lundi 26 août 2019

Seulement pour les Fous

Seulement pour les fous. Le suis-je assez pour m'atteler à la réputation de ce guide du solitaire. Solitaire, je le suis et je suis ainsi la route d'un Loup des Steppes. Le loup, est-ce mon image littéraire ? Parce que Hermann Hesse aurait très bien pu écrire Le Bison des steppes. Tout aussi fort, tout aussi seul. Il y aurait suffit de remplacer le vin d'Alsace omniprésent dans ce roman (et ma foi, je déguste ces pages entre Riesling, Gewurtzraminer et Tokay...) par une vodka à l'herbe de bison, laisser Mozart, le grand, sur la platine. Born to be wild. 

« Le vin d'Alsace, c'est encore ce qu'il y avait de meilleur. Je n'aime pas, du moins pour tous les jours, les vins violents et sauvages qui étalent des appâts puissants et possèdent des bouquets célèbres et spéciaux. Je préfère les petits vins campagnards purs, légers, modestes, sans noms particuliers; on en boit facilement en grande quantité, et ils ont le goût simple et doux de la terre, du ciel, de la campagne et de la forêt. Un verre de vin d'Alsace et une tranche de bon pain, c'est là le meilleur repas. »

Le Loup des steppes, c'est une bête meurtrie que la vie a esseulé. Reclus dans sa chambre de bonne, à regarder le plafond mansardé, il écoute cet air de musique, de la grande et belle musique d'un autre siècle, d'une autre chambre. Born to be wild. La nuit illumine de ses étoiles et de sa lune, bleue et belle, son regard de chien battu, triste et sombre, d'une vie sans vie. Il erre dans les rues sombres et dérangées, il regarde les femmes de belles vertues se dénuder à moitié sous le halo blafard de quelques lampadaires fatigués. Quelques enseignes lumineuses l'attirent, attisent sa curiosité, promesse d'un verre de vin ou d'une belle putain.

« On m'apporta un poulet rôti qu'on me vanta, le jet clair du vin d'Alsace coula dans le verre bavarois ; »


Et si son salut était venu de cette rencontre, Hermine... Parce qu'il a toujours au fond de lui cette étrange passion des noms en -ine. Que la bibine coule donc à flot... Et la vaseline... Une ode à la vie et à l'amour. Un corps puisamment bandant et attirant, le sourire d'une vie... Mais loup des steppes, petit scarabée, tu resteras... Solitaire, à écouter dans le noir d'une chambre ou d'une vie, Born to be wild, chevauchant en rêve femmes et motos, Born to be wild...

« il passe des journées dans les bibliothèques et des nuits dans les brasseries, il reste étendu sur un divan de meublé, il entend vivre derrière les vitres le monde et les humains, se sait exclu, mais ne se tue pas, car un reste de foi lui dit qu'il faut absorber jusqu'à la lie cette souffrance, cette souffrance empoisonnée qui est dans son cœur, et que c'est d'elle, de cette souffrance, qu'il lui faut mourir. »

A lire : ma peur du loup sur Blogart... 
A lire : le cri du loup, toujours sur Blogart...

« Le loup des Steppes », Hermann Hesse.
Traduction : Juliette Pary.

1969


1976


1986


2006

9 commentaires:

  1. Waouh! Cri de loup approximatif. Ma peur du loup, c'était le titre de mon article, 5 mai 2013. Oui cher Bison Le loup des steppes me faisait peur et ce faisant je n'ai apprécié qu'à moitié ce livre pourtant célébrissime, mais à mon avis pas si lu que ça (voir Proust, Joyce par exemple). Par contre quatre versions de Born to be wild, c'est mérité tant "Howling" John Kay, l'Allemand de Steppenwolf, a gravé dans le marbre l'hymne rock définitif. Also sprach Eeguab, like a Sioux, Sioux native child. Danke schön mein Freund.

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    1. Le pire, c'est que je l'avais lu ton article avant de rédiger le mien. Parce que je savais que je le trouverai forcément chez toi... Je me suis dit qu'il fallait que je te rajoute en lien, pour cet autre aperçu. Et puis, ben j'ai oublié, con que je suis... Voilà, maintenant c'est corrigé...

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  2. Merci cher Bison des plaines pour ce Loup des Steppes dans lequel il est évident que tu peux te reconnaitre en partie. Toujours un plaisir de lire tes notes au nom de la fraternité des loups et des bisons.

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    1. le plaisir et surtout l'émotion est pour moi de savoir que tu prennes encore quelques minutes pour me lire ou m'écouter - j'aurais envie de rajouter parce qu'il est évident que je n'ai pas grand chose à dire dans la vie.

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  3. Le loup des steppes, je l’entends la nuit au bord du lac, de ma cabane... il hurle... il est audible partout où l’homme l’entend, où il veut l’entendre.
    Le loup, solitaire, bienveillant. Je voudrais vivre auprès d'eux. Et me laisser dériver...
    Born to be wild. Crisse que t’as entre les majeurs de beaux livres.
    Merci à Eeguab qui me l’a fait un jour découvrir (l’auteur)...
    Je lève mon verre à toutes ces histoires touchantes, aux loups qui ne demandent qu'à être apprivoisés, à l'image des hommes...

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    1. que ça doit être un beau le chant d'un loup, la nuit, perçant le silence de la lune... tu vis dans un pays magnifique...

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  4. Tu lèves ton verre à qui pour cette découverte, toi ?!? ^^

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