Mettre
un disque sur la platine, se servir un verre, la soirée sera longue, tristesse
intime à faire hennir les chevaux de plaisir. Le roman, pas d’une franche
gaieté. Bien calé à l’arrière d’une dauphine, je commence l’ouvrage, avec un
minimum d’entrain, je dois l’avouer. Je ne sais pas, j’ai du mal, trop
biographique pour moi, pourtant j’aime la noirceur. L’histoire d’un deuil,
l’histoire d’une femme. Delphine revient sur sa mère, Lucille, qui a souffert
tout au long de sa vie. Et pour comprendre la vie de cette femme, elle doit
remonter jusqu’à son grand-père, Georges au comportement aussi autoritaire et intransigeant
qu’ambigüe. Lucille, pour moi, c’était avant tout la guitare de B.B. King, je
reste dans l’univers de la musique, rien ne s’oppose à la nuit. Osez remuer le
passé, osez marcher sur l’eau et éviter les péages, osez écrire tous ces
secrets. Lourds de sens, ces silences étouffés n’en demeurent pas moins
insupportables. Mais je n’accroche pas à la vie de Georges, elle m’ennuie
presque, je sais pourtant qu’elle est indispensable à la suite, du roman, du
récit. En fait, j’aimais surtout lire les doutes de l’auteure sur le besoin
d’écrire l’histoire de sa mère, un livre qu’elle n’aura jamais lu.
« Lucille est devenue
cette femme fragile, d’une beauté singulière, drôle, silencieuse, souvent
subversive, qui longtemps s’est tenu au bord du gouffre, sans jamais le quitter
tout à fait des yeux, cette femme admirée, désirée, qui suscita les passions,
cette femme meurtrie, blessée, humiliée, qui perdit tout en une journée et fit
plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, cette femme inconsolable, coupable
à perpétuité, murée dans sa solitude. »
Et
Delphine a commencé à me prendre par les sentiments, lorsqu’il était justement
question de sa mère, d’elle et de sa sœur. Ces bouts de vies qui m’ont semblé plus réels que la carte postale de la famille, des souvenirs de vacances dans une
maison de campagne. Oui, passée la première partie, j’adhère plus, les
sentiments deviennent plus forts, plus palpables, ce ne sont plus des discours
feutrés d’autres membres de la famille, ce sont des émotions, ce sont des
impressions, des ressentis, plus rien n’s’oppose à la nuit, rien ne justifie. Aaaaah…
quand j’entends les premiers riffs de cette guitare, j’ai toujours quelques
frissons qui me parcourent diaboliquement l’échine à en avoir la couenne qui
frémit.
Ai-je
le droit de passer à côté d’un tel récit. Ai-je le droit de me sentir en
retrait d’une telle vie. L’enfance de Lucille a conditionné sa folie. Elle est
donc partie intégrante du livre, un roman qui malgré mes doutes était
indispensable à lire, pour ne serait-ce que continuer à lire Delphine de Vigan.
Je ne pouvais pas faire l’impasse, même à l’arrière d’une berline.
« Ai-je le droit d’écrire que ma mère et ses
frères et sœurs ont tous été, à un moment ou à un autre de leur vie (ou toute
leur vie), blessés, abîmés, en déséquilibre, qu’ils ont tous connu, à un moment
ou à un autre de leur vie (ou toute leur vie), un grand mal de vivre, et qu’ils
ont porté leur enfance, leur histoire, leurs parents, leur famille, comme une
empreinte au fer rouge ?
Ai-je le droit d’écrire que
Georges a été un père nocif, destructeur et humiliant, qu’il a hissé ses
enfants aux nues, les a encouragés, encensés, adulés et, dans le même temps,
les a anéantis ? Ai-je le droit de dire que son exigence à l’égard de ses
fils n’avait d’égale que son intolérance, et qu’il entretenait avec certaines
de ses filles des relations au minimum ambigües ? »
« Rien ne s’oppose à la nuit », Delphine de Vigan.
Osez Joséphine m'arrache le cœur, Delphine de Vigan, beaucoup moins !
RépondreSupprimerPour le moment, je suis plus aussi Bashung que de Vigan... Mais comme je continuerai à écouter Bashung, je lirai encore du de Vigan...
SupprimerOui tu as le droit de passer à côté de De Vigan. Jai renoncé après avoir subi 2 livres. Et rien qu'avoir lu les premières lignes de son dernier ouvrage où elle donne des leçons sur comment dire merci, me donne de l'urticaire.
RépondreSupprimerJe trouve que la dame n'écrit vraiment pas bien dans un style que j'appelle "rédaction de CM2"...
Quant à Alain et sa Joséphine (mon 2ème prénom), ils ne prennent pas une ride. Et ce riff...
bah, moi j'ai jamais été doué en rédaction, même en CM2... Mais je lirais tout de même D'après une histoire vraie, pour comparer avec le film que je n'ai pas encore vu non plus j'attends de lire c'est un cercle vicieux...
SupprimerQuel Riff, Joséphine !
Ah ah ah Dapres une histoire vraie. Je te souhaite toute ton indulgence. Dans le livre la dame se donne le beau rôle de la parfaite victime sans défaut. Insupportable. Et le film : triple bof.
RépondreSupprimerUn riff de folie...
La folie d'une histoire vraie, ce riff...
SupprimerOn a le droit de passer à côté de tout ce qu'on veut, mais pas à côté d'une BDC...
RépondreSupprimerDe mémoire j'avais aimé ce livre mais comme toi la première partie m'avait ennuyée. Par contre lorsqu'elle parle de sa mère, les mots ne semblent pas écrits avec les mêmes émotions. Ce sont ceux qui lient une mère à sa fille, aussi complexe que ça puisse l'être.
No et moi n'est pas loin... :-*
La première partie étant des racontars familiaux et donc non vécus, l'émotion n'est pas au rendez-vous contrairement à son histoire avec sa mère...
SupprimerSes "Gratitudes" n'est pas un roman bien gai... "Les loyautés" non plus, mais j'ai davantage apprécié. Bref, écrire sur la joie ne rapporte visiblement pas... ^^
RépondreSupprimerDe toute façon, qui a envie d'être joyeux....
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