samedi 27 août 2022

La Fugue d'Arthur

Au temps d'une pandémie et d'un pass sanitaire, Sylvain s'en va battre la campagne de la Meuse à la Reie. Il s'en cours sur les traces de la fugue d'Arthur. La fulgurance d'un poète maudit, Arthur Rimbaud entre deux versants d'une colline, entre deux méandres d'un fleuve. Sous la pluie ou dans la brume, je les imagine tous deux discourir autour d'un verre de bière, une Blanche de Bruxelles, de Namur ou de Bruges. Il est cinq heures du soir au Cabaret Vert.    
 
"La poésie est le mouvement des choses. Rimbaud se déplace sans répit, change de point de vue. Ses poèmes sont des projectiles. Cent cinquante ans plus tard, ils nous atteignent encore. Quand le monde se fige, c'est la mort. Aucune poésie ne survit au formol. Voyez les quarantaines sanitaires." 
 
En fait de bières, il n'en sera jamais question. Ni même de vodka, si cher à mes souvenirs baïkaliens. Il faut dire que le gamin n'est pas en âge de boire. Et que contrairement aux illustres poètes que je peux fréquenter littérairement, Arthur n'a guère besoin d'alcool, de LSD, d'opium ou de mescaline. Arthur, l'être pur, le génie inné qui apprend de ses classiques - donc de ses maîtres - aussi sobrement que moi je m'enfile des bibines. Il voyage à travers les mots, je voyage à travers les houblons. Chacun son passeport pour l'autre monde, celui de l'imaginaire et des lettres.  

 
"Lire Rimbaud ou voyager dans la nuit polaire. On avance, on perce des voiles de brouillard, on découvre des icebergs : ce sont les mots. Ils passent dans la brume."
 
J'aurais pu prendre la mer à bord d'un bateau ivre, ne dit-on pas qu'Arthur Rimbaud sait mieux décrire la mer sans l'avoir vu qu'un Tabarly à bord de son Pen Duick. Il a l'ivresse dans les mots, pas dans sa conduite. L'inverse d'un Tesson avant sa chute. La légende d'Arthur se naît de sa navigation à travers les flots d'image. J'allume la radio, des chroniques estivales qui seraient tombées à l'eau si cela s'était appelé un hiver avec... Mais bon, on est en été, je bois une bière blanche sur ma terrasse - j'ai pris une photo pour immortaliser la poésie de cet instant présent, feuillette quelques paragraphes, à prendre de-ci de-là, j'imagine même qu'elles peuvent se lire dans le désordre, la ballade proposée n'est pas linéaire. Le voyage au final reste en de-ça de mes espérances, restant à quai quand Sylvain me promettait d'embarquer. Mais à l'ombre d'un rayon de soleil, dans le silence d'une bière, je suis bien, j'ai tout de même passé un été avec Rimbaud, ce n'est déjà pas rien...  
 
"Dans Alchimie du verbe, texte d'Une saison en enfer, Arthur décrit les noces de la lumière et de l'eau. La description d'un coucher de soleil, tel que le peignit Monet à Pourville en 1882, est l'exercice littéraire le plus difficile : en général, il en ressort le kitsch, la banalité, l'ennui.

Rimbaud ne prend pas une photo avec son iPhone en tendant le bras devant le ciel (ce geste est l'oraison de l'homme connecté). II préfère ceci :

Elle est retrouvée !
Quoi ? l'éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil." 


"Un été avec Rimbaud", Sylvain Tesson.
 

 

10 commentaires:

  1. Bonjour le Bison, j'ai écouté pendant tout l'été 2021, Un été avec Rimbaud. Je l'ai même en podcast: passionnant. C'est bien que ces émissions soient éditées un an après en livre. Bon dimanche.

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    1. J'aime bien l'écouter (genre la grande librairie) même si parfois, j'ai l'impression de ne pas tout comprendre de ses mots...

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  2. Sylvain est toujours limpide comme de l'eau de roche... Mais évidemment, toi, tu préfères tout sauf de l'eau ;-))
    Sans rire, c'est un des rares à ne jamais dire des "euh" entre ses mots/phrases, et rien que ça c'est captivant !!

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    1. je conçois cette captation, j'adore également l'écouter, mais son vocabulaire par moment m'échappe, je n'ai pas sa culture, ses références, ses mots, mais je me laisse souvent pris par sa poésie quand il me propose des voyages - moins intérieurs...

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  3. Ai pu poser quelques mots sur cette lecture.... Mais j'savais pas trop par où commencer. N'est pas Tesson qui "veut" ! (lol)

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    1. Non, sûr que j'ai rien d'un Tesson moi non plus... Même dans la descente de vodka, je n'aurai pas son humilité...

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  4. PS : pourtant tu es amateur de nombreux voyages (littéraires) intérieurs.... Hesse, Fermine, Claudel, etc

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    1. Oui, mais là, je l'ai déjà dit, je ne comprends pas tous les mots qu'il emploie...

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  5. Tiens, c'est intéressant et je lis aussi l'échange de commentaires entre Anne et toi. De Tesson je ne connais que ses voyages, ses errances, qui sont aussi de grands voyages intérieurs. J'aime l'entendre, j'aime la couleur de ses réflexions.

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    1. j'aime aussi ses voyages, mais je n'ai pas son bagage philosophique donc sur du statique, il me perd parfois...

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