mardi 27 février 2018

Un Week-end sur Deux

J'aimerais bien comprendre, je ne sais pas ce qu'on leur met dans la tête. 

Un homme face à un juge... Une femme qui accuse... Deux enfants qui ne veulent plus voir leur père. La violence d'un père, mais les preuves manquent, l'homme parait sincère, un air presque de chien battu face à madame le juge. Se repentir, jusqu'à la garde.

Une histoire des plus banales, tellement ordinaire, le divorce d'un couple. D'ailleurs la première séquence est sortie du quotidien d'un juge, une greffière, deux avocats qui plaident la cause de leur client, et les enfants au milieu de ce contrat d'adulte. 

Un week-end sur deux pour commencer. Mais c'est la peur qui [re]commence. Et la tension s'installe pour l'heure suivante. En crescendo. Avec sa bonne bouille, un peu triste, Denis Ménochet donne envie qu'on l'écoute. Mais ça ne dure pas bien longtemps. Avec son regard vide, Léa Drucker semble absente, presque indifférente à la situation. Mais ça ne dure pas bien longtemps. Car la violence commence. Une violence psychologique, des rapports de force qui s'installent, une violence verbale avant de devenir physique. Des cris, des empoignades, la force d'un film magistral mais pesant, énormément éprouvant.  


dimanche 25 février 2018

L’Esthétisme du Chaos

« Le silence intérieur comme prélude à l’écriture. »

Sur son Olivetti rouge mécanique, Antoni décrit son monde. Sa prose s’articule sur la beauté de l’univers, sur son chaos. L’esthétisme du Chaos, premier critère de ses écrits. Embauché par un étrange « Cabinet des Investigations Littéraires », il file sur New-York, la première étape de son parcours initiatique au sein du chaos et de l’esthétisme. Déambulations nocturnes de la ville et rencontre de deux âmes pour ce même goût de l’esthétisme sensuel. Antoni découvre l’Art de Anca, street-grapheuse qui peint sa chatte à la peinture rouge sur tous les murs de la ville. J’imagine déjà le plaisir à voir la reproduction de sa vulve au détour d’un coin de rue, illuminé par le néon d’un bar, la lumière vive d’un lampadaire, l’éclat d’une lune…

Les draps froissés d’une chambre de motel, plaisir enivrant des sens, fantasmagorie divine du vin et de la pine. Se frotter corps trop corps, sentir l’épine frémir. Déambuler telles deux âmes noctambules, s’installer au volant d’une vieille guimbarde et partir à la recherche d’un écrivain inaccessible. Baiser. Forniquer. S’abreuver de ce doux nectar qui coule entre nos cuisses. L’amour est esthétisme, la vie devient esthétique, la baise se fait chaos, la vie est un chaos inextricable. Je lis un ver de Baudelaire, un verre à la main, je feuillète un livre, j’imagine t’effeuiller dans une chambre de motel vers minuit. Dans la chambre d’à-côté les murs vibrent, baise d’un soir. Bruyant. Féroce. Sauvage. Eau sauvage qui s’écoule de nos cuisses. De l’autre côté, la jouissance d’une trompette, l’orgasme d’un piano. Je reconnais Thelonious Monk, Bill Evans ou Chet Baker. Minuit, une heure vers laquelle les corps plongent, où tu te penches sur mon sexe pour l’avaler, le désir donne soif, aller jusqu’à la dernière goutte. Minuit, la lune se découvre, enlève son voile de nuages, se montre à nue, impudique et irrévérencieuse. Le corps en sueur, l’âme rêveuse encore parfumée de stupre, Antoni glisse une nouvelle page blanche dans son Olivetti rouge mécanique, je glisse mon majeur dans ton rouge pourpre.

vendredi 23 février 2018

Le Justicier en Classe de Neige


Vue sur les montagnes enneigées. Que c’est beau, ai-je envie de crier au vent et à la neige. A défaut de ne pas parler aux gens, je parle à la neige. Mais bon, je ne suis pas là pour profiter du panorama – que j’imagine - (haut)savoyard. Parce que l’heure est grave, les minutes s'envolent dans le blizzard et les heures sont comptées. Pas le temps de tergiverser, ni même de tourner –plusieurs fois les mêmes scènes comme dans un bon film. Le fils de Guillaume Canet a disparu lors d’un séjour en classe de neige. Père absent, il chevauche les lacets de la montagne, prêt à déplacer des montagnes ou du moins à tuer, pire, torturer ceux qui se retrouvent sur sa route enneigée. Ce n’est plus Guillaume Canet, c’est Charles Bronson à l’écran. Un film de série B comme il en a tant fait dans les années 80, et ce thème récurrent dans sa filmographie, la vengeance du justicier. Après un « justicier dans la ville » 1 et 2, après « le justicier de minuit », le « justicier de New-York », le « justicier braque les dealers », « le justicier l’ultime combat », le nouveau Bronson arrive sur mon petit écran avec un titre nettement moins accrocheur « mon garçon ». Zut, ce n’est pas Charles Bronson dans le rôle-titre, mais Guillaume Canet. J’ai dû confondre… ou pas… « le justicier en classe de neige » aurait pu faire une bonne suite à ces Death Wish…  

mardi 20 février 2018

Les Escales de Nad' et du Bison : Mexique

Lieu : Mexico, Mexique
Lever du soleil : 7h01  | Coucher du soleil : 18h38
Décalage horaire : - 7h
Météo : 21°. Beau temps peu nuageux. Vent faible
Latitude : 19.432608 | Longitude : -99.133208
Musique : Calexico, Crystal Frontier
Un Verre au Comptoir : Mezcal, avec le ver


 


Une odeur de soufre, un parfum de chair putréfiée. Je n’ose pas rentrer dans la pièce. J’ai rêvé d’une détonation cette nuit. Il s’est fait sauter le caisson, pressentiment sauvage, le bison de la nuit me l’a murmuré à l’oreille, comme d’autres susurrent à l’oreille des chevaux ou d’une brune dans le coït bestial. Tu n’échapperas pas à cette voix, ni toi, ni moi, le bison rode, et tu vois cette mare de sang, le corps gluant et puant de ton ami gisant sur le lino virant du blanc-poussière ou sombre-carmin. Sombre karma que cette nuit.

« Tu n’échapperas pas au bison de la nuit. »


jeudi 8 février 2018

L'Assassinat des Initiales Célèbres

L’histoire démarre en Colombie-Britannique. Le cul assis sur une souche, je me prends à regarder les pins et quelques érables pliés sous le vent. La neige tombe, la neige s’envole, mes espérances aussi. Des espoirs qui ont abandonnés toute une génération, aussi soudainement qu’un éclair venu fendre le ciel étoilé, aussi brutalement qu’une balle venue fracasser la tête d’une étoile, des morceaux de cervelle blanche, des éclaboussures de sang rouge de son mari ayant tâché la robe rose d'une brune prénommée Jackie.

Un professeur d’histoire se retrouve confronter à la grande Histoire, celle des Kennedy, à l’histoire de ces parents, morts successivement en 67 et 68. Il a 14 ans à l’époque. O’Dugain, l’auteur s’amuse avec son nom et avec les racines de son protagoniste. Des années après ce double drame, il replonge, dans le cadre d’une thèse, dans cette époque des années 60, où l’on assista à la mort d’un président, à la mort d’un futur-président, à une guerre au Vietnam, une presque-guerre avec Cuba, et une bande de hippies fleurs bleues sous LSD qui déchanteront rapidement avec la fin de la décennie, fin d’une utopie. Le tout orchestré par des manipulations diverses, aussi bien de la mafia, du FBI que de la CIA. De quoi donner la foi en la politique, mais rien de surprenant vue la qualité des pantins récents qui se sont succédés à la Maison Blanche. Blanche comme la neige d’un hiver en Colombie-Britannique.

mardi 6 février 2018

Hôtel Ambassador, 5 juin 1968

Il est dit que chaque américain se souvient précisément où il était et ce qu’il faisait le 22 novembre 1963, à part peut-être George Bush. Cinq années ont passé, mais la politique n’a pas changé. A l’Hôtel Ambassador, c’est le soir du grand bal, celui de la réception du sénateur Bobby Kennedy, candidat aux primaires de Californie, pour le dépouillement des premiers votes et probablement la marche vers  l’investiture royale, celle du trône de la Maison Blanche. Là encore, une date mémorable ce 5 juin 1968 qui marqua la vie de nombreux militants et américains qui voulaient justement une Amérique qui change, une Amérique plus juste. Bobby promettait la fin du Viet-Nam, des mesures plus sociales, la voix aux minorités. Malgré la richesse de son nom, il est le seul homme à vouloir redistribuer les rôles et les richesses. Mais voilà, comme chacun sait, Bobby s’est fait descendre ce soir-là à l’Hôtel Ambassador. On ne fait pas bouger l’Amérique sans en payer le prix.

« J'étais au maquillage, dans un studio de Londres, lorsqu'on m'apprit son assassinat. Je me suis dit que le monde était devenu fou. En l'espace de quelques années, on avait tué JFK, Malcolm X, Martin Luther King, et maintenant Robert Kennedy. J'ai eu le sentiment que tout fichait le camp. C'était hélas vrai. »
— Anthony Hopkins

« J'avais travaillé pour lui et l'avais côtoyé durant pas mal de temps. Cette nuit du 4 juin a changé à jamais le cours de l'Histoire, pas seulement pour notre pays, mais pour le monde entier. »
— Harry Belafonte

vendredi 2 février 2018

Dans les Reflets de la Neckar

« Je ne puis me rappeler exactement le jour où je décidai qu’il fallait que Conrad devînt mon ami, mais je ne doute pas qu’il le deviendrait. Jusqu’à son arrivée, j’avais été sans ami. Il n’y avait pas, dans ma classe, un seul garçon qui répondît à mon romanesque idéal de l’amitié, pas un seul que j’admirais réellement, pour qui j’aurais volontiers donné ma vie et qui eût compris mon exigence d’une confiance, d’une abnégation et d’un loyalisme absolus. »

Avant de me plonger dans les premières lignes de ce petit livre, je l’imagine déjà comme l’une des belles histoires d’amitié de la littérature. Hans et Conrad, deux amis fidèles pour la vie. Hans Schwarz est juif, mais bon peu importe, vit dans un univers plutôt bourgeois. A 16 ans, au lycée Karl Alexander Gymnasium de Stuttgart, il ne brille pas plus que ses camarades, mais se fait remarquer par sa solitude. Si les autres le méprisent par moment, il n’en fait guère une affaire personnelle et laisse couler les guerres personnelles comme l’eau de la Neckar qui traverse majestueusement la ville.

Un matin comme tous les autres, ou presque, le soleil plonge la ville dans les reflets de sa Neckar. Ce matin, un nouvel élève entre en scène, Conrad Graf von Hohenfels, une tête d’un blond princier, la noblesse dans ses vêtements et dans son maintien. Une cour s’affaire autour de lui à la cour de récréation, mais il n’en semble guère touché par ses marques de fausses attentions, conscient de son statut familial et de la noblesse de son sang.