Jackson, Mississippi, au début des années soixante. Des femmes blanches, haute bourgeoisie locale, discutent autour d’une tasse de thé, de tout et de rien, probablement du prochain comité de charité. Un thé qui fume à la bonne température servie par d’exemplaires bonnes, noires. La ségrégation raciale continue à vivre de beaux jours encore à cette époque dans ce coin de l’Amérique, si bien qu’il est de mode de construire des toilettes au fond du jardin pour que ces bonnes puissent se soulager. Tu comprends, c’est mieux pour elle, avoir des chiottes rien qu’à elles. Tu comprends, en plus, elles ne pourront pas transmettre de maladie en s’asseyant du coup sur les toilettes des dames blanches.
De la poussière, des poils et des litres de bières, de bourbon et de vodka à l'herbe de bisons...
mercredi 26 janvier 2022
La Tarte au Chocolat de Minny
Jackson, Mississippi, au début des années soixante. Des femmes blanches, haute bourgeoisie locale, discutent autour d’une tasse de thé, de tout et de rien, probablement du prochain comité de charité. Un thé qui fume à la bonne température servie par d’exemplaires bonnes, noires. La ségrégation raciale continue à vivre de beaux jours encore à cette époque dans ce coin de l’Amérique, si bien qu’il est de mode de construire des toilettes au fond du jardin pour que ces bonnes puissent se soulager. Tu comprends, c’est mieux pour elle, avoir des chiottes rien qu’à elles. Tu comprends, en plus, elles ne pourront pas transmettre de maladie en s’asseyant du coup sur les toilettes des dames blanches.
dimanche 23 janvier 2022
Tigre et Bison
« Des bouts d'os de bisons, elles en ont vu le long de la piste, mais jamais en entier. Au fil des ans, les voyageurs ont brandi maillets et couteaux, ennui et besoin, prenant ce qui était facile à trouver pour faire du feu, ou des piquets de tentes, ou pour sculpter à leurs heures perdues. Ce squelette-là n'a pas été touché. Les orbites scintillent - un jeu d'ombres. Sam pourrait marcher dans la cage thoracique intacte sans se baisser.
Lucy imagine les os habillés de poils et de chair, l'animal debout. Ba prétendait que ces géants parcouraient jadis les collines, et les montagnes, et les plaines au-delà. Trois fois plus grands que n'importe quel homme, et néanmoins d'une douceur inimaginable. Un fleuve constant de bisons, disait Ba. Lucy laisse cette image ancienne l'inonder. »
Du temps de la ruée vers l'or, Lucy et Sam, deux gamines d'origine chinoise se retrouvent livrées à elle-même. Ma est partie il y a bien longtemps. Ba vient de mourir. D'ailleurs, il est dans la charrette, sa chair commence à couler, ses os à se briser. Les deux fillettes errent dans cette poussière, afin de trouver le bon endroit pour enterrer leur père, laisser son âme se reposer. Trouver enfin son « chez-soi ».
Sombre et noire, comme la nuit, comme la violence et la racisme des hommes. Lumineux et magnifique, comme le soleil qui pare d'or cette colline. Saisissant et magique, comme ce vieux bison qui erre dans les esprits de ces lieux. Elles n'ont pas leur place dans la poussière de l'Ouest, ou de l'Est suivant d'où l'on vient, là où des os de bisons se retrouvent à nus par le temps, le vent. Bien que nées ici, elles sont d'ailleurs, de l'autre côté de l'océan, le pays de Ma. Elles restent des émigrées chinoises dans la nuit hors-la-loi.
vendredi 14 janvier 2022
Verlaine au Sénégal
Alerte ! Mon portable sonne, urgence : vidéo à regarder. Je le sens mal dès le début, genre haut-le-cœur à me faire gerber les trois bouteilles de Flag que j'ai prises hier, soirée chaude et humide dans la pénombre de la poussière, zone obscure de ma vie et ses bas-fonds. J'essaie de détourner les yeux mais mon regard revient inlassablement sur mon petit écran. J'ai besoin de voir, de comprendre, de savoir... Je rouvres les yeux sur cette société-là, une société qui interdit d'enseigner la poésie de Verlaine parce qu'il est coupable d'homosexualité, le Sénégal d'aujourd'hui.
Je voulais m'endormir ivre de jouissance. C'était raté. Il faut toujours sur cette terre une voix charitable qui vous veuille le plus grand mal : vous ramener à la sobriété. Elle insistait : "Elle est presque dans tous les téléphones du pays. Il paraît même qu'une chaîne de télé l'a diffusée avant d'être interrompue..."
Pas le choix : je revins donc à l'espace de ma chambre, où flottaient les senteurs d'aisselles en sueur et de cigarettes, mais où surtout régnait, étranglant les autres odeurs, l'empreinte appuyée du sexe, de son sexe. Signature olfactive, je l'aurais reconnue entre mille autres, celle-là, l'odeur de son sexe après l'amour, odeur de haute mer, qui semblait s'échapper d'un encensoir du paradis... La pénombre s'accroissait. L'heure était passée où l'on pouvait encore prétendre la donner. Nuit."
lundi 10 janvier 2022
Dessine-moi un bison
Un phare dans la nuit. Il illumine la vie de pèlerins, de marins, de voyageurs, d'aviateurs. Il est le point d'ancrage des rêves. Des étoiles dans le ciel, des anges, un petit prince, des âmes des mêmes aviateurs, voyageurs, marins ou pèlerins. Les pieds dans le sable, la tête dans les rêves, des songes d'une nuit d'hiver, un serpent glisse entre mes jambes, une renarde lisse son pelage d'une belle rousseur. Les codes sont là, enfermés dans cette boite de Pandore que je n'ose ouvrir, trouver la clef du mystère qui entoure un double meurtre. Qui a tué le Petit Prince ? Qui a tué Saint Exupéry ? Deux assassinats, zéro cadavre. Voilà qui est bien étrange et tel un roman d'Agatha Christie, je vais tâcher de découvrir le coupable, aidé des six membres du Club 612.
- Et si cette vieille bique de Marie-Swan avait raison ? s'interroge-t-elle. Et si l'assassin du Petit Prince n'était pas l'un des six habitants des six planètes, pas plus que la rose, le renard ou le serpent, mais celui qu'aucun lecteur ne soupçonnait : le narrateur ! Donc l'aviateur ! Donc Saint-Exupéry ! Encore plus fort qu'Agatha Christie ! le narrateur est le tueur, et comme c'est un récit d'autofiction, le tueur est aussi l'auteur."
jeudi 6 janvier 2022
Et si j'étais né à Cancun
Le soleil se couche, il sombre lentement dans l'océan bleu noir. A cet instant, le ciel se pare d'une robe orangée qui progressivement vire au violet. Loin des aurores boréales, c'est un tout autre spectacle qui m'attend sur cette plage. Des femmes en bikini, enfin juste un tout petit bout de tissu pour certaines, se déhanchent sous la lueur de la lune, une pensée pour les étoiles dans le ciel, David Bowie est de celles-ci.
ERNEST HEMINGWAY
1.5 oz. white rum
1/4 oz. maraschino liqueur
juice of 1/2 lime
1/4 oz. grapefruit juice
Shake and pour in a glass with crushed ici.
lundi 3 janvier 2022
Feuille de Gingko
Ceci est une vieille histoire. Au début de l'ère Meiji, l'an 13 pour être précis, l'esquisse d'un amour se dessine devant cette maison triste à la porte treillissée. Un jeune étudiant passe tous les jours devant et échange des sourires avec la jeune femme qui vient d'emménager, maîtresse entretenue d'un usurier.
samedi 1 janvier 2022
50 nuances de Blizzards
La neige tombe et dégouline le long de la baie vitrée. Le regard se porte dehors, sur la voisine dans sa mini en poil de castor qui pellette la neige pour retrouver son char, sur le chat noir qui grimpe sur la branche blanche de l’arbre sans feuille, sur le voisin qui vocifère à demi-nu sur le balcon par -20° du Kurt Cobain en posant pour un selfie. A qui va-t-il envoyer l’incongruité de cette photo, à sa blonde peut-être. L’esprit libre et l’âme chaude, j’entame donc quelques nouvelles du répertoire québécois. L’âtre de la cheminée ronronne doucement, l’atmosphère se réchauffe, j’ouvre mes chakras, ouvre les tiens, demain c’est sodomie libératoire.
Libéré, délivré, de tous ces péchés, dans un fauteuil en vieux cuir qui sent la fumée, je m’installe un verre de rhum à la main, sans caramel, quant à la seconde main... je te laisse deviner, et si tu cales en imagination, je te dirais qu’elle me sert surtout à tourner les pages de ce recueil, car il s’agit bien de recueillement lorsque j’entreprends de sucer… un de ces bonbons au sirop d’érable que j’affectionne tant et qui me réchauffe l’âme comme une fellation salvatrice.
« Dans son appartement sorti tout droit de Greenwich Village des années 60, elle branche son iPod sur une playlist d’Harmonium, groupe peu propice, en ce qui me concerne, à créer une ambiance sexuelle, mais qui manifestement allume Nadine. En quelques minutes, nous nous retrouvons nus dans son lit, ce qui me permet de constater que le corps est à la hauteur du visage.
La musique qui parvient du salon semble guider ses actions. Elle me suce pendant ‘Pour un instant’, glissa ma queue en elle sur les notes de ‘Si doucement’, puis m’offre son superbe cul au son du ‘Corridor’. Tout au long de nos ébats, elle garde les yeux fermés et chantonne les paroles des chansons, ce qui est quelque peu déroutant. Elle réussit même à fredonner en me pipant, provoquant ainsi sur ma verge une vibration plutôt intéressante. »
[Baise Fondatrice, Patrick Sénécal.]