Viens…
Je t’emmène, jusqu’au bout de la nuit, au bout de la vie. Une folle nuit
d’insomnie, à Cali. Santiago de Cali, berceau colombien de la salsa et de la
danse. La musique déverse son flot de déhanchements à chaque coin de rue, et
crois-moi, j’aime le déhanchement de ces femmes, dans le genre brune épicée au
sourire ravageur. Timidement, je suis du regard Maria qui n'a de regards que pour ces
ténébreux colombiens aux regards de braise capables de lui traduire les grandes
chansons de rock américain, de danser toutes les sambas de la nuit, de lui
fournir quelques comprimés d’une blancheur cocaïnée… Bref rien pour moi, mais
je me contente d’observer son sourire et sa vie à distance. Elle a de toute
façon l’air si heureuse loin de ma personne que personne ne s’en émeuve la
bouteille de rhum à portée de main la narine hésitante face à cette ligne toute
tracée et immaculée.
Une
ballade et balade, nocturne, musicale, sous le clair de lune, dans les ruelles
sombres et sous cocaïne, odeur puissante d’urine et de vomis. Du rock à la
rumba, des pierres qui roulent, de la mousse dans un verre, Que Viva la
Musica ! dirait un révolutionnaire, suivi de la belle Maria et de son
sourire, fuyant sa clique d’admirateurs à sa suite. Elle est belle, Maria,
toujours aussi belle qu’à son premier chapitre, toujours aussi fraîche même au
bout de la nuit, mélange de jasmin et de sueur, je renifle, non pas de coke
pour moi, juste sa fragrance enivrante, mon envie de lui verser sur son corps
ma bouteille de rhum qui glisse entre ses seins, qui imbibe ses poils pubiens
que je m’empresse de lécher, la langue assoiffée de ces prénoms en a. A moins
que cette nuit de débauche et de rumba ne soit qu’une longue hallucination
solitaire dans l’ombre de la lune bleue.
« Ne te sens jamais rassasiée.
Apprends à ne pas
perdre la vue, à ne pas capituler devant la myopie par laquelle on survit dans
la ville. Arme-toi de tes rêves pour garder ta lucidité.
Oublie l’idée que tu pourras un jour atteindre ce qu’ils
appellent la « normalité sexuelle » et n’espère pas que l’amour
t’apportera la paix. Le sexe est l’acte des ténèbres, et s’énamourer la
conjonction des tourments. Ne caresse jamais l’espoir de parvenir à la
compréhension avec le sexe opposé : il n’y a rien de plus dissemblable et
de moins enclin à la réconciliation. Toi, pratique la menace, le viol, la
lutte, la violence, la perversion et la voie anale, si tu crois que la
satisfaction dépend de l’étroitesse et de la position dominante. »
J’aime
quand Maria me prit la main, me détourna de mon chemin, son sourire si bandant
qu’il en est inhumain, pour le misérable être que je suis, demeure, meure, des
heures à penser à elle, une ritournelle dans la tête qui tourne tourne tourne
comme la mini-jupe virevoltant au-dessus de ses fesses, me montrant la voie de la
vie sa voie anale une voix de l’amour, incompris car on ne comprend plus
l’amour sans mot les maux de demain, à l’ombre des collines, le regard porté
vers la nuit, l’âme tourné vers la lune, les yeux bleuis par ce spleen j’en
vomis de ma vie, une musique un relents. Bientôt, le jour se lèvera, Maria se
détournera, le regard hagard d’une nuit pétillante, le sourire toujours aussi
lumineux que la lune, de mon regard, elle allumera le poste de radio, un air de
Rolling Stones, sans Brian Jones, crachera son rock anglais et à la manière d’une
révolutionnaire les seins à l’air entonnera l’hymne de tout un peuple :
« Que Viva la Musica ! »
« Que Viva la Musica ! », Andrés Caicedo.
Traduction : Bernard Cohen.
« On écoutait de la musique vingt-quatre
heures sur vingt-quatre, vu qu’avec la cocaïne on ne dort jamais. J’ai
emmagasiné une culture impressionnante. Qu’on ne vienne pas me dire que Brian
Jones est mort d’irresponsabilité ou de flemme, pas même de chagrin d’amour.
Les choses ne sont pas si simples : il est mort de désenchantement. C’est
lui qui les avait tous réunis, qui avait été le premier à déchiffrer la
musique, qui leur avait tout appris, qui était le plus photogénique, qui
s’était essayé aux instruments les plus rares, cithare, harpe, marimbas, toutes
sortes de cordes et de cuivres, mellotron, violoncelle, tandis que ce taré de
Keith Richard se contentait de faire « chaca-chaca ». Il voulait
chanter, lui, le joli petit singe. C’est le Jagger qui l’en a empêché,
l’éternel exhibitionniste. Ensuite, ça a été impossible de composer pour qu’un
usurpateur chante à sa place, et le travail à fond, donner tous ces concerts
parce que c’est ce qui rapporte le plus d’argent, faut pas oublier que Jagger
avait étudié l’économie deux ans, et puis le coup le plus dur : une nuit,
Keith Richard s’est occupé d’Anita Pallenberg, la gadji de Brian, celle qu’il
aimait à la folie, tu la vois avec son air de se moquer de tout le monde et ses
grandes dents, je ne sais pas ce qu’elle a pu trouver de bien à ce Richard aux
chicots cariés, il y a des femmes qui sont vraiment bêtes. Le lendemain ils
sont allés ensemble chez Brian pour lui annoncer qu’Anita se le tapait. Ils ne
l’ont pas trouvé. Ils l’ont cherché à Londres, puis à travers tout le grand
Londres, et ils ont fini par tomber sur lui dans un bois des environs, en train
de souffler dans sa flûte. Anita lui a dit : « Brian, c’était pour te
prévenir que je vais vivre avec Keith », et le Keith ne le quittait pas
des yeux. Brian s’est levé, il a souri sans rien dire, il les a vaguement serré
dans ses bras, de cette manière qu’il avait, et il n’a plus joué de flûte. »
Effectivement on ne peut pas toujours avoir ce qu'on veut. Mais c'est un de mes (nombreux) morceaux préférés de ces satanées vieilles pierres.
RépondreSupprimerUn roman colombien où la musique des Stones est omniprésente...
SupprimerRien de telle qu'une bonne blonde pour oublier une belle brune !
RépondreSupprimerEnfin, il paraît...
pas sûr, tout de même... parce que la brune épicée ne s'oublie jamais...
SupprimerLes épices de la Belle te donnent soif... hey Rufus, une frette pour le Bison ! :D
RépondreSupprimerEt pour la révolutionaire les seins à l'air...
J'ai toujours soif... Encore plus en période révolutionnaire !
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