Cela commence comme dans un rêve. Deux
filles superbes et brunes descendent de voiture, je regarde leurs
sourires dans ma combinaison bleue de garagiste, un short moulant, une
mini-jupe mini, ce parfum d'ivresse, de jasmin et de chatte humide.
Je fond pour un sourire, et craque pour leurs culs croquants. Terriblement bandant
cet effet qu'elles me font sur une route ensoleillée de
l'Andalousie, dans la province d'Almeria. J'ai chaud, même dans les
rêves, dès qu'il y a du soleil, je sue à grosses gouttes de
plaisir de voir ces courbes danser autour de moi, comme un morceau de
glace dans un verre de mojito, ces seins qui dansent le hula hoop
sous mes yeux prêts à gicler des larmes de bonheur et de
jouissance. Pour parfaire la tableau idyllique de cette scène, la
radio diffuse un extrait de « Ummagumma », le plus grand
album rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Cela en
devient presque trop pour moi, l'éjaculation est déjà au bord du
drame quand je pose ma main au bord de leurs fentes sans défense et
ouvertes à mes propositions.
C'est à ce moment-là que je me
réveille, me demandant ce que je fais dans cette putain de vie qui
n'en finit pas. J'avale ma salive, amère, en même temps que mon
comprimé blanc et ovale. Le café coule, ploc-ploc, au goutte-à-goutte dans la cafetière. Noir, un demi-sucre pour
accompagner ma triste destinée dans un monde où la biochimie s'est
substituée à mon plaisir. Mon taux de sérotonine (c'est fou comme ce mot me renvoie à mes cours de biochimie de M. Pelmont) sanguin croit en
même temps que la ferme virilité de mon membre décroit. Point
final d'une vie.
« Après avoir fouillé dans ses
rayonnages une à deux minutes, il ressortit Ummagumma. « Le
disque à la vache, c'est de circonstance... » commenta-t-il
avant de poser l'aiguille au début de Grantchester Meadows. C'était
extraordinaire ; je n'avais jamais entendu, ni même soupçonné
l'existence d'un son pareil ; chaque chant d'oiseau, chaque
clapotis de la rivière était parfaitement défini, les graves
étaient tendus, les aigus d'une pureté incroyable. »
[J'en profite pour faire un petit
aparté, qui a tout de même son importance majeure : Michel si tu m'écoutes – ou me lis en l’occurrence –
si Grantchester Meadows fait bien partie de l'album Ummagumma, ce
dernier n'est pas le disque à la vache, le disque à la vache, cette
vache qui se prénomme Lulubelle III, une normande qui me regarde de son air désabusé face au
pauvre type que je suis, est Atom Heart Mother, l'autre plus grand
album rock de l'histoire du rock et de tous les temps.]
Lorsque lâchent les émois du cœur,
enfouis sous une couche de poussière, la vie perd de sa signifiance
et par delà l'envie. Un comprimé salvateur qui maintient la vie
d'une putain de vie qui ressemble plus à l'échec de soi. Encore un
matin, me dis-je, enfilant un caleçon aux couleurs bariolées,
grimpant dans une voiture d'occasion, se dirigeant vers le centre
Leclerc, là où la vie est moins chère, encore que je ne suis plus
sûr de la justesse de l'enseigne, se dirigeant vers le rayon
spirituel, celui qui accompagne ce genre de vie, du Calvados au
Génépi, ce sont les régions profondes de la France qui sondent
l'âme en perdition de cet être mi-zombi mi-homme, et encore c'est
donné beaucoup d'importance à cette version de l'homme. Bref, je
sors du magasin, pour faire le plein d'essence, m'en asperge la
couenne, craque une allumette, illumination posthume d'une vie.
Mais avant, je ferme les yeux, une
musique intérieure intervient pour inonder mon âme d'une puissante
nostalgie d'un autre temps, une musique qui parle d'amitié et de
silence entre deux ou trois types, qui se parlent en silence, autour
d'une bouteille de bière, de deux même, ou d'une bouteille de gin,
pas de suze pour moi, t'as pas un fond de schweppes qui traîne, Ian
Paice, Roger Glover, John Lord, Richie Blackmore et Ian Gillan, une
musique envoutante bandante, hypnotique nique nique, des cymbales qui
me cognent l'âme en peine, « Child in Time » la plus
grande chanson rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Elle
passe en boucle dans ma tête triste, pourtant à l'intérieur des
milliers d'étoiles s'illuminent, un feu d'artifice explosif qui
éclaire la voie vers un néant sans nom, une lumière qui m'emmène
loin de ce monde, des frissons m'emportent, je n'ose plus ouvrir les
yeux, la bite molle après l'éjaculation sublime que me procure un
telle beauté, symphonie du mouvement et des courbes, qui me renvoie
à chaque fois au premier chapitre de cette histoire, celle de cette
femme callipyge aux jambes caramélisées par le soleil d'Andalousie,
avant que je perde l'adhérence à ce monde et de suivre la vacuité
des jours, un commencement sans fin, comme ce titre de roman d'une rime en -ine.
« Sérotonine », Michel
Houellebecq.
« … il était j'imagine pas
très loin de minuit lorsque je lui proposai de mettre de la musique,
ce qui depuis longtemps était la seule chose à faire, la seule chose
possible dans notre situation, il acquiesça avec reconnaissance et
là je ne me souviens plus trop bien de ce qu'il a mis parce que
j'étais moi-même complètement saoul, saoul et désespéré, le
fait de repenser à Camille m'avait achevé en quelques secondes,
immédiatement avant je me sentais le mec fort, le sage et le
consolateur, et d'un seul coup je n'étais plus qu'une merde à la
dérive, enfin je suis sûr qu'il nous a mis ce qu'il avait de
mieux, ce à quoi il tenait le plus. Le seul souvenir précis que
j'ai, c'est un enregistrement de Child in time, un pirate réalisé à
Duisburg en 1970, la sonorité de ses Klipschorn était vraiment
exceptionnelle, esthétiquement c'était peut-être le plus beau
moment de ma vie, je tiens à le signaler dans la mesure où la
beauté peut servir à quelque chose, enfin on a dû se le passer
trente ou quarante fois, à chaque fois captivés, sur le fond de la
calme maîtrise de John Lord, par le mouvement d'envol absolu par
lequel Ian Gillan passait de la parole au chant, puis du chant au
cri, et ensuite revenait à la parole, immédiatement après
s'ensuivait le break majestueux de Ian Paice, il est vrai que John
Lord le soutenait avec son habituel mélange d’efficacité et de
grandeur, mais quand même le break de Ian Paice était somptueux,
c'était sans doute le plus beau break de l'histoire du rock, puis
Gillan revenait et la seconde partie du sacrifice était consommée,
Ian Gillan s'envolait à nouveau de la parole au chant, puis du chant
au cri pur, et malheureusement peu après le morceau se terminait et
il n'y avait plus qu'à replacer l'aiguille au début et nous
aurions pu vivre éternellement ainsi, éternellement je ne sais pas c’était sans doute une illusion mais une illusion belle... »
Wellbec : NON.
RépondreSupprimerMoi, c'était mon premier... Et je dis OUI... à en découvrir d'autres...
SupprimerEt pourtant ma sérotonine n'est pas au top.
SupprimerJamais lu Houellebecq mais Pink Purple (!) tu sais bien ce que j'en pense. :P Et comme ça fait VACHEMENT du bien de les réentendre.
RépondreSupprimerEntre le rose et le violet, il n'y a que quelques accords de guitare...
SupprimerSi je comprends bien ton taux de sérotonine est inversement proportionnel à ta virilité ? Me faudra revoir mes vieux livres de biochimie plein d’poussière, cette donnée scientifique m'a crissement échappée… ^^
RépondreSupprimerUmmagumma ??? JUBILATOIRE ! DIVIN ! Mon majeur est tout excité !!!
Le seul Houellebecq que j'ai lu est "La carte et le territoire". Manquait de sérotonine là-dedans.
D'la poussière sur des livres de biochimie, c'est une évidence, tout comme le frétillement du majeur sur Ummagumma...
SupprimerD'ailleurs la poussière est apparue en même temps que les cours de biochimie. CQFD.
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