mardi 2 mai 2017

Dylan ou Morrison

« - Tu veux écouter de la musique ? a dit Jenny en entrant dans le salon. Je lui ai dit que oui, elle a mis l’appareil en marche à la cuisine. J’ai écarté la tentation d’écouter Dylan et j’ai mis Astral Weeks de Van Morrison, et quand Jenny est revenue, avec une bouteille de vin et deux verres, nous nous sommes assis l’un en face de l’autre et avons laissé le disque tourner, tout en conversant avec une fluidité favorisée par l’alcool et la voix rugueuse de Van Morrison. » 

Je débouche la bouteille de vin, un petit rouge sans prétention, vin de la Drôme. Sans cérémonial, je verse deux grands verres à pied, regarde sa robe, hume son parfum comme je le ferai pour elle. Une bougie pour l’ambiance, pour ne pas boire dans le noir. Pas trop de lumière, pour ne pas mépriser mon regard, mais pas l’obscurité complète non plus, pour ne pas rajouter l’aspect glauque à la scène. Assis sur un coussin à même le sol, je n’ai pas de Dylan, mais glisse dans la fente du lecteur, la voix de Van Morrison et son Astral Weeks.


Je ferme les yeux, sentir les vapeurs de ce vin m’envelopper comme un bouquet de jasmin en fleurs. Les souvenirs montent à la tête, m’enivrent et me réchauffent. Cette voix me donne des frissons, autant que la tête posée sur tes cuisses nues. Il m’émeut, ce vieux de Belfast, l’émotion qu’il chavire dans ses chansons me bouscule toujours. Autant. Aux temps nocturnes, aux temps intempéries, je me repose sur lui pour continuer à avancer dans mon temps, finir mon temps avec ce bercement musical et imaginer qu’à l’autre bout du monde, quelqu’un débouchera également une bouteille de vin, sans prétention non plus, blanc ou rouge, en écoutant un disque de Van Morrison.

Mon verre est fini, la bouteille presque aussi. Il reste un des deux verres qui n’a pas bougé posé sur la table du salon, autel de ma passion, entre des disques et des bouquins sans prétention, la bougie s’essouffle, le vent souffle une dernière fois avant de s’endormir sous la lune. Je ne sais plus dans quel livre j’ai trouvé la citation, cela m’embête. Est-ce qu’un jour j’écouterai Dylan ? Le disque est fini lui aussi, j’approche mes lèvres de la bougie, souffle un coup pour l’éteindre, une fine fumée s’élève, j’adore cette odeur de bougie qui s’éteint, et je respire seul dans le noir, seul dans ce silence que j’adore, ce silence qui est ma vie. 

14 commentaires:

  1. N'est elle pas belle cette robe ? Ce rouge andalou et la fumée de cette bougie qui vient d'être soufflée ...

    Je te Van ...


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  2. Merci Bison pour ce très beau moment. En cette circonstance je pense que le Van est plus approprié que le Zim. Ce dernier demeure trop "intellectualisé" pour ce type d'émotion vespérale. Et n'oublions pas qu'à la sortie d'Astral weeks le Morrison était encore très jeune et sortait du Maritime Hotel de Belfast (il en parle dans sa chanson Story of Them, Them, le premier groupe de Van, Gloria, la reprise si sonnante de Baby please don't go, Mystic eyes). A la tienne Old Buffalo, au Van et à l'Irlande, fût-elle du Nord.

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    1. Je ne connais pas son époque Them, à part bien sûr les grands titres qu'il a repris plus tard sous son nom. Astral Weeks, la force de la jeunesse...

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  3. Mais que c'est BEAU !
    Surtout à cette heureuse étrange...
    Big up pour le flûtiste.

    Il y a donc du Vin Sobre(s) !

    Et bien sûr que tu écouteras Dylan. Même si le silence après Van est encore Van.

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    1. Il n'y a point d'étrange heure pour écouter Van. Ce serait même de ne pas écouter son silence qui serait étrange...
      Dylan, je ne sais pas si j'ai même vraiment envie de l'écouter....

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  4. Les deux mon Captain Cœur de Buffle, même si, je te l'accorde, ce Van sans Portes et sans Eux nous donne envie d'aller danser à poil sous la lune comme aucun autre.

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    1. Tous à poil, sous la lune. Belle idée !

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    2. Danser à poil sous la lune ou le cul à l'air dans un lac gelé, l'un ou l'autre, l'un et l'autre. Le majeur frétillant sur une peau de grizzly, fuck le blizzard...

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    3. dans un lac gelé, le majeur va avoir frette. Pas sûr qu'il frétille encore.

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  5. Dylan ou Morrison, dans la nuit astrale, les sens enivrés, que dire de plus, tabarnak...

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    1. ne rien dire de plus, juste écouter le son d'une bouteille de vin que l'on débouche et verse dans un grand verre... Ostie de calisse.

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  6. Revenu presque par hasard, je confirme "Qu'est-ce que c'est bien!" So long!

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    1. on y revient toujours pas hasard, au Vinsobres... :D

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