mercredi 13 avril 2022

Pure Doll Idole

 


Vue sous cet angle, Mima possédait un corps plutôt sensuel. Son tour de poitrine dépassait sans doute les 80 centimètres. Elle avait jusqu’à présent avancé sur le chemin de la « Cutie Rose » en cachant délibérément ses charmes. Dorénavant, elle ne se gênerait plus. Tadokoro souhaitait voir Mima déployait tous ses atours. De nouvelles phrases d’accroche étaient aussi en train de germer dans son esprit : « Neo Sexy », « Cutie Fashion », « Nude Heart ». Chacune des accroches qui lui venaient allait à l’encontre de l’ingénuité de Mima.

 

Nuit noire, nuit sauvage.

Dehors une légère pluie scintille sous le regard triste d’une lune bleue. Sur le plateau de télévision, le souffle coupé, le silence s’est éteint. Clap. Une lumière rouge vient de se déclencher sur la caméra. D’autres lumières s’allument subitement sur le devant de la scène. Clac, coups de projecteurs aveuglants. Le son monte, monte, monte comme le désir du spectateur. La lumière gicle d'un coup, puis se dirige langoureusement vers cette poupée adolescente au déhanchement aguichant, au déguisement provoquant. Finie l’ingénue jeune fille, la nouvelle jeune femme se présente à vous et à vos fantasmes. Le monde de la J-Pop mue comme l’adolescence.

 

Nuit bleue, nuit hurlante.

A l’ombre du plateau, un homme guette. Un pervers, un malade. Un homme pur. 

 

Le costume était d’ailleurs lui-même plutôt éloigné de ce côté ingénu. Il était composé d’un débardeur mettant en valeur le décolleté et maintenu par des petits cordons décoratifs qui, lors des mouvements intenses, laissaient bouger librement sa poitrine. La minijupe froncée blanche allait ondoyer avec légèreté et donnerait l’effet d’être sur le point de tomber à tout moment pour tenir les spectateurs en haleine. Les longues chaussettes blanches et les gros rubans fixés sur la tête et à l’arrière de la jupe souligneraient le côté mignon de Mima en même temps qu’un aspect sexy qui créerait un fort contraste. Cette image pervertie allait faire parler d’elle. 

 

Parce que l’homme est pur, il renie la transformation de son « idole », idole un mot bien étrange dans notre contexte occidental, genre icône pop genre une obsession je dirais. Mais comme justement l’homme est pur, de son cœur à son sexe, il veillera à garder en lui la toujours joliment kawaï petite Mima. Bien au-delà, du pensable et de l’imaginable.

A l’ombre de la scène, un fan surgit. Fan et pur, l’homme dans l’ombre.

 

L’histoire, elle, commence bien. Un avertissement de l’éditeur français, qui n’a pas souhaité censurer le roman et rester ainsi fidèle à l’auteur – ce qui me parait normal sinon autant ne pas le publier, mais qui me conseille de commencer direct au chapitre deux si je n’ai pas envie de lire, en détail, parfois très graphique et forcément très glauque, le viol d’une petite fille. Voila, le côté malsain mis en scène dès les premières lignes, de quoi poser les bases d’une atmosphère suffocante à vous tordre les tripes et vous serrer la gorge. Bref, j’imagine que je ne vais plus pouvoir respirer, pas que le côté malsain fasse de moi un détraqué de plus, mais dans la littérature exagérer les sentiments et le choc des images perçues provoque autant de souffrance que de plaisir, y compris chez les psychopathes. Inversement, la seconde partie du roman se gâte, à mon goût totalement subjectif, par son côté grand guignolesque. Des litres et des litres de sang giclent de toute part comme dans un « bon » film de série B, genre gore à outrance, promotion sur l’hémoglobine, deux poches de sang achetées la troisième offerte, je vous remettrai bien un petit peu de couenne... Bref, la métamorphose d’une idole a un prix et me voilà rapidement éjecté de l’ambiance malsaine que j’imaginai. Serait-ce moi le psychopathe qui se complairait dans une telle atmosphère, sombre et dérangeante. Toujours est-il que si j’imaginais déjà ma punch-line pour attirer le lecteur lambda amateur de manga ou de viol de petite fille : « Perfect blue, aussi cru qu’un sashimi, plus saignant qu’un bœuf de Kobe », au moment de l'addition, je reste personnellement sur ma faim, il faut dire que ça fait des années que je n'ai pas mangé dans un bon restaurant japonais. Cela dit, j’ai, après cette lecture en demi-teinte, comme une envie de revoir la version de Satoshi Kon, vue il y a maintenant plus de vingt ans…       

 

« Je suis un vrai fan, Mima. Un fan pur. Je ne me suis jamais masturbé en pensant à toi. Je suis prêt à mourir pour toi. »

 

« Perfect Blue », Yoshikazu Takeuchi.

Traduction : Yacine Youhat.

 

Sur une masse critique, 
Merci donc à Babelio et les Éditions Ynnis,
un bleu parfait comme le sourire de la lune.
 


2 commentaires:

  1. Réponses
    1. j'imagine que le cinéphile, amateur de manga, tu dois avoir une idée plus précise du film ? que j'ai oublié, faut que je le revois pour comparer à l’œuvre littéraire originelle...

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