mardi 27 février 2024

Le Viking du Salvador


Si tu vas à San Salvador, Va voir la servante Qui sait lire dans les yeux du sort Aussi dans les flammes. Elle te dira des mots très forts Comme les tambours Qui dansent sur la terre des morts Juste avant le jour.

Si tu restes à San Salvador, Va voir le Viking. Il vit dans son passé d’ex-catcheur et n’hésite pas à se remémorer ses faits de gloire à l’époque où ses combats n’étaient pas encore télévisés. Recyclé dans la police politique, il erre dans les rues, l’air d’un chien errant, bouffé par ses intestins, une haleine qui put déjà la mort, le visage dégoulinant de sueur mortifère.

« Il a peur d'être mis en congé d'office, renvoyé chez lui.
- T'es vraiment trop con, Viking, lui dit le Chicharron en redémarrant. Tout le monde sait que tu es en train de crever.
Il voudrait chercher un chiffon sous le siège pour essuyer le pistolet, mais il reste là, affaibli, incapable du moindre geste ; rien que la nausée, la fièvre, la brûlure au fer rouge dans le ventre, et à nouveau cette bave pourrie dans la bouche. »

Si tu visites San Salvador, n’oublie pas de descendre dans les cachots du Palais Noir, la répression signe sa torture, les subversifs lancent des bombes contre ses façades. Maria Elena qui devait faire le ménage chez le petit-fils de son ancien patron note la disparition de sa famille et va s’entêter à trouver ce qui a pu lui arriver… La servante va donc se rapprocher du catcheur, qui lui aussi a disparu lors d’une échauffourée… 

samedi 24 février 2024

Bela Legusi est mort


Aux détours d’une rue de Buenos Aires, je découvre La Forteresse, une librairie d’occasion où je m’y plais à fureter dans un joyeux bordel semi-organisé afin d’y dénicher la perle rare, un roman d’un auteur argentin que je ne connais pas encore, par exemple ce jeune Pablo de Santis. Là-bas, le gars, Santiago Lébron, qui achète, vend et surtout répare des machines à écrire me conseille, et m’offre un verre… Pas une Quilmes, dont j’aurais pourtant bien eu besoin pour étancher la soif après quelques déambulations littéraires en Amérique du Sud. Ni même un Bumbu ou un maté. Non, il me propose un élixir couleur sang, qui parait-il selon les mythes propose l’éternité. 

« J'ai appris qu'une librairie doit se protéger autant de l'ordre que du désordre. Si elle est trop chaotique et que le client ne peut s'y orienter seul, il s'en va. Si l'ordre est excessif, le client a l'impression de connaître la librairie de fond en comble et que rien ne le surprendra. Et il s'en va également. Il faut songer que les librairies de livres d'occasion n'existent que pour les lecteurs qui détestent poser des questions : ils veulent trouver par eux-mêmes. De plus, ils ne savent jamais ce qu'ils cherchent ; ils ne le savent que lorsqu'ils l'ont trouvé. Dans La Forteresse, je laisse coexister des principes de classification contradictoires : ainsi, un mur est réservé à l'ordre alphabétique, un autre aux livres rares, un troisième aux récits de voyage ou aux classiques. Mon rayon favori est celui des œuvres dépareillées : un tome II des ‘Démons’, de Dostoievski, ‘Albertine disparue’, de Proust, l'appendice du dictionnaire étymologique grec de Lidell-Scott, le tome Ill de ‘Cœur de jade’, de Salvador de Madariaga... Ces livres, qui sont des rossignols, provoquent pourtant de temps en temps un petit miracle quand se présente un client à qui il manquait précisément ce tome-là. C'est agréable de voir que parfois, dans le puzzle du monde, une pièce finit par trouver sa place. » 

mercredi 21 février 2024

L'Eternel et Johnny Cash à l'arrière d'une Trabant


Il est là, assis sur une couverture, à l'ombre d'un vieil arbre dans ce parc de Londres. Paul McCartney a sorti un roman de son sac et tourne ainsi quelques pages en tendant l'oreille par moment sur la musique des oiseaux. Quel roman cela pourrait être, se demande l'auteur. Un roman islandais, peut-être. Un roman de lui-même ? La claque... Paul, le héros de sa jeunesse, il l'a accompagné tout au long de sa vie, qui lit un de ses livres. Mais comment oser l’aborder après ça ? Il a croisé souvent le regard de Paul, dans les étapes clés de sa construction d’écrivain, comme dans ce bus qui l’a emmené dans le Nord de l’île pour des vacances d’été, la bande des quatre assis au fond en train de composer de nouvelles musiques, une foire pas possible.

« Nous finissons par atteindre le bout du chemin, quoi que nous puissions faire, parce que tout a une fin. Les voyages, les baisers, les tasses de café, les désaccords, les randonnées, les bières, les étés, les angoisses, les journées de travail, 
la vie, 
et aussi le crayon à papier qui écrit ces lignes - il se consume peu à peu, c'est inexorable. Tout comme moi qui suis assis à la fois à Londres, dans l'herbe inondée de soleil, tout près de McCartney, avec la Trabant, l'Éternel et mon père entre nous, et ici, penché sur le vieux bureau de mon grand-oncle maternel, le poète capable de changer les mots en systèmes solaires, les phrases en voies lactées. Nous nous consumons tandis que le souffle du monde entre par la fenêtre : le ronronnement de la circulation, le chant douloureux des cygnes qui voguent à la surface de l’étang de Tjörnin tels des îlots couverts de neige, les cris des sternes arctiques, les trilles des oiseaux, la voiture qui passe devant la maison, la jeune fille qui tousse à l'étage d'en dessous, les résultats des élections dans deux pays, d'antiques tablettes d'argile exhumées des sables d'Irak, la Terre saccagée qui tourne sur elle-même et poursuit sa révolution autour du Soleil, emportant à son bord l'être humain, l'hymne à la vie, le plus destructeur des nuisibles, le plus cruel des prédateurs. »

lundi 19 février 2024

Une mort à l'argentine


"J'avais promis de t’écrire pour tout te raconter mais depuis des jours je tourne en rond, j’écris et je jette. Une lettre comme celles d'autrefois : j’aime écrire à la main. Il y a si longtemps que je voulais t’écrire, mais impossible de laisser quelque chose qui pourrait tomber entre leurs mains. Les lettres se nouent et forment des mots dans ma tête. Bruissent. J'aime ce chuchotement de la plume sur le papier. Elle le caresse, l’égratigne, fait surgir des mots cachés, prisonniers. Comme ces noms que je comptais sur les doigts de la main gauche : ceux des nôtres, et sur la main droite ceux de nos ennemis. Des noms que je répétais sans cesse, comme une lente litanie, une prière païenne. Je m’en souviens encore et il y aura bientôt vingt-sept ans, depuis ce 16 septembre 1976 où j'ai commencé à les mémoriser. "
 
Une femme noyée est retrouvée sur la plage près de Saint-Nazaire, Médecin sans histoire, et sans passé, la piste la plus évidente est le suicide ? Muriel, une jeune journaliste qui veut faire sa place dans sa nouvelle rédaction régionale, aidée d'un ami et de la vieille voisine de la victime va tenter de percer le mystère de cette mort. Une mort qui n'est pas vraiment un suicide, mais une mort qui ne semble pas trop intéressée les autorités locales, une mort à l'argentine...
En effet, elle semble avoir été jeté d'un avion à la mer, vivante et anesthésiée, ce qui ressemble fort à ces vols de la mort de la dictature argentine...
 

mercredi 14 février 2024

Nuancier

Pourquoi se contenter de nuances de gris, alors qu’on peut caresser du regard le velours coloré de la passion. Du fauve, du Béluga, du bleu d’orage, c’est un nuancier de couleurs primitives qui se déshabillent sous tes yeux, qui déshabillent mon âme. 

Du rouge couleur Saint-Amour au carmin grand cru, je bois cette poésie de ma gorge asséchée par tant de passions oubliées. Un nu clair, sous le clair de lune, le verre se déverse entre les seins de l'Amour.