jeudi 8 novembre 2018

Les Quatre Saisons de la Vodka



« C'était un été de grande ivresse.
Ma vie était ainsi faite : il y avait eu, une fois, tout un été de voyages ; et puis l'année d'avant, un été de la musique. Je me souviens toujours avec tendresse de l'été de la passion ; il y en a un autre que je n'oublie pas : celui de la séparation et de la conscience. Ils se distinguent facilement les uns des autres, les mois d'été des différentes années : il suffit de se rappeler leur saveur dominante et la mélodie principale que l'on fredonnait.
Mais il y a aussi l'automne, et l'hiver, et le printemps.
Il y eut l'hiver des morts. Et l'hiver de la paresse et du vide. Qui fut suivi de l'hiver des pressentiments. (Le premier fut humide, je ne remarquai pas le deuxième, le troisième fut tiède, sans chapka.»

Des saisons qui défilent comme des pages qui se tournent. Avec douceur. Il y a des bouteilles qui se vident au grès du vent des quatre saisons. Avec nostalgie. La vodka à flot pour entretenir de petites nouvelles sur les bords de la Volga. Et je crois, confidence pour confidence, que j'aime la vodka comme je suis amoureux de Olga.    

« Le hasard voulut que ces mois d'été-là, l'alcool coulât à flots.
Sa consommation était d'une facilité remarquable : il arrivait à point, on le buvait joyeusement et il quittait le corps insensiblement, pendant un sommeil profond, sans pratiquement laisser de courbatures ni de vertiges. »


Entre deux prodigieuses cuites, saine habitude sous le grand froid, je t'imagine ma Cindirella, un shot de vodka, glisser ma langue entre tes deux cuisses, découvrant ta fine toison, jolie brebis au pubis parfumé à la senteur des steppes sibériennes. Je veux bien finir au goulag, si je garde en moi ce goût du plaisir ultime et comme une vodka glacée qui coule au fond de ma gorge, me réchauffe le cœur, je sens encore la chaleur s'écouler dans le délit pénétré. Sans chapka. Mais la vodka ne fait pas oublier, ces étés douloureux ou chaleureux, ces automnes pleins d'avenir et d'abandon, le silence volubile d'une vodka.   

« J'aime l'odeur d'un lendemain de cuite entre jeunes gens ; je trouve même cela esthétique, lorsque de ses draps se lève un homme frais comme un gardon et qu'il court sous la douche en se moquant de l'image qu'il a donné de lui, la veille. »

Préambule. Avec un roman russe, je prends mes précautions : je prévois toujours une bouteille de vodka au congélo. Les mots sont les maux de ce pays. Il y est souvent, toujours, éternellement question de vodka, et de femmes aux prénoms en a. Une pointe de mélancolie, douceur amère d'un grand pays... Le chagrin d'un été, puis ses espérances qui amènent des rêves de bonheur, avant de sombrer de nouveau dans le spleen des steppes solitaires.   

« A midi moins trois, frais, les yeux clairs, j'entrais au café, je me commandais un verre de vodka et un demi-litre de bière blonde.
Je m'asseyais toujours sur un haut tabouret, face au barman ; c'est mieux si le barman est une femme, mais un homme, ça va encore. Il ne faut pas boire en face d'un mur aveugle, et dans le silence en plus : c'est une règle, et même deux, auxquelles il ne faut jamais déroger.
(mais on peut boire de la vodka avec de la bière, il n'y a rien de mal à cela.)  »

En plus de découvrir un pays, de la Sibérie à la Tchétchénie, en compagnie de jeunes filles peu farouches, de jeunes gars passionnés par les filles et la vodka, j'apprends à vivre en ce milieu « hostile », l’auteur me prodiguant quelques bons conseils du genre que faire lorsque tes chaussures neuves sont trop étroites. Et puis je croise aussi le bison de Sibérie... Ah bon ? Non, là je crois que j'ai eu une hallucination, vodka frelatée probablement, ou delirium tremens givré, ou grosse femme pas épilée. Non, je croise surtout des histoires d'amour et d'amitié, de guerre et de campagne, de putes et de rock'n'roll d'antan. Bref, un cocktail Molotov pas explosif mais plutôt détonant entre mes mains. La littérature russe, j’aime l’aborder sous tous ses genres, mais ce n’est qu’une excuse, un plat prétexte pour sortir du congélo ma bouteille de vodka… 

« La sortie de l'ivresse est un miracle que l'on peut reproduire sans cesse et qui n'en finit pas de nous étonner ; les sensations ne s'émoussent pas. Ce doit être comparable - en aviation - à la sortie d'un piqué. Le grondement dans la tête enfle, la terre plate se rapproche de plus en plus, on est pris de vertige et soudain, ce sont des saccades, les yeux se ferment en une seconde, la tête se renverse en arrière, la gorge se remplit de salive, et c'est à présent le ciel devant soi, les espaces, le bleu.
Je sortis du piqué et me dirigeai vers la gare, à la rencontre de...   »


Une dernière chose, Lola. N'oublie pas, jamais, que c'est pour toi que je me lavais sous les bras...

 « Des Chaussures pleines de Vodka chaude », Zakhar Prilepine.



16 commentaires:

  1. Un livre qui semblait fait pour toi...

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  2. Je peux avoir un cocktail Molotov ?
    Euh tout compte fait, vaut mieux pas :)

    Pas une lecture pour moi mais j’adore ta photo et Arno et tes pompes :)

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    1. Dommage que les pompes ne fassent pas l'homme...

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    2. C'est de la peau de Bison ou de la peau de ... ou de la peau de ... de Bison ?...

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  3. sûrement à lire et à boire sans modération

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  4. j'aime la littérature russe mais pas la vodka ! tu me le conseilles tout de même ? :)

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    1. C'est difficilement dissociable. Je ne comprendrais pas de lire de la littérature russe sans vodka ;-)

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  5. Il y a 2 A dans mon prénom mais il ne sonne pas russe du tout.
    Je crois que je n'ai jamais bu de Vodka même sur un divan d'alpaga.
    Mais Arno est un des artistes que jai le plus vu en concert. Il me sera beaucoup pardonné. Tralala.

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    1. Tout pardonnée tu es, avec cette chance, ce bonheur, cette jouissance d'avoir croisé la route d'Arno en concert... même si ton prénom ne finit pas en a (parce que 3 A, ceal aurait fait un peu trop)

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  6. Olga a quelque chose que les autres nont pas.

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    1. je ne te le fais pas dire, un sourire une paire de jambes un cul un verre de vodka...

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  7. Ça a quelle forme un verre de vodka ?

    Jamais vu Arno en concert ??? A réparer d'urgence avant qu'il décide d'arrêter.
    Il DÉTESTE vieillir.
    Une fois nous avions fait 50 kms pour le voir. Juste à l'heure pour changer... nous etions surpris de trouver une place pour nous garer juste près de la salle en plein Centre ville. Sur la porte, il y avait...
    un arrêt de travail signé de son medecin.
    Impayable ;-)))

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