« Assis là, torturé, balbutiant, à l’écoute de M. Gainsbourg, la fatigue à fleur de peau, si proche de la mort, ayant trop forniqué, avec mes yeux de merlan frit. Toujours aussi minable et con. »
Ainsi commence le roman de Jens-Martin Eriksen. Une chose est sûre, d’entrée de jeu, il me prend par les sentiments, me cite Gainsbourg, et affiche mon vrai visage, minable et con. Dès cette première approche, seul sur mon banc, un cygne blanc qui me regarde d’un air dubitatif, je sens, je sais, que je vais l’apprécier. Parce qu’il y a probablement du moi à l’intérieur, il y a la déchéance d’un homme amoureux qui se pose devant sa machine à écrire et qui ne tape plus, submergé par ses sentiments. Ceux pour Nani, cette belle Nani, sa putain son amour, son putain d’amour. Alors au milieu de volutes salvatrices, il rêve, il chie, il écoute Herbie, il boit des bibines fraîches. Mon univers. D’ailleurs, je me demande pourquoi je n’ai pas encore écrit cette histoire… Maintenant, c’est trop tard. Nani est passée par là et a succombé, mes désirs devenus chimères, ma vie oubliée. De toute façon, je n’étais pas assez - ou trop - pour elle, bandante Nani avec son cul qui ondule entre les pages jaunies.
« Ça a été écrit par quelqu’un qui a souffert en attendant que l’histoire vienne au monde, vienne au monde et reste là. La pression est descendue, et je dis et j’écris que je chiais la vie en un fracas tonnant, retentissant, furieusement tremblant, et je fus délivré. Oh, que Dieu soit avec moi après cette turbulente vidange de merde ! Vous comprenez ce que je veux dire : C’est vraiment l’histoire, l’histoire de mon propre cul, cagué par moi et pour moi, la douleur en ce qui me concerne est insupportable mais disparaîtra sûrement, elle aussi. C’est en tout cas ici mon espoir, juste avant le gong, en ce moment où je viens d’être mon propre évènement mondial et où je vous remercie de votre participation. La seule chose qui me reste ce soir est une douleur au cul. »
Mais je sais que les histoires de mon cul ne vont pas t’emballer plus que ça. A la place, je te parlerai de cette bibine fraîche et danoise comme l’auteur que je suis en train de boire sans saveur. Une bière noire comme l’âme qui me transperce, sombre comme les obscures pensées qui s’égrènent dans cette putain de vie. Je ne vais d’ailleurs pas te la conseiller, le roman non plus, bien que j’ai adoré le livre, mais pas la bière, parce que ce livre n’est pas pour tout le monde, il ne s’adresse qu’à une mini-niche de lecteurs, ceux qui ont des poils dans le cul et une fourrure de bison. Parce qu’il est question de quoi en fait dans ce roman ?
« Nous nous levâmes et partîmes tout de suite. Plus loin, le long de la rame retentissante et sauvage, moi derrière un cul rond et ondulant, recouvert d’une jupe bordeaux. Et là où le bordeaux s'arrêtait commençaient des bas noirs. Je glissais sur ses talons, sans plus aucun intérêt pour le train moche. Il n’y avait que chaleur et humidité là-dedans. Le cul recouvert de bordeaux : ondulant, ondulant, chargeait ma queue jusqu’à l’insupportable, et remplissait mes couilles de cinq cents vingt-cinq mégatonnes de quelque chose d’explosif, pendant que je dansais vertigineusement ici, déjà plus fou que tout. J’aurais pu me jeter de l’Everest par désir dingue, j’aurais pu casser des vitres, manquant furieusement d’autre moyen d’expression. Mais j’étais simplement là, noir dans la tête, et avec une unique pensée : déchirer le monde en multiples morceaux. La couleur bordeaux me rendait dingue, et me donnait des sanglots dans la gorge, je ne touchais plus terre. Je n’existais plus que dans un petit coin sous la partie la plus haute de mon crâne. L’agile chair était si près, mais tout de même cachée derrière un masque bordeaux où je dessinais. Des traits de couleurs jaune et rouge criards, et des courbes risque-tout. Je voyais intérieurement la couleur de mon gland comme la limite ultérieure du mauve. Tout était à deux millimètres de l’Explosion du Monde. Un éclat, et le gland s’enlèverait. L’idée me frappait de plein fouet, une folle dévastation, du sang et de l’onction, de la vaseline et de la profondeur, des membranes fines et des pénétrations sauvages, des bruits au-delà du mur du son, et des couleurs vertigineusement rouges. Le monde disparut et revint momentanément, mais pas avant qu’elle ne se glisse dans son compartiment. »
De l’essentiel de la vie, l’essence de ma vie : une queue, une chatte, mon univers bestial et une explosion à faire mouiller de plaisir la petite sirène de Copenhague qui reste pourtant tant de marbre depuis si longtemps… alangui sur son port attendant le porc qui viendrait lui chatouiller le clito. Oui, la crudité fait partie de ce roman, la vulgarité comme la poésie de l’éjaculation. Prends cela comme une mise en garde. Ainsi je t’éviterai de faire une mauvaise rencontre, aux détours de ces quelques pages anonymes, avec ces mots, ce sexe, ce foutre et ce jus qui coule entre ses cuisses…
Avec ce roman en poche, j’irai bien faire un tour au Danemark. Entendre les mouettes jouir au petit matin. A moins que cela soit la voisine, je sais plus, en terre inconnue je n’ai plus mes repères, je ne connais pas de danoises, sont-elles vraiment blondes, combien d’années se sont écoulées sans avoir fait jouir une femme, combien de mois en mer avant d’être rattrapé par l’appel de la taverne… Mais je sais que tu n’es pas dupe, mes divagations ne sont que meubles pour pouvoir te laisser le temps de lire quelques citations, et te confirmer que ce roman n’est pas pour toi. Juste pour des pauvres types, la gueule minable qui écoute de temps en temps Gainsbourg et encore plus Hancock.
« A cette époque, j’étais capable de regarder les choses en face et te dire que tu étais unique. Et je pouvais dire : Je te comprends, je comprends tes lèvres rouges et tes joues rouges, tes pommettes, ta raie de côté, tes cheveux roux et noir, ta frange, tes seins qui s’écartent un peu vers l’extérieur, ronds et virils, ces seins sur lesquels j’ai encore du mal à jeter un dernier regard, où mes mains tâtonnent encore sauvagement, sauvagement, et je les comprends, comme je comprends ton cul, ton cul qui se soulève sauvagement quand ma queue glisse en toi, tes lèvres avides qui avalent ma queue, ces lèvres qui glissent et glissent sur ma queue, image qui m’obsède, lèvres entourant le bout de ma queue, lèvres qui se serrent autour du lustre au rouge violacé et brillant, succion encore, tes lèvres rouges sur ma queue humide qui sent la semence, encore tes lèvres rouges sur ma queue qui maintenant touche le fond de ta gorge, et je comprends bien tes lèvres rouges Nana, tes Nana-lèvres rouges, ton cul et tes cuisses, je comprends tes cuisses et ta chatte, je comprends ta chatte et tes lèvres et les poils sombres de ta chatte, et mon nez qui comprend glisse à l’intérieur de ton vagin, et je comprends ton vagin mouillé, mouillé et rose et tremblant et qui se soulève, et moi – moi qui comprends si bien -, je disparais avec nez et bouche et lèche et suce et sens ton clitoris contre mon front, et glisse toujours plus haut, et maintenant avec la racine du nez contre ton clitoris, et un jus se répand en abondance de ta chatte que je comprends, ta chatte juteuse que je comprends, et ma bouche et mes lèvres atteignent ton clitoris, et ma langue arrive à ton clitoris, et tu te soulèves dans un cri, un cri que je comprends, et tu ouvres ta chatte vers mon visage, et encore le jus de ta chatte en abondance quand mes doigts empoignent tes fesses, et tout est mouillé, et ma queue glisse dans ta chatte, et cogne et cogne, tout est rouge.
Onanisme. »
Mais, il faut avoir un certain talent littéraire pour déchaîner les clitoris juteux, ma raison d’être, de pauvre être qui erre dans les fantasmes autour d’une bière qu’il n’a pas aimée mais d’une chatte si parfumée. Tout cela est bien dégueulasse, je ne parle pas que de cette bière mais aussi des convenances de cette société ou il faut toujours paraître être un autre type que celui qu’on est au fond de soi. Pauvre type qui erre dans sa bibliothèque et qui a découvert cet écrin de non-poésie avec pourtant une couverture si laide qu’il en ferait gerber sa bière danoise. Heureusement, Nani n’est plus là, elle ne peut voir la déchéance humaine et misérable d’un minable et con à la fois.
« Nani », Jens-Martin Eriksen.
« Je me glissais sur le lit avec mes yeux flasques, avec un understatement qui ne pouvait pas être dit plus clairement. J’enlevais la couverture, et elle était là, et déployait ses jambes, autour de mon corps, et je glissais le plus silencieusement possible en elle, de manière à sentir le fluide de ma queue érigée contre la chatte qui était là comme une fleur couverte de rosée, rouge et ouverte devant moi. Orgasmes glissants et jus et sueur, jusqu’à ce que tout sombre. Je me réveillais lentement au son de The Eternal Herbie Hancock, Jibali, Jibali, et la fumée de la Camel. Je me rappelle la Camel et la voix cassante d’Herbie, You will know when you get there, et une vodka glacée, et corps contre corps, et la bouche et les seins de Nana, et ma langue enroulée autour d’un clitoris qui était, je crois, plus vivant que toute autre chose. Un clitoris qui remuait et mouillait tout seul, sauvage, et ce jus… jus… jus sur mon cou. Et ma queue brillante, dévorée et dévorée. Je présume que nous faisions l’amour et fumions jusqu’à frôler l’anéantissement. En tout cas, la nuit était là. Une nuit de dimanche, mais le nom des jours était sans importance. »
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RépondreSupprimerJ'ai peut-être lu pire, ou du pareil au même..... et ça ne laisse jamais indemne (sexe à outrance et auto-destruction, ça va souvent de pair)
Sinon, une "mini-niche" de lecteurs ? mais c'est un appel à la censure ça, dis-donc !!
Il faut bien un premier commentaire...
SupprimerEh ben !...
RépondreSupprimerJe ne la trouve pas si laide moi cette couverture, j'aime bien ce qu'elle suggère...
Dis donc, t'as cuvé dans le poulailler ??? ;)
Démasqué je suis, car oui j'aime bien les poulettes :
SupprimerEt pour la couverture, c'est probablement dû à la qualité du photographe qui a su mettre le bouquin en lumière, parce que ce jaune pisse, et ce trait de crayon qu'on devine à peine, crois-moi, ça donne pas envie, même si cela donne son coté très en vogue d'"usagé" et de "vintage"
SupprimerCinq cents vingt-cinq mégatonnes... tu pousses un peu.
RépondreSupprimerJe trouve l'écriture un peu facile. Je pense qu'il se laisse emporter par sa propre excitation et finalement, ça m'a fait sourire.
C'est ton auto dénigrement permanent qui est plus... touchant. Tu vas détester l'idée mais je nai pas yro
Après, il faut penser aussi à la phase de traduction... qui dénature ou pas le texte originel, ne lisant pas couramment le danois...
SupprimerOups...
RépondreSupprimertrouvé le mot juste
Je pense que le héros a une gastro, ca peut être douloureux...
RépondreSupprimerAttention cadeau : ne pas mettre devant tous les yeux.
Le temps du bonheur...
http://www.surlarouteducinema.com/archive/2007/05/16/arno.html
OH LA LA LA, ... magnifique !
SupprimerMerci ♡
RépondreSupprimersurtout les photos très personnelles de la fin. Touchantes...
SupprimerJe me doute:-) le temps du bonheur je te dis. Il était...
SupprimerJ'ai pas de mots !
Quelle verve la vache :)
RépondreSupprimerHeureusement qu’Herbie vient radoucir tout ça !
Moi aussi je trouve très belle la couverture.
La bière est vraiment très noire, je ne la connais pas celle ci ! En même temps si je connaissais toutes les bières ce serait inquiétant :)
Bon semaine Bibi
Il n'y a rien d'inquiétant à connaître toutes les bières... bien au contraire... Mais après tout on peut pas être calé autant en bière qu'en jazz...
Supprimerchie dur, chie mou, mais chie dans le trou!
RépondreSupprimerOu ça un trou ?
SupprimerLa Nani d'Eriksen vs la Nana de Zola ?
RépondreSupprimermême poésie !
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