Je commence par un mot de Raymond Carver, comme une exergue de la vie foudroyante du passé. Débuter un bouquin par Ray est toujours de bon augure. C'est un signe diraient certains, si je dois croire aux signes. Mais comme je ne crois à rien, si ce n'est à la poussière qui se dépose sur mon cuir, je me laisse embarquer, d'entrée de jeu par Ray. Et là tu te dis que j'essaie de te vendre du Carver à faire tout un paragraphe sur une simple citation du maître du spleen et du couple. Mais je ne suis pas là pour te vendre quoi que ce soit, même pas un tapis pour enrouler le corps de ta femme dedans. Non, je suis là juste pour déjeuner en paix. Je regarde sur la chaise le journal du matin, les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent, "Crois-tu qu'il va neiger?".
Je prépare un café bien tassé, et des tartines beurrées. Je déjeune toute seule dehors en écoutant les oiseaux.
Parce que les histoires de couple commencent toujours par un café bien noir avant de finir avec un bourbon bien tassé. Du moins dans l'univers de Ray. Sauf que je ne suis pas dans un conte à Ray, je suis dans une suite de temps et de contretemps de Gaëlle Héaulme. Et si le savoureux exergue est bien choisi, c'est aussi parce que d'emblée, je retrouve cet univers qui mêle le spleen et l'ironie, les travers de porcs et de couples, ces petits instantanées d'une vie qui en l'espace d'une fraction de seconde ou d'une éjaculation précoce basculent. Ces petits contretemps comme aiment les définir l'auteure sont autant de petites savoureuses scénettes - cyniques - d'une vie à deux - à la chute cocasse - qui finit souvent à un(e).