mercredi 14 décembre 2016

La Vieille qui Murmurait à l'oreille des Haricots Azukis

« Dans les bols, la fameuse soupe de haricots fondants luisait. Les haricots azuki brillaient, alignés en bon ordre. Un profond parfum sucré se répandit avec la vapeur d'eau, qui parut enveloppé jusqu'aux tables environnantes. Une voix s'éleva d'une autre table : « Oh là là, ça fait envie. »

Après l'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux, je rencontre la vieille qui murmurait à l'oreille des haricots azukis. Une petite vieille, toute fripée, toute timide, qui semble si bien s'entendre avec ses haricots que sa pâte respire mille senteurs, dont l'amour, la compassion, le désir et la vie. Tu as senti cette douce odeur sucrée venir chatouiller tes narines à chaque page tournée ? Un pur délice, un petit bijou. Une histoire simple, d'âme et de cuisine. La cuisine a une âme et ses saveurs sont l'amour et la (com)passion. Les bons ingrédients aussi. Un pur bonheur.

Cette histoire de cuisine s'agrémente donc d'une histoire d'âme, et d'une histoire de relation générationnelle. Quel enchantement de voir cette vieille apprendre le métier à son jeune patron. Elle est si belle, cette vieille devant ses fourneaux. Elle a tant à dire et à donner. Magnifiquement humaine, la plume de Durian Sukegawa se fait poignante et poétique. Le roman se déguste comme ces fameux dorayaki, petites pâtisseries japonaises à la pâte d'azukis, que la vieille prépare depuis plus de cinquante ans, sous le clair de lune, la tête sur ton épaule.

« Ce jour-là, nous avons regardé la lune ensemble. La pleine lune était visible au-dessus du cerisier devant la boutique. Mme Yoshii m'a dit, elle est belle, admirons-la ensemble... et elle m'a proposé ça, en contemplant la lune. Pour elle c'était une promesse à trois, entre la lune, elle et moi. »

Le film de Naomi Kawase  me tentait bien, mais l'occasion a manqué. Lorsque je reçus ce roman, je n'ai donc pas hésité à savourer chacune de ses préparations culinaires et à les vivre comme un cérémonial. La prière, le respect, la caresse de chaque ingrédient, ne pas oublier de parler à ses haricots, de leur susurrer des mots d’amour, car la cuisine est avant tout amour. Pas besoin d’aller au temple, il suffit de joindre les mains devant la marmite bouillonnante et fredonnante d’histoires.

« Les alentours luisaient d'un bleu pâle sous le clair de lune, et les arbres se balançaient, comme animés d'une volonté propre. Sur ce sentier dans la forêt, j'étais vraiment seule face à la lune. »

Et pendant ce temps-là, les fleurs de cerisiers s’envolent et dansent autour de moi, les azukis chantent l'amour. 
Et pendant ce temps-là, je parle à ma Paulaner, à défaut d’azukis dans un chaudron. 

13 commentaires:

  1. Et bien moi, c'est l'inverse, j'ai vu le film qui est vraiment très bien... Goran (http://deslivresetdesfilms.com)

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    1. Je n'en doute pas, ayant déjà vu (et beaucoup aimé) "Still the Water" et "La forêt de Mogari".

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  2. Le film est une merveille. Et le livre aussi, je te fais toute confiance.

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    1. Maintenant que tu lis des romans japonais, que tu regardes des films japonais, tu vas bientôt nous jouer des airs de J-Pop sur ta guitare... :D

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  3. Le film est superbe et je compte bien lire ce livre qui attend dans ma PAL !
    Encore un...

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    1. Encore un. Cesse-donc de boire du cognac en sautant dans ta mare et sors tes bouquins !

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  4. Quel beau livre ce doit être et quel plaisir de lire cette histoire d’une petite vieille toute fripée et pleine d’amour qui parle à ses haricots. Les histoires de relations générationnelles me touchent toujours <3
    La cuisine c’est l’amour, oh oui!!!

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    1. La cuisine, c'est l'amour, surtout en tablier et rien dessous !

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    2. donc le cul à l'air.......

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    3. Exactement ! C'est comme ça que se distillent les parfums de l'amour et que chantent les haricots azukis dans la cuisine...

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  5. Je n'ai pas lu le livre mais j'ai vu le film en V/O. Tout le long du film j'ai eu les larmes au bord des yeux. Cette petite vieille est touchante.

    Question bleu ? ;-)

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    1. La petite vieille est tout aussi touchante dans le roman. A lire même si tu as vu le film.

      Question bleue : si je décapsule une bouteille de 33 cl de Paulaner et que je trempe mes lèvres dedans, combien en reste-t-il pour tes lèvres...

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