Il
y a cet homme qui dort contre le corps de sa femme. Cette image, je la garde profondément ancrée en moi, elle respire tant le bonheur et l’amour, deux âmes enlacées peau contre peau, dans le
silence d’une vieille bicoque grinçante de banlieue. Elle veut déménager, lui
est plutôt résistant à cette perspective, trop de souvenirs, trop d’amour dans ces lieux pour être prêt à
fermer la porte. Jusqu’au jour où… Se résigner... Faire des cartons, laisser le piano… Jusqu’au
jour où… Un accident de voiture…
L’homme
se réveille, chambre froide, un drap sur le corps, il erre sous la lumière blafarde
tel un fantôme. Il EST un fantôme. La femme pleure, bien évidemment. Un amour qui
s’en va. Casey Affleck, puisqu’il s’agit de lui sous son drap qu’il ne quittera
plus jusqu’à la fin du film, ne comprend pas vraiment ce qui se passe… Il
rentre chez lui. Le silence lourd, de la maison. Sa femme mange une tarte. Dans
un silence de mort. Seule, par terre dans la cuisine, pendant dix minutes, Rooney Mara
s'en enfourche à en gerber. Un plan fixe de 10 minutes sur une femme
qui bouffe une tarte dans une désespérance totale, c’est long, très long… Les premiers spectateurs quittent la salle… Le silence ne convient pas à tout le monde.
Pendant
le reste du film, dans un silence obscur, bercée par une magnifique musique où
le violoncelle a la part belle, normal quand il est question de fantôme, il
voit sa femme errer puis refaire sa vie, il échange par regards interposés quelques mots
avec le fantôme de la maison d’en-face – le clin d’œil humoristique du film, de
nouveaux locataires arrivent, sa femme est partie, d’autres locataires… Jusqu’au
jour où…
Quoi
de mieux que de commencer l’année sur cet étrange film. Une rêverie ectoplasmique
sur la douleur du deuil et beaucoup de questions qui se posent sur l’après. Sur
cette lumière que l’on voit, mais que l’on ne suit pas, parce que l’on ne sait
pas quoi faire, se dire que notre vie n’est pas finie, même dans la mort. Un
tel film est inimaginable. Tant de silence, tant de plans fixes, format carré
bouts arrondis. Et surtout beaucoup d’amour qui se vit dans le silence. Un
film sur le silence de nos jours est devenu une aberration comme une vie plongée
dans un silence. Pourtant, c’est dans le silence que l’on ressent tant les
choses, les êtres, la profondeur des âmes, loin des discours pour meubler une
scène. Et n’est-ce pas la plus belle image d’amour que ce couple allongé l’un
contre l’autre, sans se regarder, sans parler, juste se toucher. Le véritable
amour qui se passe de mot. Mais que se passera-t-il une fois qu’un drap sera
jeté sur mon corps ? Un drap, deux trous pour les yeux.
Les
lumières se font sur la salle, des places vides délaissées par des spectateurs s’attendant
probablement voir Casey Affleck reprendre le rôle de Patrick Swayze – mais le
film est à des lieues d’un pur remake, s’attachant plus à une méditation sur l’après-mort
qu’à romancer une histoire cinématographique les mains dans l'argile, quelques sourires voir rire symbolisent l’incompréhension
de certains, quelques chuchotements viennent pour vite dissiper les longs
silences du film, moi je prends mon temps pour remettre mon manteau, mon écharpe,
mes gants, pour garder ce silence en moi, et sortir dans le froid et le
silence de la nuit étoilée.
« A Ghost
Story », David Lowery.
"Le silence ne convient pas à tout le monde"... je ne vis que pour lui...
RépondreSupprimerIl y a le long deuil et il y a l'après. L'après, fait de silence et de rêves.
Je te souhaite une belle année mon Bison, entouré d'étoiles :-*
Des étoiles, il n'y a en a pas beaucoup dans mon ciel... Mais souvent, la nuit, j'essaie de lever les yeux vers le ciel. Je ne les vois pas, alors mon souvenir va vers cette lune bleue qui illumine en silence tant de personnes à travers le monde... Parce que la lune ou les étoiles restent les mêmes quelque soit l'endroit où l'on se trouve, fantôme ou âme humaine, c'est aussi ça la magie du ciel, la nuit.
SupprimerBonsoir le Bison, décidément, je ne lis que du bien à propos de ce film. Je me tâte. J'ai entendu des critiques du Masque et la Plume, hier soir assez mitigés. J'en profite par la même occasion de te souhaiter une belle année 2018 pas ectoplasmique du tout.
RépondreSupprimerSoit on pense que c'est un chef d’œuvre ou presque, soit on pense que c'est de la fumisterie. Pas de juste milieu.
SupprimerPas de juste milieu c'est clair...
SupprimerFumisterie pour ma part au même titre que la grossesse de la vierge Marie :-)
Meilleurs voeux Bison.
Je ne connais pas cette Marie-en-cloque... Mais les fantômes, c'est plus mon rayon, j'ai étudié Ghostbusters dès mon plus jeune âge...
SupprimerHeureusement qu'il reste des réalisateurs pour imaginer un tel film.
RépondreSupprimerTu en parles admirablement.
Je ne sais si je remangerai de la tarte un jour...
Si mon fantôme est près de moi j'espère qu'il ne souffre pas autant.
Si ton fantôme est près de toi - je n'en doute pas - il faut croire au fond de toi qu'il ne souffre pas. Pour lui.
SupprimerMerci. Ce genre de petites phrases me touchent... t'as pas idée !
SupprimerVoilà qui me tente même si je suis toujours un peu dubitatif devant Rooney Mara...
RépondreSupprimerFinalement, je la connais très mal... Mais Rooney Mara incarne ici une certaine tristesse teintée de mélancolie, et je l'ai bien aimé. Mais pas facile de jouer toute seule dans un film, seule avec un type qui a posé un drap sur lui pour l'observer...
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