lundi 17 mai 2021

Une Fleur Androgyne


Un jour son mari lui ramène un chien. Et c'est à la femme de le promener.
Un jour sa femme ramène un jeune homme. Et c'est au mari de s'inquiéter. Il se prénomme Dahlia et elle prétend qu'il est le fils d'une ancienne camarade.
 
Il se dégage une atmosphère de ce garçon où tout le monde semble tomber sous le charme, la femme surtout, la fille également, l'enfant aussi et même le mari ; une famille japonaise au complet. Le visage basané, comme ces nouveaux arrivants que l'on appellerait maintenant migrants, Dahlia se fond dans l'intimité de cette famille. Seul le grand-père déjà sénile semble retrouver une certaine lucidité à son égard, mais qu'en est-il de la parole d'un vieux tremblotant que la mémoire a oublié.
 
Et être sous le charme, c'est peu dire. C'est comme un état d'hypnose, même moi, je suis subjugué par le mystère qui semble l'envelopper. Étrange, presque comme si je vivais un rêve éveillé. Du coup, je les observe, tel un voyeur malsain. La femme qui se donne sauvagement à Dahlia, corps et âme. La fille entièrement nue, qui se masturbe, la porte légèrement ouverte pour qu'on l'observe, enfin elle espère surtout que Dahlia viendra l'ouvrir. Le cœur qui bat, s'emballe, étranges pulsions qui m'habitent, mon regard se porte sur cette femme, sur cette fille, que je détaille lentement, poil après poil, frisson après frisson. Tel un mystère, je me demande là où cette histoire va m'emporter. 
 
Avec l'extrémité de l'index droit, elle écarta doucement la touffe de son bas-ventre comme si elle se promenait dans une prairie. Sous la pilosité se trouvait un renflement élastique et, en s'enfonçant pour atteindre la moiteur, elle parvint à un ruisseau éclairé par une lumière oblique, un marécage dans un ravin et elle toucha une pointe douce à découvert. Lorsqu'elle mit une légère pression sur cette proéminence avec la partie charnue de l'extrémité de son index, sa peau frémit et soudain son entrejambe eut un soubresaut et une crispation. Ses tympans ne pouvaient plus capter de son, puis le bout de sa langue se paralysa et ses jambes se mirent à trembler. Un trop-plein d'énergie jaillit en elle et fit soulever ses fesses, par secousses successives. Chaque fois que son doigt frôlait la proéminence, elle sentait ses idées devenir vagues et confuses.
 
Tiens, le chien me regarde à son tour, je deviens l'amant de sa femme à mon tour, comme dans un rêve éveillé, je le répète. De même qu'on ne peut jamais capturer la lumière, le rêve devient éveil, et la fin du rêve se perd au-delà de la vie, dans un territoire où les âmes errent, la mienne comprise, entre les limbes de mon inconscience et de mes désirs les plus profonds. Dahlia est un mystère, entre spiritualité et onirisme. Il est chimère, il est diable, je ne sais plus qui il est, mais il m'a envoûté. On ne se remet jamais d'une telle rencontre, pour peu qu'on ne veuille pas s'échapper de la fantasmagorie de la vie. Illusion troublante ou réalité malsaine ? 

Je suis un fan de Hitonari Tsuji, un inconditionnel même lui vouant presque une obsession tant ses histoires provoquent à la fois envoûtement et malaise. Sans faire de bruit, l'auteur m’emmène dans des sphères littéraires vers lesquelles j'erre sans modération, en déposant corps et âme au pied de chacun de ses livres. Il est lumière. Le romancier m'entretient, depuis quatre romans maintenant, des mystères, des rêves, des souvenirs. Il laisse, là encore, une empreinte indélébile en moi. Avec Dahlia, c'est d'une intense sensualité que mon esprit s'en trouve perturbé, une fleur androgyne. Il ne m'est jamais indifférent mais je ne suis plus objectif, mon côté malsain probablement.
 
A l'intérieur de mon corps, quelque chose ne cessait de jaillir. Cette absence constante, infinie, ininterrompue d'identité comme si mon "moi" se confondait avec Dieu, cet instant ou peut-être cette éternité, cet état mystérieux... Je n'éprouvais rien, je ne pensais à rien, je me contentais de parcourir une extase. Et à l'instant où j'éjaculai, où mon âme transcendait le monde, je criai inconsciemment, en moi-même, le nom de ma femme.
 
 
"Dahlia", Hitonari Tsuji.
Traduction : Ryôji Nakamura et René de Ceccatty.
 
 

 

6 commentaires:

  1. Bonjour le Bison, un genre de roman comme je les aime, un peu vénéneux. Je ne connais pas l'écrivain, je note ce roman. C'est étonnant ce nom de fleur pour un prénom de garçon. Bonne journée.

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    1. Il y a effectivement comme une dose de venin dans ce roman, et comme souvent chez l'auteur - que je conseille - une passerelle vers l'onirisme et les croyances "spirituelles"...

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  2. Mystère, poésie, envoûtement et malaise... lumière surtout, un jour j’irai vers Hitonari Tsuji.
    Mais dis-moi, ses romans se lisent avec un thé bien fumant? Un saké? Car y'a une binouze sur ta photo, et tu me diras que ses romans se lisent avec tout, en autant que ça brûle la gorge... je me trompe? :D

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    1. Tous les romans se lisent avec une binouze, mais binouze et thé, ou binouze et saké, aussi ça le fait.
      De toute façon, la binouze est lumière, la binouze est poésie.

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