« La solitude me sonne dans
la tête. Un son de clochette, très aigu, à me casser les oreilles. Pour que les
autres ne le remarquent pas, je lacère une photocopie. Fines et longues
lanières. Le bruit agaçant du papier qui se déchire couvre au moins celui de la
solitude. »
Elle
occupe un bureau, au fond de la classe. Seule. A la pause, elle se pose à la
fenêtre et regarde la cour de récréation. Seule. A midi, elle s’installe pour
manger son bento. Seule. La solitude au lycée ne se vit pas forcément bien.
Jamais réellement choisie, surtout quand les groupes de travail se forment et
qu’à la fin, elle se retrouve toujours seule, ou la dernière à être choisie
pour intégrer d’autres filles qu’elle trouve immatures.
A
quelques rangées de là, il y a bien ce garçon qui lit cet étonnant magazine de
mode en cours de maths. Il parait même plus seul qu’elle. Elle tente un
rapprochement. Il l’intrigue, la façon dont il s’isole du reste du monde. Un
début de quelque chose, peut-être… Sauf que le garçon n’a d’yeux et de pensée
que pour cette stupide mannequin-chanteuse-vedette, avec des jambes aussi
longues que… Un vrai otaku.
Derrière
l’apparence presque d’un manga littéraire sans image, Risa Wataya écrit un petit roman sur le spleen de la jeunesse
japonaise, sur l’exclusion et la solitude d’une génération désenchantée. L’écriture
est fluide, la lecture rapide et finalement le sujet bien plus profond que ne
le laissait présager cette couverture Picquier. Un roman, un « Appel du Pied » qui lui valut le
prix Akutagawa (en même temps que l’excellent
« Serpents et Piercings »
de Hitomi Kanehara), écrit à
dix-neuf ans, pendant sa seconde année de fac… 4 romans à son actif, et déjà 3 prix
littéraires… Un certain prestige de l’écriture.
« Tous les jours, j’avais l’impression de
vivre pour avoir quelque chose à raconter. Le silence me faisait peur, l’abîme
d’eau froide du silence dans lequel sombrent les bateaux, et je mettais tout
mon cœur à le combler par mes récits de ce qui m’étais arrivé la veille. Je me
suis coupé le doigt, là. Hier soir, à la télé c’était marrant. Ce matin, mon
poisson rouge est mort. Les évènements de la journée ne suffisaient pas et l’eau
du silence suintait de toutes parts. »
Comment
trouver sa place dans cette société faite de bruit et dont le silence des vies
est devenu incompréhensible pour bon nombre d’entre nous. Est-ce qu’il faut s’accepter
soi-même pour accepter les autres ? Le malaise de cette jeunesse est
palpable, l’amour ou l’amitié sont presque devenus des sentiments étranges pour
ceux qui se retrouvent ancrés et attachés à cette corde de solitude.
« Appel
du pied », Risa Wataya.
Une fois de plus, tu sais te montrer convaincant et nous donner envie de découvrir ce livre... Et je viens de voir qu'il est dans ma PAL, je n'en ai pourtant pas le moindre souvenir !!
RépondreSupprimerJe ne sais pas si je suis convaincant, mais...
SupprimerJe me demande si ce roman ne plairait pas plus à une grenouille frétillante qu'à un vieux crapaud baveux. Je pense qu'il intéressera en effet plus les jeunes, cœur d'adolescente, que des vieux croutons... Et moi ? Ai-je un cœur d'adolescente qui bat en moi ou ai-je déjà l'esprit enterré dans une tombe sauvage...
On sait tous que sous ton épaisse et poussiéreuse fourrure se cache une midinette au petit cœur tout mou... ^^
SupprimerLa déchirante solitude, mais si apaisante à la fois. Quand deux âmes solitaires se rencontrent, le sont-elles plus ou moins?
RépondreSupprimerIl faut respecter le silence de l'autre je suppose. Le silence est solitude et la solitude silence.
T'as compris quelque chose toi dans mes mots?
Câlisse :-)
Attends, je reprend d'abord un verre de rhum avant de te relire :-)
Supprimerje garde un très très bon souvenir de ce roman. Une fille que l'on a envie de secouer par moment quand même.
RépondreSupprimerSi tu as une recette pour secouer les ados, fais partager ! :-)
Supprimer