samedi 22 avril 2017

Fragrances

Je me souviens d’une pièce vue il y a deux ans qui m’avait fortement marqué. Elle était écrite par Philippe Besson, donc forcément cela me marque. « Un Tango Au Bord De La Mer ». Je l’avais découvert presque par hasard sur une chronique 22H05 Rue des Dames. Depuis, avant de prendre un billet de théâtre, je regarde toujours, l’avis éclairé de Noctenbule, grande spécialiste du théâtre en tout genre et plus particulièrement contemporain. Au théâtre ce soir se joue « Darius ».

Bon, pour le dire franchement, je ne suis pas un grand admirateur de Clémentine Célarié. Je n’ai rien contre, mais ses (télé)films ne rentrent que rarement dans mes goûts de spectateur. Mais je décide d’y aller quand même. Avec même un certain entrain, sans appréhension aucune. Après tout, j’ai toute confiance en ce choix.

Le fils de Claire est le fil conducteur de la pièce. Il n’apparait pas, mais il est là, dans le texte, dans les souvenirs, dans les larmes – j’y reviendrai aux larmes. Il est atteint d’une maladie dégénérative qui petit à petit le prive de tous ses sens. Il ne lui reste encore plus que l’odorat… Claire – Clémentine Célarié, donc – envoie une lettre à Paul – Pierre Cassignard que je ne connaissais pas - un parfumeur qui s’est retiré du milieu. Elle veut qu’il lui crée les parfums du souvenir de son fils. Parce qu’avec l’odorat, la mémoire est la seule chose qui reste à son fils. Un défi pour celui qui a arrêté de créer depuis la mort de sa femme. Juste par l’odeur, elle espère que son fils se souviendra des beaux moments qu’il a vécus avant que la lumière ne s’éteigne sur sa vie.

Mais comment capter certaines odeurs du souvenir. Comment composer des parfums aves les fragrances « Rochefort sous la pluie », « Métro parisien » - là j’ai une idée sur l’odeur ressentie -, « Rome » ou « Chiara » - la prostituée hollandaise que Claire a rencontré pour qu’elle s’occupe de son fils déjà handicapé…


 

Ce n’est pas beau de vieillir ; à croire que je deviens plus sensible avec l’âge. J’étais happé par cette histoire, à la fois belle et triste. Et terriblement humaine. Pendant toute la pièce, j’avais l’impression que mes larmes allaient s’écouler abondement. Impossible de limiter le flux lacrymal tant l’émotion du texte me prenait à la gorge. Probablement aussi le jeu des deux acteurs. Parce que tous les deux m’ont également beaucoup touché avec leurs passés, leurs tristesses, leurs rages. J’avais l’impression d’être un vieux con qui s’émeut par une petite pièce de théâtre. Mais à la fin, j’étais quand même debout, à applaudir les yeux encore tout humides. Jamais, je n’avais pu penser être autant ému par une pièce de théâtre, l’histoire, la proximité des acteurs, les nez qui reniflent des autres spectateurs. Combien avait également des yeux rougis au sortir de la salle ? Je ne devais certainement pas être le seul, probablement d’autres vieux cons comme moi qui s’émeuvent pour une histoire de fragrance et de souvenir. Même pas l’excuse d’une quelconque allergie, le mouchoir en poche et en tissu était de sortie ce soir.       



Je sais que ce genre de billet ne pourra intéresser que quelques parisiens – qui doivent d’ailleurs pas être nombreux à me lire – mais si vous avez l’occasion de partir à la rencontre de Darius en voulant être ému, la pièce joue encore quelques représentations. Une semaine après, moi, j’en reste encore bouleversé, et me demande si j’y retourne – ce n’est pas l’envie qui m’en manque – je ressentirai une nouvelle fois une émotion si belle qui me fait dire que je suis un vieux con, mais qui vit encore un peu. L’amour d’une mère pour son fils. Profondément humain.

« Darius » de Jean-Benoît Patricot,
avec Clémentine Célarié et Pierre Cassignard
actuellement au Théâtre des Mathurins.

4 commentaires:

  1. Créer l'odeur des souvenirs, il fallait y penser, l'idée me touche forcément. L'amour d'une mère pour son fils... <3
    Tabarnak quand même tu fais de belles sorties!

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    1. Je ne sais pas si je fais de belles sorties, mais celle-là fut en tout cas mémorable... par l'émotion qu'elle a drainé tout au long de la soirée...

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  2. Clémentine m'avait émue dans une pièce de Zweig pour cela j'aurai adoré tant la voir. De plus, les odeurs, un sujet qui me touche particulièrement. Les parfums me ramènent souvent à mon enfance, mon Espagne,mes parents ... Je suis en flash-back permanent ...

    Pourquoi avoir honte de ses larmes ? C'est si beau et si touchant un homme qui pleure !

    Viens par là, mimis à tes yeux.

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    1. Avec cette pièce, j'ai pu réviser mon jugement sur cette actrice qui a su transmettre tant d'émotions avec ce texte. Honte d'être un vieux con, peut-être...

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