qui soulageaient en apparence son obsession étaient précisément celles qui l'alimentaient le plus : parler avec Vivales et lire Les Misérables, qui durant ces jours de deuil cessèrent d'être pour lui un roman pour devenir autre chose, quelque chose qui n'avait pas de nom ou qui en avait beaucoup, un vade-mecum vital ou philosophique, un livre oracle ou sapiential, un objet de réflexion à explorer tel un kaléidoscope infiniment intelligent, un miroir et une hache. Melchor pensait souvent à Mgr Myriel, l'évêque qui fit de Jean Valjean M. Madeleine, le saint persuadé que l'univers est une immense maladie dont le seul remède est l'amour de Dieu, il pensait à l'évêque et se disait qu'il était vrai que l'univers est une maladie, comme le croyait l'évêque, mais que, contrairement à l'évêque, il vivait dans un monde sans Dieu et que dans ce monde il n'y avait pas de remède contre la maladie de l'univers. Bien évidemment, il pensait à Jean Valjean et à sa certitude que la vie était une guerre et que dans cette guerre, c'était lui le vaincu et les seules armes à sa disposition, les seuls carburants, étaient le ressentiment et la haine, et il sentait que Jean Valjean c'était lui, ou qu'il n'y avait aucune différence essentielle entre eux deux."

jeudi 4 janvier 2024

Frappe-à-bord


Frappe-à-bord ou frappabord
n.m.
[1874] Au Québec, nom générique donné à diverses variétés de mouches piqueuses. Surnommées également taon à cheval, mouche à cheval, mouche noire ou mouche à chevreuil, on dit qu’elles frappent d’abord leur victime avant d’arracher une parcelle de peau pour se nourrir de sang. [Genre Chrysops ; famille des tabanidés.]

Bzz… Tsss… j’imite mal la mouche… pourtant je suis là, à roder autour de ta tête, cette musique énervante, prêt à plonger sur ton corps, te lacérer un morceau de peau avant de te pomper quelques gouttes de sang. Que tu sois bucheron au sang imbibé de sueur et de caribou, ou fille de McGill au sang chaud et à la mini-jupe en poil de castor. Je prolifère dans cet été trop chaud pour le Québec, on pourrait se croire à Cancun, volant en nappe noire et se jetant sur ces proies faciles. La population s’exaspère de ces nuées sauvages, amenant des accès de fièvre et de rage.

« Par habitude, il active les essuie-glaces pour laver les traces d'insectes écrasés sur son pare-brise, mais de grandes souillures de sang mélangées avec une substance jaunâtre épaisse barbouillent à présent sa vitre. Contrarié, il éteint le moteur et sort de sa voiture. Avant de franchir le seuil de la porte du centre, il inspire profondément, et retient son souffle. Théodore éprouve une haine viscérale envers cet endroit. Il a toujours été extrêmement mal à l'aise avec l'idée de voir des gens mourir. Que dire de l'odeur de merde aseptisée qui plane partout ? Ça le prend aux tripes. De retour chez lui, il en a pour plusieurs jours avant qu'elle ne le quitte complètement. Elle semble s'agripper désespérément à lui avec des griffes acérées. Lorsqu'il pense l'avoir neutralisée avec du savon parfumé, l'odeur revient en force. Maintenant qu'il approche de l'âge auquel ses parents ont perdu la vie, Théodore ressent une angoisse sans nom l'envahir chaque fois qu'il se trouve à proximité de l'hospice ; elle continue de croître, croître, croître. Un jour, il redoute qu'elle n'occupe tout l'espace en lui. Rendre visite à son grand-père sur ses derniers milles ne contribue en rien à apaiser cette anxiété. La mort surgit à chaque tournant. »

lundi 1 janvier 2024

The Carver's American Way of Life


 « Mon mariage venait de capoter et j’étais sans travail. J’avais bien une petite amie, mais elle était en voyage. Si bien que j’étais dans un bar, devant un demi de bière. Deux bonnes femmes étaient assises à quelques tabourets du mien, et voilà qu’une des deux s’est mise à me parler. »

C’est la fin de l’année, ou le début de la nouvelle, je ne sais plus… Et si je sortais une bonne bouteille de whisky. Et si je sortais un bon bouquin américain. Et si je sortais justement un recueil de nouvelles de Raymond Carver. Carver, Ça fait longtemps que je n’ai pas lu Raymond. Je sens que c’est ce qu’il me faut pour accompagner mon Smoke Stack, je souffle sur la poussière qui s’envole des pages de mon bouquin, retombe au pied de mon verre au goût fumé. Voilà je suis en Amérique, une Amérique d’un autre temps certes, mais les « charmes » de la vie américaine à la sauce Carver opère toujours avec moi.

« Tais-toi, je t’en prie », supplie-je. Le silence s’impose pour écouter les battements de cœurs qui cognent dans ces maisons pavillonnaires. Lorsque les volets se ferment. Ou lorsque la porte s’ouvre pour récupérer une bouteille de lait. Dis, c’est quoi cette bouteille de lait. Ecoute petit, oublie le lait, viens lire avec moi ces histoires, de couples, d’enfants ou de chiens. Il y en a pour tous les goûts, et même si tu n’aimes pas le fumé de mon whisky. Comme il y en a pour toutes les vies, du moment qu’elles soient ordinaires. Et si je mettais un 33 tours de Tom Waits ?