La chaleur écrase sa lourdeur sur les corps gisant à même le macadam. Des orages éclatent, trombes d’eau qui fracassent ces mêmes corps. Un froid glacial mord l’inertie de ces êtres vivants ou à demi-mort. Les saisons s’enchaînent, se défilent, avancent, sans retour arrière. Inexorablement, le temps marque l’empreinte de ces milliers de personnes habitués des recoins de rue. En cette journée d’été, je descends en sous-sol respirer l’air nauséabond d’un métro, ligne 13 quais puants, mon livre de poche en poche.
Une jeune fille, peut-être trop intelligente pour son âge, s’adapte à sa vie de collégienne tant bien que mal, restant dans son coin à observer ses camarades, à demi cachée derrière le vieux chêne. Un silence au milieu du brouhaha d’une cour de collège. Avant la sonnerie fatidique Lou se promenait encore du côté de la gare d’Austerlitz, promener son regard sur les autres. Et croiser la mine crasseuse et intrigante de No, Nolwenn. Refermée sur elle-même, à peine plus âgée qu’elle… Et pourtant… une ado dans la rue semble vieillir beaucoup plus vite… No, une sacrée « affaire ».
« Je vois sa lèvre trembler, ça dure à peine une seconde, elle baisse les yeux, je prie dans ma tête de toutes mes forces pour qu’elle ne pleure pas, même si je ne crois pas tous les jours en Dieu, parce que si elle se met à pleurer je m’y mets aussi, et quand je commence ça peut durer des heures, c’est comme un barrage qui cède sous la pression de l’eau, un déluge, une catastrophe naturelle, et pleurer de toute façon ça ne sert à rien. »
Un mélange de crainte et de méfiance au début, le temps de l’appréhension, mais après quelques bières ou quelques vodkas à une table au fin fonds d’un café, loin des regards courants, le courant semble s’établir ; Ne pas avoir peur de certains silences, ni certaines gênes qui peuvent s’instaurer entre deux mondes si différents. Lou est animée d’un profond désir, une envie sincère d’aider son prochain, de lui procurer un toit et plus, une chaleur humaine pour une jeune fille qui semble tant en manquer.
Je ne pensais pas découvrir la plume de Delphine de Vigan directement par ce roman qui semble presque trop humaniste pour le pauvre type que je suis. Elle m’a bien eu. Souvent au bord de l’émotion, certains passages m’ont troublé, les yeux humides qui réagissent à la bonté de cette jeune fille, une âme magnifiquement belle. Peut-on dire que la fin est presque prévisible, chaque être est particulier, même dans la rue. La généralisation de ces laissés-pour-compte n’aboutit qu’à l’absence de profondes décisions. Il faut prendre le temps de lire en eux, pour comprendre avant tout leur histoire, aussi sombre soit-elle. Je finis le roman, mon trajet en métro touche à sa fin, je referme le livre, remonte à la surface, n’ai même pas eu un coup d’œil pour ceux qui dorment sales et puants sur le quai des différentes stations, mon regard plongé exclusivement dans mon bouquin. Je suis vraiment un pauvre type.
« Parfois, je la laisse là, devant une chope vide, je me lève, je me rassois, je m’attarde, je cherche quelque chose qui pourrait la réconforter, je ne trouve pas de mots, je n’arrive pas à partir, elle baisse les yeux, elle ne dit rien.
Et notre silence est chargé de toute l’impuissance du monde, notre silence est comme un retour à l’origine des choses, à leur vérité. »
« No et Moi », Delphine de Vigan.
J'avais entendu parler du film et même pas du livre et je découvre en plus ça que c'est Delphine De Vigan l'auteure !
RépondreSupprimerIl faut vraiment que découvre cette auteure moi aussi, je me note celui là.
Bon dimanche
Une auteure à découvrir. C'est fait. Je l'ai même croisé, elle était venu me parler (bon, j'étais pas tout seul) de ses livres et de son processus de création, avant une séance de dédicace si chère aux fans. Une belle rencontre...
SupprimerOula... je n'ai pas aimé le film
RépondreSupprimerhttp://www.surlarouteducinema.com/archive/2010/11/22/no-et-moi-de-zabou-breitman.html
Et de Delphine je n'ai lu qu'un livre (le titre m'échappe) que j'ai trouvé horriblement mal écrit (ah oui quelque chose comme Tiré d'une histoire vraie)... je ne suis pas prête a retenter l'expérience.
Pardon pour ce vilain commentaire.
Tu as raison de faire de vilains commentaires. J'aime les vilains commentaires qui ne vont pas dans le sens du poil. Le film, je ne l'ai pas vu... Mais il ne m'attire pas.
SupprimerD'après une histoire vraie, par contre, nettement plus. Avec Eva Green, je crois... Oui, celui-là, je le verrais ; mais j'ai aussi le roman avant...
Et merci pour ces si vilains mais passionnés commentaires...
Et encore je me censure... car je me suis fait traiter de vilaine (pour être polie) avec mon franc parler qui ne brosse pas... alors que je suis la gentillesse personnifiée.
RépondreSupprimerTiens pour ta peine, un cadeau (qui fait.. outch)
https://youtu.be/QLFRGj-PPNI
OUTCH effectivement, ça doit faire mal
SupprimerJ'ai adoré les actrices. Eva Green est une merveille de la création. J'ai rencontré Emmanuelle Seigner dans la vraie vie, c'est une personne ADORABLE, simple, intelligente et gentille.
RépondreSupprimerPour t'éviter de chercher (mais je spoile un chouya).
http://www.surlarouteducinema.com/archive/2017/11/01/d-apres-une-histoire-vraie-5995105.html
J adore cet auteur mais je n ai pas lu celui ci alors merci je note
RépondreSupprimerBonne soirée
C'était mon premier, et je continuerai sur la voie de l'auteure.
SupprimerUne belle histoire, c’est certain. Une histoire touchante et vraie, quand l’âme est menée à vieillir trop vite...
RépondreSupprimerUne belle histoire de silences et de différence. D'amour et de compassion envers l'autre...
Une histoire qui m’attend... ;-)
je ne connais que des histoires de silences et sans âme.
SupprimerIl faut toujours que je le lise... Oui, on fait partie de la même race, humaine, même si on a la fichue tendance à se regrouper en "troupeau", juste pas peur, lâcheté, impuissance.
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