mardi 5 avril 2022

Dreamer, tu sais que tu es un rêveur...


 Je regarde la vitre, ou derrière la vitre, des gouttes de pluie ruissellent le long de sa paroi lisse, laissant des rides sur le temps qui s’écoule. J’attends un rayon de soleil comme on espère une fin de pandémie. Avant que la population ne se transforme en zombie comme pour la fin des temps, celle-ci vit recluse chez elle, cloitrée par obligation, par choix ou pas solitude entre quatre murs froids et quelques vitres sales sur lesquelles les rêves se fracassent silencieusement. 

« De l'autre côté de la vitre, il y a la mer. J'habite à des centaines de kilomètres, pourtant l'océan s'est étendu jusque chez moi. Je l'entends nettement rouler son écume au pied de l'immeuble, des cormorans dansent face au vent, le soleil repeint le linoléum de lumière, c'est jaune et doux sur mes paupières.
Parfois, c'est la nuit. L'hôpital se vide et le silence, liquide, envahit tout. Le bâtiment s'enfonce dans la pénombre comme un bateau qui sombre, lentement, avec grâce et indifférence. »

  Je suis écrivain, je suis journaliste, je suis infirmier, je suis institutrice en talons hauts – chacun ses fantasmes-, je suis boxeur, je suis lecteur.
Je soigne les coups, ou j’en donne contre la vitre ou contre ma femme, je soigne les plaies de la solitude, les maux du quotidien, je distille mes bonnes humeurs comme mes mauvaises au gré d’un ou deux verres pour ne pas parler de bouteilles.
Je, je , je assez parler de moi, parlons de nous. Que faisions nous pendant ces jours, ces semaines, ces mois où dehors circulait un méchant virus, ou dedans s’ébruitait une solitude ? Chacun son vécu, chacun ses espérances ses rêves ses oublis ses peurs. Et puis un jour, la délivrance, celle de ne plus porter de masque, celle de revoir des sourires, celle de boire un verre autrement que par écran et tablette interposés. Oui c’était aussi ça, les apéros distanciels. Mais pour combien de temps ? Le démon – ou le virus – est libre de réapparaître à tout moment, ce n’est qu’une question de temps, il a le luxe d’attendre des jours meilleurs, comme ceux d’ouvrir les fenêtres pour laisser rentrer le soleil ou les rêves abandonnés un temps.
 
« Guillerette, elle sauta les dernières marches et essuya du revers de sa manche ses yeux embués. Dans le hall d'entrée, par réflexe, elle sortit le masque de son sac à mains, hésita, puis le rangea sans regret. Tant pis pour le virus. Hors de question de ne pas arborer son sourire éclatant à la face du monde. »
 
  C’est vêtu de son slip rouge que l’auteur nous propose une radiographie de ces jours passés chez soi, enfermés – comme des prisonniers aux Baumettes – à mettre du baume sur notre cœur. La Covid-19 - et plus si affinité – touche tout le monde, à des degrés divers, des types qui se font maître d’école, des types qui boxent leur femme – normal les salles de sport ont baissé le rideau, ring clos et punching-ball silencieux, des types qui culpabilisent de laisser mourir dans une profonde solitude leur mère, dans un lieu reculé ou un mouroir animé. Des remises en question sur soi, sur son couple, sur sa vie. Ces quelques instantanés d’une vie – en dehors de la vie – auront d’ici quelques années l’aspect d’un témoignage d’une époque, d’une catastrophe planétaire, d’une pandémie d’ici et d’ailleurs, tragique, comique, bienveillante, résiliente. Un avant et un après, même si l’après, nous ne le connaissons pas encore…     

« Le Bruit du Rêve contre la Vitre », Axel Sénéquier.

Dans les marais charentais, les batraciens portent des slips rouges - ou pas.





« Confinement, distanciation sociale, vie masquée et côtoiement journalier de la mort, le monde qui s’ouvrait béait comme un puits noir. »

10 commentaires:

  1. Après le temps de la peur, de la sidération, de la maladie, il y a la convalescence

    Et suite à cet apprentissage progressif, retour chez l’humain de sa puissance

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    1. Heureusement qu'entre tous ces temps,
      il y eut le temps de la bibine,
      à conjuguer au passé, au présent et au futur.

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  2. Un Bison en talons hauts, je demande à voir...^^

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    1. Et une grenouille en slip rouge, ça donnerait quoi ?

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  3. Le monde qui bêêêê m'a mise en joie comme la neige qu'on pelte !

    Bon, rien à voir, mais je m'attaque à Jim Harrison :-)

    Nothing but a dreamer...
    Que c'était bon les Supertramp.
    ça m'a rappelé ça : https://youtu.be/Eab_beh07HU Bien plus complexe que ce qu'on croit.

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    1. Fan des Supertramp, je suis. Depuis toujours, depuis le début.
      Fan des Beach Boys aussi, peut-être un point en-dessous des Supertramp.
      Mais je suis encore plus fan de Big Jim.
      J'en ai lu, lu et relu...
      Tu t'attaques auquel ? oui, je sais je peux parfois paraître très indiscret...

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  4. Davla ou Dalva... j'ai du mal avec son prénom. C'est BEAU.

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    1. "Le roman des grands espaces : la preuve, par la littérature, que l'on est ce que l'on fait. Une invitation à la sculpture de soi."
      François Busnel, L'Express.

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  5. Mais quel beau titre. Et quel bel auteur qu'il me faut découvrir.
    Distanciation, ce mot devenu viral, presqu'immoral. Et le rêve, qui se poursuit, malgré l'agitation, Supertramp dans son sillage. Merveilleux.

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    1. Et tu connais ce Don Papa, édition Masskara ? Merveilleux !
      Inspiré du festival masqué annuel aux Philippines (qui célèbre aussi la fin de la récolte de la canne à sucre en octobre), il est infusé avec du Calamansi (genre de citron vert Philippin), du Siling Labuyo (petit piment Philippin) et du Miel du Mont Philippin Kanlaon...

      Sublime. Un rêve éveillé. Dreamer...

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