Gare d’Austerlitz, le billet en poche. Salle de départ aux alentours de 20h et des poussières, direction Briançon, arrivée prévue 7h53 au petit matin. J’imagine déjà la neige voletant sur le quai de gare, comme un salut à mon arrivée. Une nuit, tranquille, au rythme du tchou-tchou nocturne et répétitif, sans trop faire de bruit, du silence pour tourner les pages de mon roman, une petite fiole de whisky embarquée dans la double poche de mon blouson. Philippe Besson sera de ce voyage, Valence le premier arrêt du train, une ville endormie au cœur de la Drôme, un joli coin de silence et de rêves oubliés. Valence, personne sur le quai, je ne descends pas et continue mon périple jusqu’au bout de la nuit. Blue Train.
« Il est 23 heures largement dépassées. La nuit est très profonde et aucune lueur ne vient la contrarier. L’Intercités traverse une France inhabitée, des champs à perte de vue ou des forêts dangereuses. »
Prendre le train de nuit est une expérience, l’occasion de faire des rencontres, de lever les yeux de mon livre, de parler peut-être aux « visiteurs » de mon compartiment. Je prends la couchette du bas, je laisse celle du haut à cette jeune femme brune, au sourire éclatant (un parfum de jasmin ?). Elle me branche Coltrane et Weather Report, elle en connait un rayon, la nana, jazzophile. D’ailleurs, c’est la conversation la plus intéressante que j’ai eu depuis des années, des années cantonnées à commenter le bulletin météorologique de la région. Elle enchaîne sur Bashung, lorsque le halo d’un réverbère fatigué illumine les premiers reliefs du Vercors, là où il est question de sauter à l’élastique et de voler des amphores au fond des criques. La nuit, je mens.