Une première note de piano, je ferme déjà les yeux, mon esprit vogue au-delà de la rivière, bien loin d'une fugue d'hiver. Et pourtant, si près, je sens les vagues m'envahir. Mon corps plonge, l'eau est froide. J'ouvre les yeux, j'ouvre mon cœur, l'eau est bouillante. J'ai longtemps été bercé par la musique éthérée du label ECM, aux confins du jazz et du silence. Je me suis immédiatement reconnu dans ces sonorités, comprendre le silence entre les notes.
Le voyage m'amène sur les rives de la tristesse. Le minimalisme du piano s’associe au violoncelle de David Darling. Et le violoncelle me plonge souvent dans les souvenirs, des vagues de mélancolie s'échouent sur le rivage de ma vie, une écume blanche recouvre l'immobilité du sable mouillé. Note la métaphore.
Jon Christensen économise ses gestes, sa batterie distille quelques coups de cymbales, toujours avec parcimonie. Car si la musique se veut subaquatique, elle est aussi légère et aérienne que la grâce d'une baleine en rut dans la baie du Saint Laurent.
Entre deux silences ou des accords de guitare, il est de convenance d'écouter les sublimes percées de Terje Rypdal, guitariste que j'admire depuis son Odyssey de 1975. Ses riffs transpercent les rivages de la mélancolie pour sombrer dans l'extatique. Ils m'hypnotisent, le regard laissé au loin sur l'horizon. La mer qui n'en finit pas. L'océan sans fond sans marge sans limite. Bleu profond, noir. Gris même parfois comme mon âme qui s'aventure dans la pochette de ce disque.
Je sors la couverture du disque pour lire ces mots de Franz Kafka...
Mais les Sirènes ont une arme plus terrible encore que leur chant : c'est leur silence. On peut imaginer, le fait ne s'est pas produit, mais il est concevable, que quelqu'un ait réchappé de leur chant : de leur silence certainement non.
Franz Kafka, Le silence des Sirènes.
Je médite sur ce chant et sur la plongée de cette sirène dans l'eau froide d'un fjord où la beauté onirique de ses courbes - celles de la sirène et du fjord, bien entendu - m'a toujours perturbé, bouleversé même.
Je voue une immense admiration pour ce pianiste norvégien. Ketil Bjørnstad fait partie de mon univers. Musicalement et littérairement, comme la société des jeunes pianistes. Il m'embarque, qu'il soit en solo, en duo - The River - ou comme ici en quatuor, vers des horizons de beauté et de silence qui m'émeuvent et m'imprègnent à tout jamais. Je ressors toujours un peu différent à chaque écoute de sa musique. Je m'enfonce toujours un peu plus dans mes silences. Mais la musique reste en moi. A jamais, au fond de mon cœur et de mon âme solitaire.
"The Sea", Ketil Bjørnstad.
J'ai lu La société des jeunes pianistes, très beau roman, mais je n'avais jamais écouté Ketil Bjornstad. Ce quatuor est magnifique, The sea, toujours renouvelée. Mersea.
RépondreSupprimerThe Sea, The River... Tu peux plonger les yeux fermés dans la musique du pianiste norvégien.
SupprimerPS : j'adore tes jeux de mots !
Supprimermersea de ta visite
Cette navigation musicale m’invite à prendre le large vers le cercle polaire. Me reviennent en mémoire les splendide collisions glaciales du collectif Dutch Harbor que je conseille également.
RépondreSupprimerJe pars illico sur la piste de ces notes de piano et de violoncelle.
mersea de partager ces notes musicales et glaciales.
SupprimerMerci de m'avoir ramener vers ces choses qui moi aussi m'ont transporté et continuent de le faire. Le label-concept ECM, qui a toujours une place en moi ( musiques, illustrations ). Et si en plus, il y a des mots de Franz Kafka ...
RépondreSupprimermersea alors au label ECM qui a longtemps bercé mes nuits.
SupprimerAh le chant des sirènes...
RépondreSupprimeret le silence d'une sirène...
SupprimerTiens, là, tu n'as rien à dire sur mon breuvage ?
SupprimerTu crois peut-être que je n'ai pas remarqué ce Pineau des Charentes !!!
SupprimerJe vais finir par croire que tu es sponsorisé...
J'aimerai bien... Mais j'ai pas trouvé de masses critiques spéciales alcool où je pourrais donner mon avis sur le breuvage du jour... Si tu as un plan, tu partages !
SupprimerPiano, pineau, piano, pineau, piano, pineau...... Moi aussi, je peux le faire, fastoche ^^ :-P
RépondreSupprimer(hourra, j'ai enfin réussi à poster un comm' !!!)
Vue l'heure, je ne sais pas si c'est la fatigue ou la fin de la bouteille de pineau, mais effectivement, tu as réussi à poster un commentaire ! :-)
SupprimerSuis un brin insomniaque... et perfectionniste aussi (!)
RépondreSupprimer:-))
Ça retient pas le nom des whiskys mais apparemment le pineau, oui...
Supprimereh oui ^^
RépondreSupprimerJe pourrais écouter durant des heures cette musique du silence, le regard porté vers l'horizon, solitaire... <3
RépondreSupprimer"elle est aussi légère et aérienne que la grâce d'une baleine en rut dans la baie du Saint Laurent."
Tabarnak!!! ^^ ^^
c'est l'idée que je m'en fais, quoique j'ai jamais vu de baleine en rut dans le Saint-Laurent... ou ailleurs...
Supprimermais...
Tu serais pas plutôt du genre à boire du pineau pendant des heures ?!!
Il faut faire attention aux silences entre deux notes ... c’est ce qui donne de la mesure et de la profondeur ...
RépondreSupprimeret mes silences sont abyssaux...
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