Le soleil se couche sur les escaliers qui mènent de Trinita di Monte à la Piazza di Spagna. Une dernière cigarette à fumer sous le lampadaire. Je lève les yeux au ciel, comme pour regarder une dernière fois l'azur du ciel. J'aperçois la Signora Mrs Stone sur le balcon de son hôtel particulier. Veuve, la cinquantaine, le temps dérive sur sa peau, elle dérive dans ses appartements. Actrice renommée dans un temps ancien, mais l'âge a eu raison de sa carrière. Autour d'elle, virevoltent des comtesses et de jeunes éphèbes romains venus lui soutirer quelques lires de sa fortune.
« Trois événements essentiels, trois ruptures profondes avaient marqué trois années de suite la vie de Mme Stone : l'abandon de sa carrière, la mort de son mari et cette transformation qu'apporte dans la vie des femmes la fin du cycle ovarien. Chacun de ces événements représentait en lui-même un bouleversement grave, et les trois conjugués lui donnaient l'impression qu'elle vivait désormais une vie posthume. »
Alors que les odeurs de calzone et d'amour à l'italienne flirtent avec mes narines, la vie de Mme Stone dérive. De son noble statut que lui ont conféré richesse et notoriété, jusqu'où sa dignité va l'emmener pour survivre à la solitude d'une dame encore belle mais devenue âgée. Le beau Paolo lui tourne autour, lui raconte des histoires, fabuleuses et tristes. Elle n'est pas dupe, elle sait le jeu, les tenants et les aboutissants, de Paolo et des dames de la bourgeoisie qui l'entourent mais dans la froideur des draps blancs, lorsque la lune s'étend et que sa lumière dérive sur le vide de sa chambre et de sa vie, Mme Stone se penche à son balcon, l'impression de vide s'accentue. Une ombre s'écarte du lampadaire...
Tennessee Williams vient ici me raconter une histoire de vieillesse et de dignité, dans une histoire très propre, trop même, pour laquelle il m'a manqué de la fougue et de la passion. Une vieille histoire dans une vieille édition sur le prix à payer pour garder une certaine dignité, tout en continuant à survivre, un être à la dérive.
« Je dérive, je dérive », se répétait Mrs Stone. Elle errait à travers l'appartement. Elle regarda la solitude immaculée du lit. La solitude immense. Très calme, elle épiait le silence avec une telle intensité qu'elle entendit sonner la pendule de la pièce voisine. Le temps dérivait à son tour. Et le sommeil. Le sommeil s'en allait à la dérive au-dessus de la ville ancienne.Elle regarda par la fenêtre, fit quelque pas sur la terrasse. Le ciel lui-même allait à la dérive. Rien d'autre n'existait que cette dérive infinie du temps et des êtres. »
« Le Printemps Romain de Mrs Stone », Tennessee Williams.
C'est une totale découverte et je me dis pourquoi pas.
RépondreSupprimerMerci de ta chronique.
Bonne journée.
J'ai quand même lu du mieux du côté du Tennessee...
SupprimerMerci de ton passage.
Virnaaaaaaa ! :-)
RépondreSupprimerLe cinéphile !
Supprimer"10/18, Glen Moray, Helen Merrill, Littérature Américaine, Rome, Tennessee Williams"
RépondreSupprimerJ'aime tout là-dedans en général.
Tout et surtout Virna Lisi ! ;-)
SupprimerLu il y a un moment celui-ci, pas mon préféré de l'auteur mais je le relirai bien et surtout, je reverrai bien le film avec Vivien Leigh et Warren Beatty...
RépondreSupprimerJ'en lirai d'autres de Tennessee comme je boirai d'autres verres du Tennessee...
SupprimerTennessee Williams, je ne le connais qu'à travers les adaptations cinématographiques... (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerJ'ai préféré nettement "Une femme nommé Moïse"...
SupprimerUne envie de prendre Mme Stone par la main, avec son vide et sa solitude, et de l’emmener dans les eaux chaudes du Gulf Stream pour lui redonner la passion de vivre et d’aimer.
RépondreSupprimerRemarque qu'une calzone redonne toujours envie de vivre et d'aimer... :-)
Je n’ai toujours pas lu cet auteur, shishh
Se brûler les majeurs sous une calzone avec le fromage qui file... comme le temps défile
SupprimerOH LA LA je ne connais pas ce bouquin !!! merci merci
RépondreSupprimery'a pas de quoi... moi je retournerai à d’autres Tennessee...
SupprimerBonsoir le Bison, merci pour ce "tribute" à Virna Lisi et ses beaux yeux. Superbe. Bonne soirée.
RépondreSupprimerSublime regard.
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