vendredi 11 octobre 2019

Rum y Rumba


Viens… Je t’emmène, jusqu’au bout de la nuit, au bout de la vie. Une folle nuit d’insomnie, à Cali. Santiago de Cali, berceau colombien de la salsa et de la danse. La musique déverse son flot de déhanchements à chaque coin de rue, et crois-moi, j’aime le déhanchement de ces femmes, dans le genre brune épicée au sourire ravageur. Timidement, je suis du regard Maria qui n'a de regards que pour ces ténébreux colombiens aux regards de braise capables de lui traduire les grandes chansons de rock américain, de danser toutes les sambas de la nuit, de lui fournir quelques comprimés d’une blancheur cocaïnée… Bref rien pour moi, mais je me contente d’observer son sourire et sa vie à distance. Elle a de toute façon l’air si heureuse loin de ma personne que personne ne s’en émeuve la bouteille de rhum à portée de main la narine hésitante face à cette ligne toute tracée et immaculée.

Une ballade et balade, nocturne, musicale, sous le clair de lune, dans les ruelles sombres et sous cocaïne, odeur puissante d’urine et de vomis. Du rock à la rumba, des pierres qui roulent, de la mousse dans un verre, Que Viva la Musica ! dirait un révolutionnaire, suivi de la belle Maria et de son sourire, fuyant sa clique d’admirateurs à sa suite. Elle est belle, Maria, toujours aussi belle qu’à son premier chapitre, toujours aussi fraîche même au bout de la nuit, mélange de jasmin et de sueur, je renifle, non pas de coke pour moi, juste sa fragrance enivrante, mon envie de lui verser sur son corps ma bouteille de rhum qui glisse entre ses seins, qui imbibe ses poils pubiens que je m’empresse de lécher, la langue assoiffée de ces prénoms en a. A moins que cette nuit de débauche et de rumba ne soit qu’une longue hallucination solitaire dans l’ombre de la lune bleue.


« Ne te sens jamais rassasiée.
Apprends à ne pas perdre la vue, à ne pas capituler devant la myopie par laquelle on survit dans la ville. Arme-toi de tes rêves pour garder ta lucidité.
Oublie l’idée que tu pourras un jour atteindre ce qu’ils appellent la « normalité sexuelle » et n’espère pas que l’amour t’apportera la paix. Le sexe est l’acte des ténèbres, et s’énamourer la conjonction des tourments. Ne caresse jamais l’espoir de parvenir à la compréhension avec le sexe opposé : il n’y a rien de plus dissemblable et de moins enclin à la réconciliation. Toi, pratique la menace, le viol, la lutte, la violence, la perversion et la voie anale, si tu crois que la satisfaction dépend de l’étroitesse et de la position dominante. »

J’aime quand Maria me prit la main, me détourna de mon chemin, son sourire si bandant qu’il en est inhumain, pour le misérable être que je suis, demeure, meure, des heures à penser à elle, une ritournelle dans la tête qui tourne tourne tourne comme la mini-jupe virevoltant au-dessus de ses fesses, me montrant la voie de la vie sa voie anale une voix de l’amour, incompris car on ne comprend plus l’amour sans mot les maux de demain, à l’ombre des collines, le regard porté vers la nuit, l’âme tourné vers la lune, les yeux bleuis par ce spleen j’en vomis de ma vie, une musique un relents. Bientôt, le jour se lèvera, Maria se détournera, le regard hagard d’une nuit pétillante, le sourire toujours aussi lumineux que la lune, de mon regard, elle allumera le poste de radio, un air de Rolling Stones, sans Brian Jones, crachera son rock anglais et à la manière d’une révolutionnaire les seins à l’air entonnera l’hymne de tout un peuple : « Que Viva la Musica ! »

« Que Viva la Musica ! », Andrés Caicedo.
Traduction : Bernard Cohen.


« On écoutait de la musique vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vu qu’avec la cocaïne on ne dort jamais. J’ai emmagasiné une culture impressionnante. Qu’on ne vienne pas me dire que Brian Jones est mort d’irresponsabilité ou de flemme, pas même de chagrin d’amour. Les choses ne sont pas si simples : il est mort de désenchantement. C’est lui qui les avait tous réunis, qui avait été le premier à déchiffrer la musique, qui leur avait tout appris, qui était le plus photogénique, qui s’était essayé aux instruments les plus rares, cithare, harpe, marimbas, toutes sortes de cordes et de cuivres, mellotron, violoncelle, tandis que ce taré de Keith Richard se contentait de faire « chaca-chaca ». Il voulait chanter, lui, le joli petit singe. C’est le Jagger qui l’en a empêché, l’éternel exhibitionniste. Ensuite, ça a été impossible de composer pour qu’un usurpateur chante à sa place, et le travail à fond, donner tous ces concerts parce que c’est ce qui rapporte le plus d’argent, faut pas oublier que Jagger avait étudié l’économie deux ans, et puis le coup le plus dur : une nuit, Keith Richard s’est occupé d’Anita Pallenberg, la gadji de Brian, celle qu’il aimait à la folie, tu la vois avec son air de se moquer de tout le monde et ses grandes dents, je ne sais pas ce qu’elle a pu trouver de bien à ce Richard aux chicots cariés, il y a des femmes qui sont vraiment bêtes. Le lendemain ils sont allés ensemble chez Brian pour lui annoncer qu’Anita se le tapait. Ils ne l’ont pas trouvé. Ils l’ont cherché à Londres, puis à travers tout le grand Londres, et ils ont fini par tomber sur lui dans un bois des environs, en train de souffler dans sa flûte. Anita lui a dit : « Brian, c’était pour te prévenir que je vais vivre avec Keith », et le Keith ne le quittait pas des yeux. Brian s’est levé, il a souri sans rien dire, il les a vaguement serré dans ses bras, de cette manière qu’il avait, et il n’a plus joué de flûte. »   

6 commentaires:

  1. Effectivement on ne peut pas toujours avoir ce qu'on veut. Mais c'est un de mes (nombreux) morceaux préférés de ces satanées vieilles pierres.

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    1. Un roman colombien où la musique des Stones est omniprésente...

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  2. Rien de telle qu'une bonne blonde pour oublier une belle brune !
    Enfin, il paraît...

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    1. pas sûr, tout de même... parce que la brune épicée ne s'oublie jamais...

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  3. Les épices de la Belle te donnent soif... hey Rufus, une frette pour le Bison ! :D
    Et pour la révolutionaire les seins à l'air...

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    1. J'ai toujours soif... Encore plus en période révolutionnaire !

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