Aïta et Ama coule des jours paisibles
avec leurs trois enfants entre Irun et Aranjuez. Des promenades main dans la
main dans les jardins de la ville, senteurs d’orangeraies qui distillent un
parfum d’amour et de soleil dans cette vie-là. Mais si je suis ici, ce n’est
pas pour te conter l’amour et le bonheur. Enfin presque, l’amour, il y sera
toujours question mais le bonheur s’éclipsera devant la montée d’un homme,
Franco et ses troupes qui avancent dangereusement pour des activistes
républicains. La famille est contrainte à l’exil.
L’exil vers un nouveau pays. Tenter de
se reconstruire et de maintenir unie cette famille. De l’autre côté des Pays
basques, la vie n’est plus ce qu’elle était, mais au moins la famille est
libre. Elle a un toit, même si la chaumière occupée est étroite, puante, sans
eau ni électricité. Mais ils sont libres. Libres et ensemble. Mais en France,
les heures sombres viennent aussi se mêler à cette vie de pauvreté. Les allemands
jouent les tortionnaires psychologiques. Alors dans ces conditions, difficile
de se sentir bien chez soi, ne restent que des « rêves oubliés »
d’une vie d’avant, entre Irun et Aranjuez.
« Ama, je n’ai pas de mots, je ne porte en moi que du silence. Et
pourtant ce silence, loin d’être vide, est plein de vie, plein de toi. Je le
sens se mouvoir comme une force lente, constante, comme une masse ardente. Tes
mains diaphanes l’ont sculpté pour lui donner tes traits. Je n’ai qu’à fermer
les yeux, et tu es là, en moi, à portée de cœur.
Enlacée.
Comme
j’aimerais te décrire ces silences qui sont les miens, leurs approches furtives
de toi, à l’affut d’une caresse. Comme ils se faufilent dans mon souffle pour
soulever, sur ta nuque, les mèches de cheveux qui s’échappent de ton chignon. Y
déposer un baiser.
Ama,
tu as chassé de mon âme tout ce qui devait l’être pour n’y laisser que
l’essentiel de l’émerveillement et de l’amour.
Chacun
de tes sourires abandonne, à son insu, une bribe de toi en moi. Ces bribes sont
devenues un jardin fou, une forêt où chaque arbre porte un souvenir de nous. Je
m’y promène à ma guise, toujours ébloui par ces instants passés ensemble et par
l’espérance de ce qui nous reste à vivre.
Ama,
perdons-nous encore. »
Pourquoi suis-je allé vers ce roman de
Léonor de Récondo, qui semble assez éloigné de mes lectures de prédilections.
Certainement, parce que j’avais envie de sentir cette plume aux senteurs
d’oranges et d’écouter le concierto d’Aranjuez (Miles Davis, Milos Karadaglic, Paco de Lucia ou Pepe Romero…). Certain(e)s
vont crier à l’hérésie et au scandale, mais Miles s’impose plus facilement à
mon spectre musical pour ce concerto, « Sketches of Spain ». Mais aussi, parce que dedans il y a l’histoire
de parents contraints de s’exiler dans un pays qui n’est pas le leur, et qui ne
le sera probablement jamais. Parce que l’exil reste un sujet difficile mais
toujours d’actualité depuis des siècles et qu’il déchire des « rêves
oubliés ».
« Rêves Oubliés », Léonor de Récondo.
« Je ferme les yeux, je vois les jardins d’Aranjuez où nous aimions tant
nous promener. Je vois Irùn, la maison, Aïta, notre rencontre, son front si
lisse et ses yeux perçants. Je vois la sage-femme qui entre chez nous avec sa
chaise d’accouchement pliante. Trois fois entre ses mains se sont posés mes
enfants, mes fils si silencieux ce soir.
J’abandonne
une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j’y laisse mes rêves et je
prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres. »
'De l’autre côté des Pays basques, la vie n’est plus ce qu’elle était'
RépondreSupprimer7 provinces mais un seul Pays Basque, Zazpiak Bat qu'on se le dise. ;-)
@+ le Bison
Cela devait être une époque difficile à vivre, surtout de l'autre côté...
SupprimerJe suis bonne a jeter aux orties sans doute mais la trompinette de Miles me vrille lew tympans et je n'aime pas le bonhomme...(je suis Chet adfict que Big Miles méprisait... pfff).
RépondreSupprimerMais Pepe à la guitare je me pame (et il y a un beau rouquin avec un beau cor dans l'orchestre). Et j'ai vu Paco en concert 💕
Pas vu le rouquin...
SupprimerPaco, c'était avec John McLaughlin ? ou en solo... J'ai plus de mal Paco, tout seul...
Tu aurais sans doute repérer une rouquine...
SupprimerSeul.
À jeter
RépondreSupprimerMe vrille LES
Chet ADDICT
Chet addict aussi... mais j'ai découvert Miles avant Chet...
SupprimerL’exil, les orangeraies, Aranjuez, un livre qui me parle.
RépondreSupprimerEn lisant le début de ton billet j’ai tout de suite su que tu mettrai le concerto ...
Tu n’imagines pas tout ce qu’il réveille et révèle en moi ce concerto ...
Merci Bibi ... <3 :)
si... j'imagine...
Supprimer... Tu me le prêtes quand ?? ;-)
RépondreSupprimerje ne sais pas... Il faut que je regarde si je l'ai encore... Et si depuis tu ne l'as pas encore lu (trois ans après)...
SupprimerUn livre délicat que l'on prend plaisir à relire aussi. Une histoire intemporel car l'exil existera toujours.
RépondreSupprimerje n'irai probablement pas jusqu'à le relire, mais de mémoire, délicat est un joli mot, une belle sensation, pour décrire ce roman...
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