"Des phrasés simples dits avec le cœur." C'est ainsi que je peux moi aussi résumer le ressenti de chacun de ses disques. Chet a quelque chose en plus, comme de la fragilité, comme une âme emplie de tristesse car le cœur est toujours triste. Et la tristesse colle à la peau de certains hommes.
Mais c'était sans compter "le vice, la nuit". Il est loin le temps de ses débuts avec l'oiseau Bird. Joints avec cette histoire, deux disques sur le début de la carrière de Chet Baker, les années 1953 - 1955. A l'époque il avait encore toutes ses dents, non brisées par quelques types de la rue venus lui ponctionner le prix de son fix'... La nuit, la drogue, et les hôtels minables qui s'enchainent, les arrestations aussi... Les draps et la moquette puent la pisse, le renfermé, lieux de solitude et de poussière. Moi je préfère me replonger dans sa discographie et oublier la misère d'un homme perdu dans ses "Poésies de poussières et de routes lointaines".
Chet a l'art de "Faire parler l'atmosphère, l'air entre les notes". Sa musique me parle alors je m'écoute My Funny Valentine, deux minutes vingt à ses débuts, des minutes qui vont s'étirer au fil du temps, jusqu'à ces fameuses trois heures du matin, un 13 mai 1988 à Amsterdam. 13 mai, une date marquante pour une "Nuit de pluie, la route qui appelle".
De ma fenêtre l'eau ruisselle sur la vitre sale, comme les larmes coulent de mes yeux ridés, je regarde un pigeon s'envoler. La lune est bleue comme à chaque fois que j'écoute un air de Chet - ou de John mais ça c'est un aparté purement personnel. Il s'envole dans les cieux pendant que l'homme tombe comme dans "La fin d'un film noir, Chet". Il avait seulement cinquante-huit ans, mais il en faisait bien quatre-vingt huit, le visage ridé de ses nuits solitaires, dans des caniveaux, des piaules immondes ou des cellules de prison. Maintenant, il me reste My Favourite Songs, et bien d'autres airs si épris de tristesse à écouter chaque nuit où l'humeur m'embarque sur des territoires sombres. Almost Blue...
Pour en revenir à ces deux minutes et vingt secondes que j'évoquais un peu plus haut, c'est exactement le temps qu'il faut pour lire la BD, franchement trop courte. Cela reste des instantanés de la poussière de Chet, les planches sont malgré tout belles, j'y connais pas grand chose en dessin, je ne suis pas un artiste moi, ne sachant pas dessiné ni une pipe ni une femme nue, mais j'ai su apprécié ces dessins qui m'ont apporté une certaine touche d'émotion.
"Chet Baker", Igort.
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